Dans leurs nouvelles publications, l’IATA et Eurocontrol ne respirent toujours pas l’optimisme. Dans son bilan des dernières semaines, l’association internationale du transport aérien s’inquiète des effets du retour au confinement des pays européens, qui augurent d’un quatrième trimestre difficile. La deuxième vague touchant particulièrement l’Europe, redevenue épicentre épidémique, l’aviation sur le continent « devrait beaucoup souffrir de la situation », regrette Brian Pearce, chief economist de l’association, tandis qu’Eurocontrol a présenté ses scénarios de reprise sur les cinq prochaines années.
Pour le moment, le cargo continue à tirer son épingle du jeu. Le trafic de septembre est inférieur de seulement 8% à celui de l’année dernière, tandis que les capacités, amputées d’une grande partie des soutes des avions passagers, sont en baisse de 25%. Les avions tout cargo enregistrent ainsi une activité en hausse de 20% par rapport à septembre 2019 et les yields sont très hauts. Les perspectives à court terme sont bonnes : le niveau des commandes à l’export est très élevé (avec des niveaux plus importants qu’en janvier) et l’activité entre dans sa saison haute.
Il existe bien sûr des disparités dans ce dynamisme : le Pacifique Nord reste le plus important marché et le fort recours aux appareils tout-cargo (traditionnel dans la région) lui a permis d’être épargné par la crise. Au contraire, le trafic intra-asiatique, très dépendant des capacités en soute, reste à la traîne.
Aujourd’hui, le cargo représente 20% à 25% des recettes des compagnies aériennes, contre 15% avant la crise, et est le seul moyen de rentabiliser les vols long-courrier. L’IATA estime que ce souffle est de courte durée, le secteur retrouvera ses difficultés avec le retour des capacités des avions passagers.
Mais celle-ci n’est pas pour tout de suite. La belle remontée de la confiance des entreprises dans le monde depuis juin stagne désormais, avec la reprise de l’épidémie en Europe et aux Etats-Unis. En France, cet indice était même en déclin dès septembre. Alors que le principe de tests systématiques a du mal à s’imposer dans le monde, le trafic international est toujours inférieur de 88,8% à son niveau de 2019, tandis que celui sur les marchés domestiques reste à 43,3% – là encore avec de fortes disparités, la Chine continuant de croître, la reprise spectaculaire en Russie s’étant arrêtée et les marchés américain et australien étant toujours plombés par les restrictions.
Mais c’est l’Europe qui va le plus souffrir dans les prochaines semaines, selon Brian Pearce, qui constate ainsi l’arrivée d’un monde à deux vitesses dans le secteur du transport aérien. Le niveau des réservations a de nouveau baissé et le continent « va connaître un déclin assez rapidement à cause des confinements » décidés dans plusieurs pays. Cela a déjà commencé, Eurocontrol ayant constaté que le trafic d’octobre était à 56% du niveau de 2019. L’organisme européen prévient lui aussi que la situation va se détériorer, les grands opérateurs européens ayant déjà notifié des baisses de capacités en novembre et décembre.
Il s’est par ailleurs également risqué à élaborer des perspectives à long terme le 4 novembre en publiant ses prévisions de reprise. Elles se basent sur trois scénarios reposant sur la disponibilité à grande échelle ou non d’un vaccin efficace contre le SARS-CoV-2. Le premier scénario est le plus optimiste et s’aligne sur les prévisions les plus répandues, comptant sur un vaccin dès l’été 2021 et un rattrapage en 2024 du niveau de 2019 en termes de nombre de mouvements enregistrés dans l’espace aérien supervisé par Eurocontrol. Mais l’organisme n’a pas foi en ce scénario et estime que le plus probable est le deuxième : il attend un vaccin pour l’été 2022, ce qui repousserait le retour aux niveaux de trafic de 2019 à 2026. Sans vaccin, la reprise pourrait prendre neuf ans.
« Même dans le scénario le plus positif, nous ne prévoyons pas de remontée aux niveaux de 2019 avant 2024. Il existe une perspective très réelle que cette reprise pourrait prendre encore plus de temps, peut-être jusqu’en 2029 », constate Eamonn Brennan, son directeur général.