L’annonce de la disponibilité prochaine d’un vaccin contre la covid-19 a redonné de l’espoir au secteur aéronautique, qui survit au jour le jour depuis le mois de mars. Mais il reste prudent car les chiffres, eux, ne font que témoigner encore et encore des difficultés dans lesquels il est enlisé. Ainsi, les prévisions de l’IATA se sont encore dégradées, avec des estimations de pertes revues à la hausse, plus que doublées pour 2021. « Les livres d’histoire retiendront 2020 comme la pire année » d’un point de vue financier pour le secteur, a affirmé Alexandre de Juniac, directeur général de l’association. Mais dans ce long tunnel de mauvaises nouvelles, une lumière : les compagnies aériennes pourraient connaître leur premier trimestre à l’équilibre au quatrième trimestre 2021, ce qui est plus tôt que prévu initialement.
D’ici là, il peut tout de même se passer beaucoup de choses. Déjà, après dix ans en continu de bénéfices, les compagnies devraient enregistrer 118,5 milliards de dollars de pertes en 2020 – en juin, l’industrie tablait sur une perte cumulée de 84,3 milliards de dollars. Ensuite, « il y aura un redressement important en 2021, surtout comparé aux niveaux de 2020, mais la reprise va prendre du temps », décrit Brian Pearce, chief economist de l’IATA. Il prévoit ainsi que les pertes des compagnies aériennes pour 2021 atteignent 38,7 milliards de dollars, un niveau bien plus important que les 15,8 milliards de dollars que l’association attendait lors de ses précédentes estimations.
L’annonce de la mise au point de vaccins est une bonne nouvelle selon lui, mais qui ne permet pas de se montrer déraisonnablement optimiste. L’IATA se base sur un déploiement à partir du second semestre 2021 en raison des défis de production et de distribution à relever, ce qui repousse une reprise visible à fin 2021 ou 2022. « On ne peut pas attendre que tout le monde soit vacciné pour rouvrir les frontières », martèle Alexandre de Juniac, qui plaide pour la mise en place d’une politique de dépistage au niveau mondial. L’association n’a donc pas révisé ses prévisions concernant le rythme de la reprise mais a introduit une marge d’incertitude (liée à l’évolution du virus, l’efficacité des vaccins et le comportement des gouvernements), qui montre un risque important de révision à la baisse.
Le premier semestre 2021 sera très difficile et est l’échéance à laquelle nombre de compagnies pourraient tomber à court de liquidités (une compagnie dans la moyenne avait de quoi tenir huit à neuf mois cet été). « Cette crise est dévastatrice et implacable. Les compagnies aériennes ont réduit leurs coûts de 45,8 %, mais les recettes ont diminué de 60,9 % », prévient Alexandre de Juniac, soulignant que les coûts ont été réduits d’un milliard de dollars par jour. Pour le moment, Brian Pearce constate une quarantaine de faillites, d’autres ayant été évitées par les aides consenties par les gouvernements et le secteur privé. Davantage d’aides sont nécessaires pour éviter une hécatombe au premier semestre 2021, selon l’IATA, car les compagnies devraient encore creuser leur trésorerie de 60 à 70 milliards de dollars. Par ailleurs, l’endettement a explosé et augmenté de 220 milliards de dollars à 651 milliards de dollars, ce qui ralentira la capacité de rebond.
Avec ses 38,7 milliards de dollars de pertes attendues, l’année 2021 sera la seconde pire année de l’histoire du transport aérien. Mais les recettes pourraient remonter pour atteindre 459 milliards de dollars (contre 328 milliards en 2020 mais 838 milliards en 2019) alors que les coûts pourraient ne gonfler que de 61 milliards de dollars. Le nombre de passagers pourrait revenir à 2,8 milliards – au lieu des 1,8 milliard qui ont fait reculer le secteur au niveau de 2003 en 2020 -, les yields devraient rester stables et le coefficient de remplissage pourrait gagner sept points (à 72,7%). L’Asie et l’Amérique du Nord – où il existe d’importants marchés domestiques – seront les premières régions à repartir.
Le cargo quant à lui, continuera d’enregistrer de fortes performances, porté par la confiance des entreprises puis par son rôle dans la distribution des vaccins. Il devrait ainsi retrouver son niveau de 2019 avec 61,2 millions de tonnes transportées, malgré une capacité toujours réduite en raison de la baisse de capacité en soute. Le transport des doses de vaccin améliorera par ailleurs les yields en augmentant le volume de marchandises sensibles. L’IATA s’attend à ce que le secteur enregistre sa meilleure année avec 139,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires.