Alors que s’est tenue cette semaine l’édition virtuelle du célèbre salon Aircraft Interiors de Hambourg, les perspectives à court terme pour le marché de l’aménagement ou du réaménagement de cabine peinent à reprendre des couleurs. Les cabinets Cirium, TAC (Tronos Aviation Consulting) et AeroDynamic constatent tous que la lenteur de la reprise et les incertitudes qui pèsent sur les prochains mois continuent d’assombrir les perspectives du secteur.
Après une année 2020 catastrophique où la demande en produits cabine a été réduite de deux tiers, les indicateurs immédiats sur l’utilisation de la flotte mondiale sont plutôt positifs. Avec l’été, le nombre d’appareils en stockage longue durée a continué de diminuer, même si le niveau d’utilisation des appareils réactivés reste très inférieur à ce qu’il était avant la pandémie de covid-19 (de 15% à 20%). Selon Cirium, en juillet, 11 685 monocouloirs et 2 437 gros-porteurs étaient en service (contre, respectivement, plus de 14 000 et plus de 4 000 en janvier 2020).
Ces nombres trahissent la faiblesse continue du segment des gros-porteurs mais ne montrent pas les disparités entre les régions ni les menaces qui arrivent avec le variant delta et la saison hiver. Or, l’un des plus grands marchés, l’Asie Pacifique, est en retard dans la reprise en raison de la lenteur des campagnes de vaccination. La Chine, dont toute décision a un impact important sur la situation mondiale du transport aérien, subit une nouvelle vague épidémique et a réduit ses capacités intérieures de 30% en août. Les compagnies américaines revoient toutes à la baisse leurs prévisions pour cet automne alors que la demande a commencé à faiblir en août et l’Europe s’attend à un hiver difficile. Ainsi, le nombre d’avions en service devrait de nouveau baisser à partir d’octobre.
Quel impact sur le secteur du produit cabine ?
Le retour en service progressif de la flotte mondiale a permis une reprise lente des activités de rétrofit cabine, notamment par la réactivation des programmes lancés avant la crise (par exemple le réaménagement des A380 de Qantas et de Singapore Airlines). Malgré cela et malgré l’activité autour de la conversion temporaire ou non des avions passagers en cargo (preighters et P2F), le marché reste très en-deçà de ce qu’il était en 2019 et l’évolution du chiffre d’affaires qui était alors prévue d’ici 2025 ne sera pas rattrapée.
Delta Air Lines fait partie des rares compagnies qui n’ont pas suspendu complètement leurs programmes de rétrofit cabine. La compagnie américaine a annoncé l’intégration d’une classe économique premium sur une partie de ses Boeing 767 et Airbus A330 au mois de mai © Delta Air Lines
TAC et AeroDynamic estiment en effet que les dépenses en composants cabine majeurs (sièges, galleys, cabinets de toilette, IFEC, éclairage…) liées au rétrofit seront inférieures à 2 milliards de dollars en 2021 (alors qu’elles étaient prévues à 2,5 milliards de dollars lors des prévisions 2020). Elles augmenteront très doucement jusqu’en 2024, avant une forte reprise en 2025, où elles pourraient passer de 3,8 milliards de dollars à 6 milliards de dollars. Mais sur la période 2021 – 2025, les dépenses totales devraient être réduites de moitié par rapport aux prévisions. Quant aux dépenses pour les premières installations (line fit), elles devraient être réduites de 60% par rapport aux prévisions en raison de la baisse des cadences de production des avionneurs.
L’impact est particulièrement important en raison du profil de la crise, qui touche en premier lieu les gros-porteurs. Rob Morris, responsable conseil d’Ascend by Cirium, estime que les cadences de production étaient déjà trop importantes pour la demande avant même que la pandémie ne surviennent, ce qui avait créé un surplus et nui à la rentabilité des programmes. Aujourd’hui, les gros-porteurs sont les plus concernés par le stockage longue durée, leurs livraisons ont dégringolé, ainsi que les commandes. Or les installations cabine sur ces appareils sont les plus rentables pour les équipementiers – elles représentent un chiffre d’affaires six à sept fois supérieur à celui d’un monocouloir. Les perspectives avant-crise semblent donc inaccessibles.
Pourtant, Cirium estime que la demande à long terme pour de nouveaux appareils, principalement monocouloirs, va rester forte et que le marché aura besoin de plus de 15 000 avions neufs sur dix ans car les compagnies aériennes auront besoin de renouveler leur flotte (pour réaliser des économies au niveau opérationnel et atteindre leurs objectifs environnementaux). Ceci a d’ailleurs poussé Airbus et Boeing à prévoir de nouvelles augmentations de cadence à moyen terme. Par ailleurs, de nombreux appareils sont actuellement en attente de livraison (principalement chez Boeing à la suite des suspensions des livraisons de 737 MAX et de 787) et devront être aménagés.
Sur le marché de l’occasion aussi, les choses pourraient évoluer. Le nombre de retraits d’avions du service pour démantèlement n’est pas aussi important que ce qui était prévu au début de la crise, même si leur nombre pourrait augmenter en 2022. Cirium s’attend donc à ce que le marché du leasing d’appareils de seconde main redevienne plus dynamique, entraînant des besoins de réaménagement avec les transitions entre compagnies.