Les commandes d’avions cargo neufs ou issus de la conversion d’avions passagers se sont multipliées ces derniers mois, tandis qu’Airbus et Boeing ont lancé de nouveaux dérivés de leurs programmes phares, le secteur voulant non seulement rajeunir sa flotte mais aussi surfer sur la vague du succès connu par le secteur cargo durant la crise sanitaire. Cela préoccupe l’IATA. L’association internationale du transport aérien constate en effet une baisse très nette des volumes de marchandises et un fort ralentissement de la croissance des yields dans le domaine avec le retour en vol des avions de transport de passagers.
« Au moment où la demande de fret aérien se ralentit, les livraisons d’avions cargo se maintiennent à un niveau élevé. La moyenne sur deux ans est à son point le plus haut depuis 2012. Cette capacité supplémentaire de fret, ainsi que la reprise en cours sur le marché des passagers (donc la capacité apportées par les soutes) exerceront une pression à la baisse sur les performances du fret », résume Andrew Matters, chef de l’analyse stratégique.
En effet, le secteur fret a dépassé son niveau de 2019 dès 2021, puis le trafic s’est stabilisé jusqu’au printemps 2022 où il a commencé à s’éroder pour redescendre au-dessous de son niveau de 2019. En octobre 2022, le volume de fret aérien était ainsi 6,2 % au-dessous de son niveau d’octobre 2019. Cette baisse concerne toutes les régions, en tête desquelles l’Europe, avec un niveau inférieur de 18,8 % à celui d’octobre 2021. Le remplissage s’en ressent, qui perd 7,4 points en octobre 2022 par rapport à octobre 2021 (à 48,7 %).
L’IATA estime que les volumes devraient ainsi baisser de 8 % en 2022 par rapport à 2021, puis de 4 % en 2023. Le contexte macroéconomique ne pointe pas vers une amélioration des échanges, la croissance du PIB mondial et des échanges étant ralentis par le conflit en Ukraine, l’inflation et la hausse du coût de la vie.
Au niveau des rendements, là encore, l’IATA constate un ralentissement, tout à fait logique après les hausses de ces deux dernières années. L’association souligne qu’après une envolée des yields du secteur cargo de 52 % en 2020 et de 24 % en 2021, la hausse devrait se limiter à 7,2 % en 2022. L’année 2023 devrait en revanche être le cadre d’une baisse de 22,6 %, « ce qui n’est pas déraisonnable vu les taux de croissance des années précédentes, qui ne pouvaient pas se maintenir ».
Malgré cela, le chiffre d’affaires du secteur devrait rester élevé. L’IATA estime qu’il atteindra 149 milliards de dollars en 2022, une baisse de 25 % par rapport à 2021 mais un niveau toujours supérieur de 50 % à celui de 2019.
La tendance restant vraiment positive est celle de la croissance du commerce en ligne. « Elle est inarrêtable », juge Brendan Sullivan, directeur du cargo chez IATA. Les ventes transfrontalières de commerce électronique devraient atteindre 1 900 milliards de dollars en 2022 et augmenter de 13 % en 2023 pour atteindre 2 100 milliards de dollars. Le nombre de colis a quadruplé en huit ans pour atteindre 159 milliards et devrait doubler d’ici 2027. Mais cela suffira-t-il à remplir les avions cargo qui arrivent sur le marché ?