La gouvernance des opérations d’entretien et de réparations de l’ensemble des avions et hélicoptères est désormais placée sous l’ombrelle du chef d’état-major des armées (CEMA), une organisation plus logique et plus adaptée. À la tête de la DMAé, l’ingénieure générale hors classe de l’armement Monique Legrand-Larroche participait la semaine dernière au premier point presse de l’année du ministère des Armées, l’occasion de revenir sur les avancées et sur les premiers résultats concrets liés à la verticalisation des contrats de MCO.
Comme l’a rappelé Hervé Grandjean, le porte-parole du ministère des Armées, la création de la Direction de la Maintenance Aéronautique du Ministère des Armées (DMAé) et la reforme du MCO aéronautique induite, a été l’un des premiers axes importants de reforme voulue par la ministre des Armées Florence Parly lors de sa prise de fonction, jugeant la disponibilité des flottes d’aéronefs trop faible, en particulier sur le territoire national, au détriment de l’entraînement des équipages. C’est d’ailleurs un chantier qui reste toujours prioritaire aujourd’hui, avec 35 milliards d’euros qui y sont consacrés dans la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 (5,8 milliards d’euros au total par an pour toutes les forces, le MCO aéronautique représentant à lui seul 3 milliards d’euros par an).
Pour Monique Legrand-Larroche, l’axe majeur de cette transformation a été la refonte totale de la relation entre le ministère des Armées et l’industrie privée et publique.
« Le principe c’est de responsabiliser l’industrie sur des exigences de haut niveau, en confiant à un maître d’oeuvre unique la responsabilité du soutien d’une flotte d’aéronefs, avec un contrat de longue durée, de l’ordre d’une dizaine d’années, et des activités majoritairement forfaitisées. Dans ces conditions, l’industriel a tous les leviers en main. Il dispose de la visibilité, il dispose de la durée, il a l’ensemble de la chaîne sous sa responsabilité. Il peut donc planifier, il peut recruter, il peut investir, il peut innover et il peut anticiper les obsolescences techniques » expose-t-elle. Pour la directrice de la Maintenance aéronautique, la puissance de ces contrats verticalisés est « démultipliée par la mise en place de pôles de conduite du soutien qui réunissent les différents acteurs de manière permanente; les forces, la DMAé, les industriels, afin de fluidifier les échanges d’informations technico-logistiques pour favoriser les prises de décisions du terrain à court terme. »
Des premiers résultats particulièrement tangibles
Monique Legrand-Larroche a ainsi exposé les premiers résultats de la transformation complète du MCO aéronautique menée depuis maintenant deux ans, les premiers contrats verticalisés ayant été notifiés en 2019.
Pour les flottes d’entraînement, la DMAé a externalisé l’intégralité du soutien. Il ne s’agit donc plus de constater une disponibilité, mais plutôt un niveau d’activité, en nombre d’heures de vol réalisées, à l’instar de la flotte d’hélicoptères légers de l’armée de Terre (Fennec) ou pour cinq hélicoptères Cougar de l’armée de Terre. « Pour les Fennec, nous sommes ainsi passés de 2500 heures de vol en 2018 à 5100 heures de vol en 2021. Pour les cinq Cougar externalisés, l’armée de Terre a pu réaliser les 1500 heures qu’elle avait demandées, ces appareils volant en moyenne deux fois plus qu’en 2018 » annonce Monique Legrand-Larroche.
Pour la flotte d’hélicoptères Tigre, 28 machines étaient disponibles fin 2021 sur 67, contre 18 en 2018. Pour l’A400M, moins de 3,5 appareils étaient disponibles en 2018 contre près de 7 en moyenne en 2021. « Comme le parc a augmenté en parallèle, le pourcentage de disponibilité est plus pertinent et nous constatons une augmentation du taux à 35%, avec même 40% d’appareils disponibles au quatrième trimestre 2021 » observe-t-elle. La directrice de la Maintenance aéronautique note d’ailleurs que chaque appareil en ligne a effectué 625 heures de vol par an, contre moins de 500 en 2018.
Pour le Rafale, « qui a toujours affiché une disponibilité très satisfaisante pour les besoins des armées » , la disponibilité de la flotte de l’armée de l’Air et de l’Espace s’est maintenue vers 55%, avec une activité de 25000 heures de vol l’année dernière « alors même que le parc avait diminué avec les premières cessions d’appareils pour la Grèce ». Pour les Rafale M de la Marine nationale, la disponibilité est passée de 55% à près de 62% en 2021, leur permettant de réaliser plus de 10000 heures de vol, contre 8000 heures en 2018.
Monique Legrand-Larroche a tenu a précisé que contrairement à la MRO dans le civil, ou l’objectif de taux de disponibilité supérieur à 95% est de mise, le taux de disponibilité des aéronefs militaires est plutôt fonction du besoin réel des forces. « La Marine a par exemple eu un besoin fort de ses appareils pour ses activités, l’armée de l’Air a quant à elle réalisé l’ensemble des heures dont elle avait besoin avec cette disponibilité. »
Image © Direction de la Maintenance Aéronautique du Ministère des Armées
Bien sûr, d’autres flottes nécessitent encore une attention toute particulière, comme celle des hélicoptères Caïman Marine (NH90 NFH, 7 machines disponibles seulement sur 27, avec des problèmes de corrosion importants), ou celle des C130H (3 à 4 avions disponibles, avec en plus les chantiers de modernisation en cours), « avec des actions de longs termes en cours avec l’ensemble des acteurs étatiques et industriels ».
Monique Legrand-Larroche a par ailleurs annoncé que deux nouveaux marchés de verticalisation ont été notifiés le 29 décembre dernier. Le premier concerne la flotte de Mirage 2000 de l’armée de l’Air et de l’Espace qui a été remporté par Dassault Aviation, et ce pour toutes les versions. Ce contrat de 14 ans, donc jusqu’au retrait de service, viendra notamment pallier aux problèmes d’obsolescence importants rencontrés, avec l’assurance de pouvoir disposer de toutes les pièces nécessaires jusqu’à la fin. Le second a trait au soutien du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) qui a été attribué à Thales. Il s’agit du marché VASSCO (VerticAlisation du Soutien du SCCOA) qui court sur 10 ans. D’autres contrats sont en cours d’élaboration, à l’instar de la flotte d’Alphajet, celle des Gazelle, des Falcon, des CASA… Des contrats concernant la motorisation de l’ensemble des hélicoptères, des ATL2, ou celle de l’A400M, sont également prévus.
D’autres leviers d’améliorations en perspectives
Mais pour la directrice de la Maintenance aéronautique, les contrats de verticalisation ne sont que le socle des améliorations des disponibilités constatées. « Il faut aussi agir sur tous les leviers possibles pour obtenir la pleine efficacité de ses contrats » explique-t-elle . Elle rappelle ainsi que la DMAé s’est ainsi lancé dans la transformation numérique de l’activité avec le développement du futur système d’informations du MCO aéronautique Brasidas (du nom d’un célèbre général spartiate stratège et tacticien) dont le développement est mené par la DGA. « Ce nouveau système va remplacer plus de 70 systèmes d’information historiques et hétéroclites en lien avec la maintenance, non connectés entre eux, et qui créent des surcharges de travail et des risques d’erreurs. Brasidas sera ainsi le point d’entrée unique pour tous les acteurs du MCO, et couvrira l’ensemble des fonctions technico-logistiques, l’exécution de la maintenance, et la navigabilité » annonce-t-elle.
Par ailleurs la DMAé est en train d’étudier avec les armées des mesures de simplifications au niveau de l’application de réglementation de la navigabilité, et ce « sans baisser le niveau de sécurité ». Monique Legrand-Larroche ajoute que la DMAé soutient également toutes les expérimentations dans le domaine de l’innovation, par exemple « grâce à l’impression 3D ou via l’utilisation massive de données en vue de faire de la maintenance prédictive » . De plus, « Il est important que la maintenance soit prise en compte dès le lancement des programmes, partant du constat que les aéronefs les plus faciles à soutenir sont ceux dont le soutien a été pris en compte dès la phase de conception ».
À ce sujet, la DMAé travaille ainsi déjà avec la DGA pour la définition de la stratégie du soutien ou la négociation des contrats de développement. L’exemple le plus significatif concerne le contrat du HIL qui vient d’être notifié en décembre, et « qui comprendra un volet soutien en service pour 10 ans avec des engagements forts de l’industrie » a-t-elle souligné.