Seuls hélicoptères français à pouvoir être ravitaillés en vol, les H225M Caracal de l’EH 1/67 « Pyrénées » dépendent actuellement de nation alliées pour cette manoeuvre, l’armée de l’air ne possédant pas encore cette capacité. Une capacité « primordiale », selon l’armée de l’air, notamment sur un théâtre comme la bande sahélo-saharienne (BSS), aux importantes, très importantes élongations.
Un temps envisagé avec l’A400M, le ravitaillement en vol des voilures tournantes devra sans doute se passer de l’avion d’Airbus Defence & Space, notamment en raison de difficultés aérodynamiques pour l’instant non-résolues. Le patron de la division des avions militaires Fernando Alonso avait concédé à l’automne dernier que la chose était « compliquée », tout en indiquant travailler sur des solutions pour stabiliser le tuyau, voire le rallonger (lire Les défis de l’A400M).
L’alternative envisagée, l’acquisition de deux KC-130J à capacité de ravitaillement en vol. Une décision actée dans l’actualisation de la Loi de programmation militaire et validée le 15 décembre 2015 par le ministre de la Défense, avant d’être confirmée par la commande officielle de la DGA à l’US Air Force le 29 janvier dernier. Ces deux ravitailleurs ne devraient cependant pas arriver dans les forces avant 2019, selon les dernières prévisions en date. La première réunion pour préparer l’arrivée des C-130J a eu lieu début avril, « la mécanique est en route », nous confie le major général de l’armée de l’air, le général Philippe Adam. La formation des personnels débutera dès l’année prochaine, un volume « conséquent » de pilotes et de mécaniciens sera envoyé aux États-Unis en 2017 pour un semestre environ, afin d’y être formé aux nouvelles manoeuvres.
« Nous sommes en train de franchir des étapes, cela a pris du temps », déclare le général Adam. Si l’armée de l’air « prévoit des choses avec l’A400M », elle travaille dans le même temps à l’intégration des KC-130J dans la flotte française, le besoin de ravitaillement en vol se faisant cruellement ressentir en opérations. L’armée de l’air avance donc actuellement en collaboration étroite avec son homologue américaine : « Nous voyons bien qu’il y a une volonté politique des États-Unis de nous aider et les choses avancent bien », souligne le MGAA.
En attendant les KC-130J, les Caracal de l’armée de l’air peuvent bénéficier du concours des C-130 américains et italiens, avec lesquels ils effectuent régulièrement des entraînements au ravitaillement en vol. Les premières expérimentations ont eu lieu en 2008 avec un KC-130J de l’Aeronautica militare, elles ont ensuite repris en 2010 à raison d’une campagne par an, afin de qualifier les pilotes et de maintenir les compétences. Au cours d’un déploiement opérationnel fin 2013, les Caracal ont également pu profiter d’un HC-130P de l’US Air Force pour s’entraîner.
Les campagnes les plus récentes se sont tenues en novembre-décembre dernier avec la DGA Essais en vol et un KC-130J italien, et en février avec l’armée de l’air et le concours d’un MC-130J de l’US Air Force. Il s’agissait notamment d’étendre le spectre des capacités, en validant le ravitaillement en vol de nuit. Un nouvel entraînement devrait avoir lieu au début du mois de juin sur la BA 120 de Cazaux pour permettre la transformation des équipages. Actuellement, les deux tiers des pilotes de l’escadron ont obtenu leur qualification au ravitaillement de jour.
Dans la BSS, ce sont les aviateurs et les avions américains qui apportent leurs concours aux Caracal. Deux H225M sont actuellement déployés dans le cadre de la mission Barkhane, l’état-major n’ayant cependant pas souhaité communiquer leur localisation. Les hélicoptères étaient basés – au moins jusqu’en mai 2015 – sur la base tchadienne de Kosseï, à N’Djaména.
Le premier ravitaillement en vol en OPEX d’un Caracal du « Pyrénées » a eu lieu à l’automne dernier, l’état-major des armées ayant alors annoncé que cette manoeuvre allait permettre d’ouvrir « de nouvelles possibilités en termes de planification et de conduite des opérations »… en attendant une capacité en propre. L’EMA était même allé plus loin en confirmant que « le ravitaillement en vol, conjugué au transport de fret et des mécaniciens, offre désormais à la composante aéromobile une allonge beaucoup plus importante » et en affirmant que « le domaine d’intervention des hélicoptères est alors démultiplié et ne rencontre plus d’autres limites que les capacités physiologiques de l’équipage et les contraintes météorologiques ». L’endurance pourrait atteindre les dix heures en l’air et accroître de fait les capacités en termes de rayon d’action et de discrétion. D’autres opérations de ravitaillement en vol ont depuis eu lieu dans la BSS, et notamment un vol non-stop de sept heures.
Si l’EH 1/67 « Pyrénées » peut compter sur les C-130J américains, l’escadron pourrait peut-être dans un avenir plus ou moins proche également bénéficier du concours des Espagnols. En effet, l’Ejército del aire a acquis des pods de ravitaillement pour équiper ses KC-130H. Les pods, déjà entre les mains des aviateurs espagnols, doivent encore faire l’objet d’une campagne de certification et pourraient être mis à disposition de la France « à partir de l’été » pour l’entraînement au ravitaillement en vol des Caracal français. Le sujet avait été évoqué en mars lors d’une visite du MGAA à son homologue espagnol, le général Eduardo Gil Rosella et lors de laquelle l’armée de l’air avait fait part de son souhait de pouvoir réaliser ce type d’entraînement avec les avions espagnols.
Autre option envisagée à moyen terme, une capacité de ravitaillement en vol dans la BSS, l’Espagne fournissant déjà « un bon volume de soutien » avec des avions de transport dans le cadre de la mission Barkhane. Une capacité ouvertement confirmée selon nos informations : « sur le principe, ils sont d’accord, ils doivent en revanche faire des tests avant. Leurs paniers ne sont pas encore certifiés pour nos aéronefs, mais ils seraient partants », nous atteste-t-on au sein de l’armée de l’air. Le projet n’en est pour l’instant qu’à la phase d’étude de faisabilité, mais permettrait d’augmenter un peu plus le champ des possibles pour les Caracal sur un territoire aussi vaste. Un possible déploiement des C-130 espagnols sous contrôle opérationnel du JFAC (Joint force air component command) de Lyon, en cours de discussion, pourrait de fait contribuer à améliorer l’interopérabilité et surtout la flexibilité d’emploi des appareils en coopération avec la France.
Comme le confirme un bon connaisseur du dossier, « l’armée de l’air tient beaucoup à la capacité de ravitaillement en vol, c’est notre savoir-faire de l’action dans la profondeur ».