Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian n’y est pas allé de main morte lors de son audition par les députés de la Commission de la défense nationale et des forces armées le 4 octobre dernier, en déclarant à propos du chantier de rénovation des Atlantique 2 qu’il était « très mécontent de la situation ». « La modernisation de l’entretien de ces aéronefs, engagée depuis plusieurs années, n’est pas satisfaisante. J’ai demandé une accélération en 2016, constatant certaines difficultés dans le fonctionnement global de la chaîne de rénovation. […] Je suis d’autant plus mécontent, je dois le dire, que l’ATL2 est un outil qui nous est indispensable au plan opérationnel en ce moment. »
Les avions de patrouille maritime de la Marine nationale sont en effet déployés aussi bien dans des missions de lutte anti-sous-marine, que sur des missions aéroterrestres. Leur taux de disponibilité n’est de plus pas élevé et la situation logistique sur cette flotte est « très tendue », comme nous l’avait indiqué le commandant de l’aéronautique navale, le contre-amiral Bruno Thouvenin dans un entretien.
Quinze ATL2 – sur les 22 que compte la flotte – vont par ailleurs progressivement entrer en chantier de modernisation, suite à un contrat notifié à l’automne 2013. Il s’agira de « traiter les obsolescences critiques du système de combat », en changeant les sous-systèmes de calculateur tactique, de visualisation tactique, les systèmes acoustiques, IFF, électro-optiques, ainsi que le radar. Ce radar, le Searchmaster de Thales, a d’ores et déjà fait l’objet de campagnes d’essais en vol. Ces débuts seraient « très très prometteurs », selon nos informations.
Sur les « dérapages » de calendrier, on nous indique que « la gestation a été longue, mais on est bien lancés dans le processus ». Le premier avion rénové devait initialement être livré en 2018 mais ne le sera finalement qu’en 2019, le projet annuel de performances indiquant que le décalage « résulte de retards dans le développement de certains sous-systèmes ». Le chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Christophe Prazuck, a pour sa part indiqué lors de sa récente audition par les députés de la Commission défense que la rénovation « a pris un peu de retard, ce qui s’explique par le fait qu’il s’agit d’une rénovation assez ambitieuse, qui fait intervenir plusieurs industriels sous la maîtrise d’oeuvre de Dassault » et que « leur entretien dans le cadre du MCO est beaucoup plus long que prévu ». Deux facteurs qui vont contribuer à réduire une nouvelle fois le parc disponible – dont le taux est actuellement d’à peine 50% – lorsque débutera la rénovation des avions. Cet état de fait nécessite de fait « des efforts d’organisation nécessaires pour conserver en ligne suffisamment d’avions opérationnels et éviter d’avoir à basculer un avion d’une mission sur une autre », comme cela a été le cas pour des ATL2 déployés au Sahel et « rapatriés » au-dessus de l’océan Atlantique pour des missions ASM, soit un arbitrage de missions permanent.
Les difficultés de la flotte d’avions de patrouille maritime avaient déjà été soulevées en 2015 par le prédécesseur de l’amiral Prazuck, l’amiral Bernard Rogel, qui avait exposé dans une de ses auditions par l’Assemblée nationale que les bas taux de disponibilité (25% en 2014) étaient dus à une « suractivité opérationnelle » et à un manque d’appréhension « par le service industriel, qui a rencontré quelques problèmes avec un logiciel de commande des pièces de rechange ».
Le « couteau suisse » de la Marine nationale est opéré par les flottilles 21 et 23F, basées à Lann-Bihoué en Bretagne. Les Atlantique 2, déployés au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane et au Moyen-Orient au sein de l’opération Chammal, interviennent également dans les missions de lutte anti-sous-marine en Atlantique. En plus de leurs capacités ISR, les avions peuvent également être équipés d’armement (GBU-12), mais aussi effectuer des illuminations laser au profit des avions de chasse, comme cela a été le cas pour la première fois en opération au printemps dernier.