La dissuasion est décidément en pleine ébullition. Après le vecteur sol avec le programme de Dissuasion stratégique basée au sol (Ground based strategic deterrent – GBSD), c’est au tour d’un autre membre de la triade nucléaire américaine de préparer son renouvellement. L’US Air Force entend ainsi se doter d’un nouveau missile de croisière pour son vecteur air. Elle a passé deux contrats en ce sens le 23 août : l’un avec Lockheed Martin, l’autre avec Raytheon.
Chacun de ses contrats s’élève à 900 M$. A ce titre, les deux industriels américains vont se lancer dans une phase de maturation de technologie et de réduction de risques (TMRR) de plus de quatre ans (54 mois). Ils devront réaliser la conception préliminaire du futur armement Longue portée à guidage inertiel (Long Range Standoff weapon ou LRSO) et démontrer la fiabilité et la fabricabilité de leur projet. A l’issue de cette période, l’USAF désignera qui de Lockheed Martin ou de Raytheon remportera le contrat définitif.
Malgré les hésitations de la nouvelle administration américaine, ainsi que de vives oppositions publiques, le programme LRSO est lancé dans les temps prévus par l’appel d’offres (RFP). Celui-ci a été émis par l’USAF en juillet 2016, avant que la Maison-Blanche ne change de tête. Si le calendrier initial est tenu, le LRSO doit entrer en service en 2030. Selon les estimations, le coût du programme se situera aux alentours des 20 Md$ – trois à quatre fois moins que pour le GBSD – et environ 1 000 missiles devraient être produits.
Les futurs engins remplaceront les actuels missiles de croisière embarqués AGM-86B ALCM, entrés en service en 1982. En 2010, l’inventaire de l’USAF en comptait encore plus de 1 100 exemplaires actifs dans son inventaire, sur les 1 715 produits par Boeing dans les années 1980. Ils se rapprochent à grands pas de leur fin de vie opérationnelle, sachant qu’ils étaient originellement conçus pour rester dix ans en service. Sur le stock initial, environ 300 AGM-86B ALCM nucléaires ont été convertis en armements conventionnels, répertoriés comme AGM-86C/D CALCM.
Continuité et évolutions
Malgré l’aspect nucléaire du programme, la question financière reste prépondérante. Dans un souci d’optimisation des coûts, le LRSO sera équipé des mêmes ogives nucléaires W80-4 que l’AGM-86B ALCM. Il s’agit d’une version modernisée des W-80 qui équipaient le missile à ses débuts. Elle est entrée en service en 2014. L’USAF applique ainsi le même modèle que pour le missile balistique intercontinental GBSD, qui reprend des éléments du Minuteman III qu’il remplace.
Alors que l’AGM-86B était exclusivement tiré depuis les bombardiers stratégiques B-52, la situation devrait évoluer avec le LRSO. Le Stratofortress restera au coeur du dispositif de dissuasion en tant que principale plateforme de tir du missile nucléaire. En parallèle, le missile rejoindra l’arsenal du bombardier stratégique furtif B-2, avant d’intégrer celui du futur B-21 au cours de la prochaine décennie. Les B-52 et B-2 resteront en service jusqu’à leurs remplacements définitifs par le B-21, prévus respectivement au milieu des années 2040 et à la fin des années 2050.
L’USAF n’a pas révélé les grandes caractéristiques techniques intégrées au cahier des charges du futur missile. Ces dernières années, des articles de la presse spécialisée américaine font état de demandes pour un missile furtif, capable de changer de cible en vol, et potentiellement supersoniques (plusieurs options de moteurs sont étudiées). Autant de caractéristiques que ne possèdent pas l’AGM-86B.