Ce qui n’était encore qu’une possibilité il y a quelques mois, est devenu une réalité. Airbus a confirmé sa décision de continuer à abaisser les cadences de l’A380 lors du Conseil d’entreprise européen du 7 mars. La production va tomber à six exemplaires par an à partir de 2020. L’A400M n’est guère mieux loti que le super jumbo, avec des cadences qui tomberont à huit exemplaires annuels, également à partir de 2020. Ces décisions auront des répercussions lourdes sur l’emploi au niveau du groupe, et sans doute sur ses sous-traitants.
En ce qui concerne l’A380, Airbus avait déjà confirmé en janvier avoir mis au point un plan industriel pour permettre la production de seulement six exemplaires par an sans compromettre la rentabilité à terme du programme. Pour autant, l’avionneur ne parlait alors que d’une possibilité, notamment en l’absence de nouvelles commandes.
La conclusion d’un protocole d’accord mi-janvier avec Emirates pour la vente de vingt A380 fermes et seize en options, semblait avoir repoussé cette éventualité à plus long terme sans pour autant l’annihiler. Didier Evrard, directeur des Programmes d’Airbus Avions commerciaux, déclarait ainsi devant l’Association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace (AJPAE) le 18 janvier, que « grâce au contrat avec Emirates, nous ne sommes pas dans une situation où nous devons réduire davantage les cadences. »
Le couperet est donc tombé plus vite que prévu. Il vient parachever une lente descente en charge du programme, faute de commandes suffisantes. L’objectif d’Airbus est de passer à douze appareils produits cette année, puis à huit en 2019. Pour rappel contre vingt-huit livrés en 2016 et quinze en 2017.
L’A400M n’est pas épargné
Annoncée depuis quelques semaines déjà (voir : A400M : Airbus Defence & Space réduit la voilure ), la réduction des cadences de production de l’A400M est en premier lieu destinée à « absorber les stocks » et avancer dans la livraison des avions qui attendent sur le tarmac à Séville, mais aussi et surtout pour avancer dans l’intégration des capacités tactiques – source majeure des difficultés du programme.
L’avionneur confirme une nouvelle fois l’ajustement des cadences à quinze avions pour 2018, avant de réduire à nouveau pour 2019, avec onze avions. A partir de 2020, comme indiqué le 15 février dernier, la cadence sera réduite à huit avions par an, en concertation avec les nations clientes de lancement. Moins d’un avion par mois sortira donc de la ligne d’assemblage final espagnole…. à moins qu’Airbus n’engrange des commandes à l’export, ce qui semble, du moins pour l’instant, loin d’être gagné. L’avionneur espère toutefois concrétiser des opportunités export dans années à venir, « pour dépasser ce niveau », alors qu’il avait encore « ramp up » comme mot d’ordre en 2015.
Véritable épine dans le pied d’Airbus, le programme A400M n’en finit plus d’accumuler retards et augmentations de coûts. Estimé à vingt milliards d’euros initialement, il serait aujourd’hui plutôt autour des trente milliards, conséquence des provisions supplémentaires annoncées à intervalles réguliers.
Une récente rencontre entre Airbus, l’OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement) et les pays clients, devrait permettre d’ajouter un avenant au contrat d’ici la fin de l’année, afin de remettre à plat le calendrier des livraisons, aussi bien des avions que des capacités tactiques – dont certaines pourraient être abandonnées ou revues à la baisse.
Cette nouvelle péripétie dans la vie de l’A400M est certainement loin d’être la dernière et d’autres annonces pourraient intervenir au cours de cette année, notamment concernant certains postes clefs de management…
Des conséquences sociales à venir
Airbus a déclaré s’engager « dans un processus social formel avec les représentants du personnel aux niveaux européen et national, en vue d’analyser les impacts potentiels de cette décision sur les effectifs de l’entreprise et de lancer conjointement des mesures d’atténuation. » Ce plan industriel risque en effet d’avoir des conséquences fortes pour plusieurs sites de production. La France, l’Allemagne, le Royaume- Uni et l’Espagne seront touchés.
L’avionneur européen estime qu’au maximum 3 700 emplois pourront être affectés par ces baisses de cadences. Il devrait éviter autant que possible les suppressions de postes comme il l’a fait lors des précédentes crises, et favoriser les mobilités internes, notamment vers des programmes qui, eux, montent en cadence. C’est le cas de l’A320neo, de l’A350 et peut-être bientôt de l’A330 à la faveur de l’entrée en service de la version neo cette année.