Peut être est-ce l’influence de la sortie prochaine de la suite de Top Gun, mais Airbus vient de dévoiler MAVERIC, le 11 février en ouverture du salon de Singapour. N’en déplaise aux cinéphiles, point de Tomcat ici, mais un démonstrateur technologique d’aéronef à fuselage intégré (« blended wing body » ou BVB). Comme son nom l’indique – Modèle réduit d’avion pour la validation et l’expérimentation de commandes innovantes robustes – il s’agit ici pour Airbus de défricher les principes inhérents au contrôle et au comportement en vol de ce type de configuration.
Ce projet est développé dans le plus grand secret depuis 2017 par une équipe de dix personnes au sein du Flight Lab d’Airbus UpNext. Selon le constructeur européen, celle-ci fonctionne « en mode start up » pour mener le développement du démonstrateur de manière agile et réactive. Le premier vol a eu lieu en juin 2019, dans le centre de la France. Les essais en vol se poursuivent actuellement et devraient s’achever au deuxième trimestre de cette année.
Le MAVERIC s’est envolé pour la première fois en juin 2019. © Airbus
Anticiper les ruptures technologiques
MAVERIC n’est pour l’instant qu’un modèle réduit, qui affiche une longueur de 2 m et une envergure de 2,3 m pour une surface alaire de 2,25 m², mais il s’inscrit dans une vision à plus long terme. Pour Airbus, il s’agit d’une piste pour créer une véritable rupture technologique nécessaire au développement des futures générations d’avions commerciaux.
Contrairement au « tube & wings » actuel, le BVB fait de la structure entière de l’avion – fuselage et voilure – une surface portante. Cette configuration permet une meilleure finesse aérodynamique et donc une meilleure efficacité. La suppression des empennages horizontaux, voire verticaux, permet de réduire encore la trainée. Airbus estime ainsi que le fuselage intégré pourrait apporter un gain de consommation de carburant de 20% par rapport aux monocouloirs actuels, sans modification de moteurs.
Le constructeur européen annonce que le BVB ouvre aussi des possibilités d’innovation pour les moteurs. Il n’avance aucune piste pour le moment, mais une configuration « semi-enterrée » pour l’ingestion de couche limite (BLI ou boundary layer ingestion) ou une propulsion distribuée font sans doute partie des réflexions.
Exemple d’aménagement permis par le large fuselage d’une configuration BVB. © Airbus
Le BVB a ses limites
L’application de ce genre de configuration apparaît néanmoins limitée à des appareils moyen-porteurs. L’agrandissement du fuselage pour emporter plus de passagers nécessiterait un allongement de la voilure au-delà des limites imposées par les contraintes aéroportuaires actuelles. De même, pour un emport de passagers égal, la masse d’un BVB serait sans doute plus importante que celle d’une configuration classique. La conception d’un gros porteur déboucherait donc sur un accroissement de la masse qui apparaît aujourd’hui comme rédhibitoire.
De plus, si la largeur du fuselage ouvre des possibilités d’aménagement novateur, le positionnement de sièges trop loin de l’axe longitudinal de l’appareil peut être source de désagréments pour les passagers.
Il est néanmoins bien trop tôt pour savoir si l’avionneur européen mènera plus en avant l’exploration de ce type de configuration. Ce n’est pour l’instant qu’une piste parmi d’autres comme l’explique Jean-Brice Dumont, vice-président exécutif chargé de l’ingénierie chez Airbus : « En testant des configurations d’avion novatrices, Airbus est en mesure d’évaluer leur potentiel en tant que futurs produits viables. Bien qu’il n’y ait pas de calendrier spécifique pour la mise en service, ce démonstrateur technologique pourrait contribuer à faire évoluer les architectures des avions commerciaux pour un avenir écologiquement durable pour l’industrie aéronautique. »