C’est incontestablement l’argument massue du dernier membre de la famille ACJ (Airbus Corporate Jet) face aux gros jets d’affaires à fuselage large. La vaste cabine de l’ACJ TwoTwenty, variante VVIP de l’Airbus A220-100, en fait un avion qui peut intéresser directement les potentiels clients des gros jets d’affaires de Gulfstream (G700, G800), de Bombardier (Global 7500 et 8000), et de Dassault (futur Falcon 10X), l’appareil se situant dans la même gamme de prix tout en occupant une surface au sol comparable sur une aire de parking d’aéroport. « Mais encore faut-il pouvoir la montrer » comme le souligne Benoit Defforge, le président d’ACJ.
Et c’est heureusement désormais possible avec l’inauguration du nouveau Creative Studio à Toulouse le 21 mai, juste avant l’ouverture du salon EBACE de Genève, une installation qui se consacre pour une très grande partie à la cabine de l’ACJ TwoTwenty. Implanté à proximité immédiate du célèbre Mock Up Center d’Airbus à Blagnac où sont présentées les cabines à taille réelle de toute la gamme d’avions commerciaux de l’avionneur, le Creative Studio se divise en deux grandes parties bien distinctes.
La première partie concerne tout d’abord principalement les prospects qui ne connaissent pas encore vraiment les avantages de la cabine de l’ACJ TwoTwenty par rapport aux gros jets d’affaires présents sur le marché. Il faut dire que la cabine offre évidemment des avantages que ne jouissent généralement que les plus fortunés ou bien les chefs d’État, à l’instar des dimensions de la chambre principale avec son lit king size de deux mètres de large, et sa salle de bain attenante à l’arrière de l’avion, dont une cabine de douche de deux mètres de hauteur.
Benoit Defforge, le président d’ACJ, lors de l’inauguration du Creative Studio de l’ACJ TwoTwenty. Photo © Le Journal de l’Aviation
Pour ce faire, Airbus y a logé une maquette d’une section de fuselage avec des parois rétractables qui simulent les appareils de la concurrence, histoire de bien ressentir de visu la différence, que ce soit en largeur et en hauteur. Évidemment, c’est d’autant plus frappant quant on y positionne quelques sièges, en particulier des fauteuils de type double club (côte à côte) comme en a fait la démonstration Borna Vrdoljak, le directeur Marketing d’ACJ. Mais la zone la plus impressionnante est celle qui prolonge la maquette et qui permet d’afficher une multitude de configurations cabine au sol (voire aussi celle de la concurrence pour comparer) grâce à des projecteurs situés en hauteur sur des portiques. Difficile d’ailleurs de ne pas y voir une certaine similitude avec l’une des salles du Customer Definition Centre (CDC) dédiée à l’A350 à Hambourg ; la « Projection Room » qui permet de visualiser le positionnement des équipements en cabine.
Les images projetées au sol sont alors sans appel quant on compare l’A220 aux gros jet d’affaires du marché, que ce soit au niveau des possibilités offertes par les 73 m2 de surface de la cabine (2 fois plus que celle d’un G550 par exemple), mais aussi par ses capacités d’emport en soute (une soixantaine de bagages si présence de 4 ACT (un cinquième possible), auxquels peuvent s’ajouter jusqu’à une quarantaine de bagages cabine.
© Le Journal de l’Aviation
La seconde partie du Creative Studio est quant à elle plutôt destinée aux futurs clients de l’ACJ TwoTwenty qui vont pouvoir imaginer et choisir les associations des différents matériaux qui composeront la cabine (revêtement, boiseries, tissus, moquettes, etc.). Cette zone est certes plus classique et peut sembler comparable à ce qui se fait généralement chez les avionneurs présents sur le marché des jets d’affaires, mais Airbus a aussi imaginé un système qui permet ici de prendre en compte immédiatement, et de visualiser sur un large écran HD, toutes les modifications associées aux choix des matériaux posés sur une table comme nous l’explique Sylvain Mariat, le responsable Creative Design d’ACJ. Les meubles présents dans cette salle (sofa-lit en U, console, placards) « sont d’ailleurs les mêmes que ceux qui pourront directement figurer en cabine » ajoute-t-il.
Airbus vient par ailleurs d’imaginer une nouvelle fonctionnalité pour la cabine de ACJ TwoTwenty avec la possibilité de pouvoir relier deux tables pour n’en faire plus qu’une et qui peut ainsi accueillir jusqu’à 8 personnes sans avoir à ajouter une rallonge externe, « une spécificité demandée par Comlux » annonce Sylvain Mariat. Borna Vrdoljak rappelle pour sa part que les 19 passagers de l’avion bénéficieront d’une connectivité à très haut débit (50 Mbps). « Ils pourront travailler, regarder des films en 4K, avoir des conférences vidéo, exactement comme ils pourraient le faire au sol ».
© Le Journal de l’Aviation
Pour simplifier et réduire les coûts de l’aménagement cabine de l’ACJ TwoTwenty pour rendre le programme compétitif, Airbus a notamment opté dès son lancement pour un aménagement en six espaces VIP modulaires de près de 12 m2 chacun (en comptant la zone d’accueil à l’avant et la salle de bain à l’arrière), chacun pouvant être configuré à partir d’un catalogue proposant 120 modules type. L’avion peut ensuite être décliné selon trois ambiances différentes à savoir « Avant-Garde » (ambiance type appartement Loft sur la Cinquième Avenue à New York), « Timeless » (ambiance chic, sobre et apaisante) et « Quintessence » (ambiance douce inspirée par la nature). Un configurateur numérique a d’ailleurs été proposé l’année dernière pour maintenir un certain lien avec les clients et prospects durant la pandémie, alors que les déplacements et les salons étaient aux abonnés absents. Et grâce au nouveau Creative Studio dédié à l’ACJ TwoTwenty, les multiples arrangements de la cabine peuvent même être parcourus sur place en 3D avec un casque de réalité virtuelle.
© Le Journal de l’Aviation
Le « Game Changer » d’Airbus multiplie déjà les contrats
Benoit Defforge aime à rappeler que l’ACJ TwoTwenty est véritablement un « Game Changer » sur le marché, les clients n’ayant plus besoin de trancher entre les trois critères fondamentaux de sélection pour un avion d’affaires, à savoir l’espace, le rayon d’action et évidemment le coût.
Les résultats sont déjà là avec 10 exemplaires contractualisés depuis l’officialisation du programme on octobre 2020. Quatre nouveaux avions ont même déjà été placés depuis le début de l’année, un par mois en moyenne, ce qui satisfait pleinement le président d’ACJ. Ces quatre avions proviennent des États-Unis, ce qui est aussi un signal assez prometteur.
« Nous n’avons pas la prétention de prendre la totalité du marché ni même de nous comparer aux ventes des gros acteurs du segment » annonce-t-il lors d’une conférence de presse à Genève pour le salon EBACE, mais il est clair qu’Airbus Corporate Jet veut clairement mordre des parts dans un marché estimé à environ 2200 appareils, soit cinq fois plus que le traditionnel marché que se disputent Airbus et Boeing depuis des années sur le segment des « bizliners ».
« Bien sûr le marché traditionnel des ACJ et BBJ est un marché intéressant, mais c’est un marché de niche, c’est un marché qui concerne le très haut du marché et qui est donc limité. En nous attaquant au marché des gros jets d’affaires traditionnels, celui des jets à fuselage large et à long rayon d’action, nous offrons une solution complémentaire à ce qui existe aujourd’hui, c’est à dire a des solutions qui finalement se ressemblent déjà beaucoup entre elles» explique Benoit Defforge. « Avec l’A220, nous offrons du choix et nous pensons que nous allons augmenter nos ventes » poursuit-il.
© Le Journal de l’Aviation
« Évidemment, on pourrait croire que cet avion va être plus cher à utiliser que les autres jets d’affaires, mais ce n’est pas le cas, Il est même 33% moins cher à opérer » explique pour sa part Chadi Saadé, le directeur commercial d’ACJ, rappelant que l’A220 a d’abord été conçu pour les compagnies aériennes, avec la notion d’efficacité pour répondre à leurs besoins en affichant un coût par siège le plus bas possible, une maintenance optimisée et des pièces de rechange proposées à un prix bien inférieur à ce qui est pratiqué dans l’aviation d’affaires. Il en est d’ailleurs de même pour la formation.
Chadi Saadé annonce aussi que la valeur résiduelle de ce type d’appareil est meilleure que celle des jets d’affaires traditionnels, d’une part parce qu’Airbus ne produit pas de queue blanche (l’appareil assemblé serait immédiatement réutilisé sur le segment des avions commerciaux), mais d’autre part aussi par le fait qu’a la différence des avionneurs spécialisés dans l’aviation d’affaires, Airbus ne multiplie pas les modèles, les programmes restant par définition plus longtemps au catalogue.
Selon lui, ce qui manque encore vraiment à l’ACJ TwoTwenty finalement c’est qu’il n’est pas encore vraiment là, alors que les potentiels clients aiment toucher et voir le produit avant d’acheter. Le tout premier l’ACJ TwoTwenty est en phase d’aménagement chez Comlux à Indianapolis depuis décembre dernier, un appareil qui viendra rejoindre le groupe hôtelier dubaïote FIVE au début de l’année prochaine. « C’est une chance, car cela va nous aider à montrer la cabine au monde entier » lance-t-il, car cet avion qui sera utilisé par de multiples personnes, à la différence d’un appareil livré à un chef d’État ou à un client privé.