Dennis Muilenburg n’aura pas réussi à sauver sa tête. Englué dans la catastrophe humaine et industrielle du 737 MAX, mais aussi dans les retards du 777X ou encore le flottement autour du NMA, le PDG de Boeing a fini par démissionner de son poste le 23 décembre avec effet immédiat. Il sera remplacé à partir du 13 janvier par David Calhoun, qui était devenu président non-exécutif du conseil d’administration en octobre, déjà en lieu et place de Dennis Muilenburg.
La pression aura donc été trop forte pour le patron de Boeing, en poste depuis 2015. Ingénieur de formation, il était entré chez le constructeur en 1985 alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années. Il avait patiemment gravi tous les échelons, devenant notamment PDG de Boeing Defense, Space & Security (BDS) puis directeur des opérations du groupe. Il aura suffi d’à peine plus d’un an pour le déboulonner de son piédestal.
Le départ de Dennis Muilenburg est certes présenté comme une démission, mais son sort a assurément été scellé par les administrateurs. Boeing le reconnaît lui-même dans son communiqué : « Le conseil d’administration a décidé qu’un changement de leadership était nécessaire pour rétablir la confiance dans l’avenir de la société, qui s’efforce de rétablir les relations avec les organismes de réglementation, les clients et tous les autres intervenants. »
Descente aux enfers
Il faut dire que les deux accidents coup sur coup du 737 MAX ont mis pas mal de dysfonctionnements en lumière, qu’il s’agisse de la culture de sécurité en interne ou des relations biaisées avec la FAA pour la certification des programmes. Dans ce contexte, l’incapacité de Dennis Muilenburg à agir entre la perte de l’appareil de Lion Air en octobre 2018 et celui d’Ethiopian Airlines en mars 2019 – en clouant par exemple la flotte au sol de façon préventive, le temps qu’un correctif soit apporté au système MCAS, plutôt que de parier sur la faible probabilité qu’un deuxième accident arrive avant plusieurs années – sa mauvaise communication autour de ces deux drames, ou encore son impuissance à sortir le 737 MAX de l’ornière lui ont été largement reprochées.
Le point d’orgue de cette descente aux enfers s’est déroulé lors des auditions devant le Congrès américain, où certains élus n’ont pas hésité à lui imputé la responsabilité du second accident, celui d’Ethiopian Airlines, voire des deux. Dennis Muilenburg était alors apparu confus, peu convaincant et même peu convaincu par ses propres explications. Et le coup de grâce est arrivé il y a quelques jours, le 16 décembre, lorsque Boeing s’est résolu à annoncer la suspension totale de la production du 737 MAX au moins jusqu’à ce que l’appareil retourne en service – pas avant février 2020, soit après presqu’un an d’immobilisation – et qu’une partie des avions en stockage soit livrée.
Avant Dennis Muileburg, un premier fusible avait déjà sauté en la personne de Kevin McAllister, président de la division Avions commerciaux (BCA). Il avait été remplacé par Stan Deal, alors président de la division Boeing Global Services (BGS), le 21 octobre déjà avec effet immédiat.
Chaises musicales
D’ici au 13 janvier, l’intérim à la tête du Boeing sera assuré par Greg Smith, directeur financier du groupe. David Calhoun doit en effet mettre cette « brève période de transition » à profit pour quitter tous ses engagements en dehors de Boeing, à commencer par son poste chez Caterpillar, étape obligatoire avant de prendre ses nouvelles fonctions. Dans ce jeu de chaises musicales, c’est Lawrence Kellner qui le remplacera en tant que président non-exécutif du conseil d’administration, dont il faisait déjà partie.
« Au nom de tout le conseil d’administration, je suis heureux que Dave ait accepté de diriger Boeing à ce moment critique », s’est félicité Lawrence Kellner. Il faut dire que David Calhoun va avoir du pain sur la planche. Comme le précise Boeing dans son communiqué, la nouvelle direction devra « exercer ses activités avec un engagement renouvelé envers une transparence totale, y compris une communication efficace et proactive avec la FAA, les autres organismes de réglementation mondiaux et ses clients. »
Redonner un avenir au 737 MAX
Surtout, David Calhoun va devoir remettre le 737 MAX sur pied, en assurant sa nouvelle certification, sa remise en service et la reprise de sa production, mais aussi en rétablissant la confiance des compagnies et du public à son égard. Ou à défaut en lançant en urgence son successeur, avec tous les risques que cela comporte : avion peu mature, gains de consommation trop faibles, absence de technologies de rupture et donc de saut générationnel pourtant indispensable pour réduire l’impact environnemental de l’aviation.
Le futur patron de Boeing se montre néanmoins confiant : « Je crois fermement en l’avenir de Boeing et du 737 MAX. Je suis honoré de diriger cette grande compagnie et les 150 000 employés dévoués qui travaillent dur pour créer l’avenir de l’aviation. »