Les difficultés de Boeing avec son régulateur ne semblent pas s’arranger, à tel point que l’avionneur en arrive à ne plus exclure un abandon de la version la plus capacitaire de son 737 MAX. Dans un entretien accordé au journal spécialisé Aviation Week, David Calhoun, le CEO de Boeing, a en effet évoqué la possibilité de renoncer au 737-10, sans pour autant que cela ne fasse encore l’objet d’une décision arrêtée.
« C’est un peu tout ou rien. Je pense que notre dossier est suffisamment convaincant [pour obtenir une dérogation concernant la loi de décembre 2020, ndlr]. C’est un risque que je suis prêt à prendre. Si je perds le combat, je perds le combat », affirme-t-il. Et d’ajouter : « Lorsqu’on considère tout ce que nous avons traversé, les dettes que nous avons dû accumuler, envisager un monde sans MAX 10 ne semble pas si effrayant.»
Mais « nous croyons en cet avion », affirme David Calhoun. D’ailleurs, à l’occasion d’une mise au point avec la presse américaine et européenne à Seattle en juin, les dirigeants de l’avionneur avaient confirmé que les essais en vol se poursuivaient normalement : les essais techniques étaient presque terminés, ceux sur le train d’atterrissage et le système de mesure de l’angle d’attaque avançaient bien… Une grande partie des activités consistait toujours à travailler avec la FAA sur la certification de l’appareil, objectif pour lequel de nombreux ingénieurs ont été recrutés ces derniers mois.
Cependant, il ne reste que six mois à Boeing pour faire certifier le 737 MAX 10 dans sa configuration actuelle. En effet, après les accidents de 2018 et 2019, le Congrès américain a adopté une loi, en décembre 2020, imposant l’intégration d’un nouveau système d’alerte de l’équipage dans tous les appareils. Un délai de deux ans avait été accordé aux avionneurs pour achever la certification de leurs avions en développement, après quoi le nouveau système deviendra obligatoire pour décrocher une certification de type. Cela devait laisser le temps à Boeing de faire certifier les 737 MAX 7 et MAX 10 dans leur configuration actuelle. Cependant, la FAA se montre plus rigoureuse et Boeing peine à répondre dans les temps à ses exigences, éloignant les chances d’une certification du MAX 10 avant la fin de l’année.
Si Boeing n’obtient pas une dérogation, le poste de pilotage du MAX 10 devra être modifié, entraînant un surcoût de développement, de nouveaux retards de production d’au moins deux ans et la perte de la communalité avec les autres appareils de la famille, un élément absolument essentiel pour les clients opérateurs des autres versions (sans elle, les pilotes passant de tout 737 MAX au 737 MAX 10 devront suivre une formation spécifique). La question se posera donc pour l’avionneur d’investir encore davantage dans un appareil, alors qu’il perdra l’un de ses atouts majeurs, ce qui pourrait remettre en question nombre de commandes.
Actuellement, le 737 MAX 10 a remporté des commandes pour plus de 700 appareils et compte treize compagnies clientes (ainsi que des sociétés de leasing) dont les plus importantes sont United Airlines, VietJet ou encore flydubai.
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