Y aurait-il des nuages à l’horizon dans le ciel immaculé de l’aéronautique à l’approche du salon du Bourget ? C’est ce que semble penser AlixPartners dans son étude dévoilée début juin. Si le cabinet de conseil reste confiant dans la robustesse du secteur et salue une année 2018 record, il pointe certains éléments qui laissent envisager des années à venir quelque peu plus compliquées.
L’année 2018 a été marquée par un véritable redécollage de la croissance du secteur – calculée à partir des résultats des 100 principales entreprises d’aéronautique et de défense – avec une hausse de près de 9 % des revenus par rapport à 2017. Le cabinet AlixPartners voit dans cette performance record l’impact de l’explosion des services. C’est en tout cas une véritable inversion de tendance par rapport aux dernières années, qui avaient vu cette croissance s’effriter peu à peu, jusqu’à tomber à moins de 2% l’an en 2017 par rapport à 2016.
La marge opérationnelle (EBIT) a continué de se consolider. Après le bond réalisé en 2017, où elle avait augmenté de 1,4 point par rapport à 2016, sa progression s’est néanmoins montrée beaucoup plus mesurée pour se situer à 10,4% (+0,2 point) en 2018.
Cette croissance est largement portée par les avionneurs qui tutoient désormais la barre des 10% et se rapprochent petit à petit des fournisseurs. Ces derniers marquent quelque peu le pas, même s’ils restent en progression et atteignent 11,5% de marge. Les différences régionales perdurent aussi, avec une industrie nord-américaine bien plus profitable que ses concurrentes européennes et asiatiques. Et malgré son avance, elle continue de creuser l’écart ces dernières années.
Consolidation record
AlixPartners note que la consolidation du secteur se poursuit avec un nouveau record de fusions & acquisitions réalisées en 2018, en nombre (436 opérations) comme en valeur (126 milliards de dollars). A titre de comparaison, en 2017, 411 transactions avaient été réalisées pour 90 milliards de dollars.
Cette situation est due à une forte disponibilité de liquidités, mais aussi au perspectives de croissance du transport aérien et à l’impressionnant nombre de commandes en cours. Le mouvement a aussi été renforcé par le dynamisme des fonds financiers, très impliqués à l’achat comme à la vente dans les principales opérations conclues l’an dernier.
Cela contribue à la refonte actuelle de la chaîne de valeur dans l’aéronautique. Selon AlixPartners, la baisse du nombre de grands programmes oblige les acteurs du secteur à se tourner vers de la croissance horizontale pour continuer à progresser. De même, la pression toujours plus forte sur les prix force les fournisseurs à se consolider pour atteindre la taille critique nécessaire pour rester compétitifs. Enfin, une partie de ces opérations sert à acquérir de nouvelles compétences, notamment dans le domaine du numérique, ou à s’insérer sur de nouveaux marchés.
Des ombres au tableau
Dans ce tableau somme toute positif, AlixPartners se veut tout de même prudent et note quelques « nuages à l’horizon ». Le cabinet de conseil note ainsi certaines faiblesses dans la croissance du transport aérien. Il pointe notamment une hausse de capacités trop importante sur certains marchés, ce qui a entraîné un affaiblissement des marges opérationnelles qui devrait se poursuivre cette année. Et la volatilité des cours du pétrole contribue à créer un climat d’incertitude.
Si la diminution de la profitabilité est généralisée, certaines régions du monde la subissent plus que d’autres. Les compagnies du Moyen-Orient ont ainsi été les premières à basculer dans le rouge en 2018 et cela devrait se poursuivre en 2019.
L’industrie dispose de son côté d’un matelas de commandes et de perspectives suffisamment solides – avec près 12 000 avions à livrer et un besoin total estimé à 35 000 appareils neufs sur vingt ans – pour afficher une certaine sérénité. Le secteur reste néanmoins marqué par les tensions fortes de la chaîne d’approvisionnement, alors que la révolution numérique est encore loin de bénéficier à l’ensemble des acteurs. Et la pression sur les prix continue elle aussi de s’accentuer.
Les constructeurs et équipementiers ne sont pas non plus à l’abri de certains retournements de situations, avec des compagnies obligées de réagir très vite pour se prémunir. Bien que toujours profitable, Emirates n’a ainsi pas hésité à annuler ses Airbus A380 pour faire face à la réduction de ses marges, provoquant la fin prématurée du programme. Et Boeing est confronté à la crise du 737 MAX. Pour AlixPartners, le constructeur américain se retrouve face à un important risque financier et aura besoin de temps pour rétablir la confiance autour de son avion.
Enfin, le cabinet de conseil ne s’attend pas à ce que de nouveaux records de fusions & acquisitions tombent dans les années à venir malgré une poursuite de la consolidation. Les acteurs devraient aussi se montrer davantage sélectifs, ce qui devraient entraîner un tassement du montant des transactions.