Alors que les polémiques autour de la pollution du transport aérien font rage, l’industrie aéronautique affirme sa volonté de se montrer toujours plus proactif sur les enjeux environnementaux. Ils seront d’ailleurs au coeur de l’actualité du salon du Bourget 2019, qui s’ouvre ce lundi 17 juin. Pour autant, Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, a profité de la tribune du Paris Air Forum pour appeler de ses voeux un cadre réglementaire environnemental strict à l’échelle mondiale. C’est pour lui la condition sine qua non pour arriver à des investissements massifs et généralisés vers « l’avion décarboné ».
« Nous avons besoin d’une réglementation, affirme Guillaume Faury. Cela permet de créer un cadre commun pour que tous les joueurs jouent avec les mêmes règles et du coup investissent. » Le patron d’Airbus voit en effet l’absence d’un cadre unique mondial pour réguler les questions environnementales comme l’un des principaux freins au développement d’une aviation plus verte.
« Si nous avons un terrain de jeu extrêmement hétérogène en termes de réglementation sur l’environnement, cela va favoriser des solutions locales qui ne seront absolument pas optimisées, poursuit-il. Nous allons être confrontés à des équations économiques viables localement, mais pas à l’échelle dont nous avons besoin pour investir massivement. »
La concurrence internationale tendrait ainsi à figer les lignes. Alors que tous les acteurs veulent afficher un visage plus « vert », personne faire le premier pas et l’aéronautique peine à véritablement franchir le cap pour débloquer les moyens nécessaires à une véritable transition. « Les constructeurs, dont Airbus, doivent sentir qu’il y a un environnement avec un niveau d’incertitude suffisamment bas pour se permettre de parier sur l’avenir », ajoute Guillaume Faury.
L’exemple de la sécurité
Pour étayer sa démonstration, le dirigeant s’appuie sur l’exemple de la sécurité des vols : « Nous avons atteint un niveau incroyablement élevé et nous y sommes arrivés parce qu’il y a eu une réglementation mondiale organisée au niveau de l’OACI et déclinée dans les principaux pays aéronautiques. Il y a eu ensuite des accords et des alignements sur ces règles qui ont permis à tous les constructeurs aéronautiques de savoir à quoi s’attendre et d’être en concurrence sur des éléments clairs et équitables. Si nous créons la même chose dans le domaine environnemental, je suis sûr que nous allons avoir beaucoup d’investissements et beaucoup de nouvelles technologies. »
Dans cette logique, Guillaume Faury appelle à une montée en puissance du programme Corsia (Programme de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale), porté par l’OACI. « C’est extrêmement important que dans les années à venir, l’Europe, les Etats-Unis, les Amériques, l’Asie et principalement la Chine intègrent ce dispositif et que cette réglementation devienne la même pour tout le monde. Ce n’est pas encore le cas. » Il souhaite ainsi une coordination au niveau des constructeurs comme des états, au-delà des concurrences existantes. Un pas pourrait être franchi en ce sens au Bourget.
Et une fois que des règles de bases auront pu être imposées à tous, le patron d’Airbus estime qu’il faudra les « durcir au fur et à mesure que les constructeurs et les compagnies aériennes arriveront à être performants ». Il souhaite ainsi atteindre les objectifs fixés par l’OACI (réduction de 50% des émissions de CO2 d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990, malgré la croissance du transport aérien), puis continuer vers le « zéro émission ».
Des technologies encore à déterminer
Pour y arriver, encore faut-il en avoir les outils. « Nous sommes dans la phase de construction et de développement des technologies, estime Guillaume Faury. Elles ne sont pas encore matures et nous ne saurions pas lancer encore aujourd’hui un avion qui tiendrait la promesse environnementale. Malgré tout, il faut aller vite. Nous n’avons pas encore choisi, ou trouvé, la meilleure voie. » Il mentionne ainsi plusieurs possibilités comme l’hybridation, les carburants artificiels ou l’hydrogène, tout en rappelant que c’est l’ensemble de la chaîne de production d’énergie qui doit être décarbonée.
Là encore, le président exécutif d’Airbus affirme qu’un cadre réglementaire stable est nécessaire pour limiter le risque de se tromper de voie : « Toutes les technologies n’ont pas la même équation économique. Si le cadre est très incertain, nous réduirons les investissements pour limiter les risques. Si le cadre est clair et durable, nous serons capables de prendre des risques importants et injecter énormément d’argent, sachant que nous aurons un retour sur investissement. »
Guillaume Faury ne s’inquiète pas outre-mesure du manque d’inertie actuel pour les futures générations d’avions : « Personne aujourd’hui n’a besoin de trouver un successeur à l’A320neo, c’est un peu tôt. La problématique ne se situe pas en 2019 ou en 2020, mais elle se posera en 2023-2025 si les technologies ne sont toujours pas prêtes. » Il reste donc quatre à cinq ans à Airbus pour identifier la bonne technologie et commencer à la faire monter en maturité.