La révolution numérique s’impose chez tous les acteurs de l’aéronautique, et Thales ne déroge pas à la règle. L’équipementier français vient d’ouvrir un centre de compétences à Casablanca (Maroc), dédié à la fabrication additive métallique. Cet investissement de plusieurs millions d’euros doit accélérer la diffusion de l’impression 3D dans ses différentes entités à travers le monde. Plus largement, cette démarche s’inscrit dans la stratégie globale de transformation digitale du groupe.
De deux imprimantes 3D à fusion laser sur lit de poudre métallique aujourd’hui, Thales 3D Maroc doit en accueillir dix d’ici cinq ans. « L’objectif est d’abord de satisfaire tous les besoins du groupe, explique Philippe Chamoret, directeur de l’industrie de Thales. Tout est ouvert là où la technologie peut apporter un usage compétitif. » Bureau d’études, de méthodes et production sont ainsi appelés à faire évoluer leurs processus au cours des prochaines années avec l’intégration de l’impression 3D.
De belles promesses…
Il faut dire que les promesses apportées par cette technologie sont nombreuses. La première est un gain de temps. Celui-ci ne se fera pas tant sur les délais d’usinage de la pièce elle-même, que sur la fabrication de la pièce-mère. L’impression 3D rend caduque l’utilisation d’un « moule » et permet de supprimer cette étape qui dure souvent plusieurs mois.
Les possibilités qu’offre la fabrication additive dans la conception sont également génératrices d’avantages certains. Elle autorise notamment des designs inédits, qui permettent de produire des pièces potentiellement plus robustes, parfaitement ajustées, demandant moins de matière, et surtout plus légères. Selon Philippe Chamoret, ces gains de masse sont de l’ordre de 20 % en général, mais peuvent aller jusqu’à 60 %.
Certaines entités du groupe ont saisi l’occasion au vol de travailler avec Thales 3DM. Thales Alenia Space (TAS) a déjà demandé le prototypage de supports pour monter des éléments sur ses satellites. De son côté, Thales Systèmes Aéroportés (TSA) étudie un élément pour le radar RBE2 du Rafale.
Malgré cela, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour optimiser ces avantages. Le directeur de l’industrie de Thales pousse dans ce sens : « C’est une telle révolution qu’il faut nécessairement adapter la conception des futurs produits pour en tirer pleinement avantage. » Ce n’est qu’à ce prix que se fera le véritable saut en avant. Thales mise ainsi sur une stratégie à plusieurs années.
…qui restent à concrétiser
A l’heure actuelle, le marché est encore assez restreint admet Philippe Chamoret. Il estime néanmoins que celui-ci peut réellement s’ouvrir : « Nous avons fait une estimation potentielle des besoins théoriques de Thales. D’ici 5 à 7 ans, la fabrication additive devrait concerner 10 à 15 % des fonctions mécaniques de nos produits. Cela dépendra de notre capacité à faire proliférer la technologie dans toutes les branches du groupe. » Au-delà de ce pourcentage, il sera temps de considérer de nouveaux développements.
Cela dépendra aussi de l’acceptation par l’industrie. GE Aviation ou Safran Helicopters Engines ont déjà fait tomber quelques barrières avec l’intégration de pièces critiques en fabrication additive sur leurs moteurs respectifs, mais les exemples de production en série restent rares. Thales entend bien franchir le pas. Il travaille notamment avec Airbus sur l’intégration d’une sonde d’incidence en impression 3D.
Si 80 % de la production de pièces devraient être destinés directement aux entités du groupe, Thales souhaite également s’engager avec des clients extérieurs. Cela pourra être dans l’aéronautique et le spatial, mais aussi dans d’autres secteurs répondant aux mêmes exigences et contraintes. Le médical, avec la fabrication de prothèses par exemple, apparaît comme l’une des possibilités.
Une transformation de grande ampleur
L’intégration de la fabrication additive n’est pas une mesure isolée. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large « d’Usine 4.0 ». Comme la plupart des grands acteurs du secteur, Thales entend bien ne pas rater le virage de la transformation digitale. Le groupe investit un milliard d’euros sur trois ans et s’appuie sur quatre domaines : la connectivité, le big data (ou mégadonnées), l’intelligence artificielle et la cybersécurité. On retrouve ainsi divers axes de développement entrecroisés comme l’impression 3D naturellement, l’automatisation – avec la robotique et la cobotique – l’analyse et l’exploitation de données ou encore la création de plateformes collaboratives.
Thales semble avoir accéléré le mouvement en cette année 2017. Une autre usine estampillée 4.0 est ainsi en cours de construction à Hasselt (Belgique) pour la production automatisée de panneaux photovoltaïques pour Thales Alenia Space (TAS). On peut aussi citer le Customer Experience Center d’Irvine, en Californie (Etats-Unis), pour les systèmes de divertissement et de connectivité à bord (IFEC).
Et dans les prochaines semaines, le groupe doit inaugurer à Paris sa Digital Factory. Présentée comme une « véritable plateforme numérique de services industriels », elle regroupera 150 experts d’ici 2018 pour proposer de nouveaux services numériques aux clients du groupe. Des antennes internationales verront le jour au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada et en Asie. Un incubateur de start-up et une académie pour la diffusion de la culture du numérique sont aussi prévus.