Ils seront deux pour assurer l’avenir de la famille Falcon : le Falcon 6X et le futur Falcon, probablement baptisé 9X. Dassault Aviation compte sur ces deux nouveaux programmes haut de gamme pour redynamiser son activité d’aviation d’affaires aujourd’hui en perte de vitesse dans un marché compliqué à appréhender. Car si Dassault Aviation est un groupe qui marche sur deux pieds – un civil et un militaire – comme se plaît à le rappeler son PDG Eric Trappier, la bonne santé du constructeur repose actuellement sur ses activités de défense. Il n’a donc pas le droit à l’erreur sur ces deux programmes, surtout après l’abandon du Falcon 5X fin 2017.
Du côté du Falcon 6X, tous les voyants semblent pour l’instant au vert. Sans entrer dans les détails, Eric Trappier a déclaré que le développement du bimoteur d’affaires était dans les temps, à l’occasion de la présentation des résultats du constructeur le 27 février. L’assemblage du fuselage du premier prototype a été achevé, tandis que plusieurs voilures sont en cours de montage. Des bancs d’essais sont à l’oeuvre sur différents sites et chez certains fournisseurs. Le patron de Dassault Aviation confirme donc ses objectifs calendaires, à savoir un premier vol du Falcon 6X début 2021 pour une certification et une entrée en service en 2022.
Eric Trappier a ajouté que le développement du moteur PW812D de Pratt & Whitney Canada était lui aussi nominal. Le programme compte six moteurs d’essais, qui ont déjà réalisé 1 400 heures de tests, dont plus de 150 heures sur le banc d’essais volant – un Boeing 747 – du motoriste. Enfin Pratt & Whitney Canada a réalisé le vol inaugural du premier PW812D de série, toujours sur son 747.
Chat échaudé craignant l’eau froide, le PDG de Dassault Aviation a indiqué qu’il portait une vigilance toute particulière au développement du moteur pour que le fiasco du Falcon 5X avec le Silvercrest ne se reproduise pas. Des équipes ont donc été dépêchées auprès du motoriste pour suivre les évolutions au plus près.
Un Falcon en Amérique
Quant au nouveau Falcon, Eric Trappier a continué d’aguicher l’auditoire en promettant un lancement cette année, sans donner plus de précision sur le calendrier. Si le coup d’envoi officiel du programme pourrait être donné au salon européen Ebace en mai, c’est naturellement la convention américaine de la NBAA en octobre qui tient la corde, tout simplement car c’est là où se trouve le marché. Selon les derniers chiffres de l’Association des constructeurs de l’aviation d’affaires et général (GAMA), l’Amérique du Nord a représenté les deux tiers des ventes de jets d’affaires en 2019 contre la moitié il y a encore cinq ans.
Sur le plan technique, le patron de Dassault Aviation n’a livré aucun détail. Il devrait néanmoins s’agir d’un modèle très haut de gamme, qui permettrait de conjuguer la longueur de cabine d’un Falcon 8X (13 m) avec la hauteur et la largeur d’un Falcon 6X (1,98 m x 2,56 m) afin d’offrir un volume inédit. L’autonomie devrait aussi être au rendez-vous. D’où la probable appellation de Falcon 9X. Enfin, Dassault Aviation pourrait abandonner sa configuration trimoteur fétiche au profit d’un bimoteur, plus dans l’air du temps en raison des problématiques de coût carburant et d’environnement.
Un Falcon numérique
La véritable nouveauté devrait pourtant se situer ailleurs. Le Falcon 9X sera entièrement conçu numériquement à partir de la plateforme 3DExperience de Dassault Systèmes, une première mondiale selon Eric Trappier. Cela va permettre notamment d’intégrer les problématiques de conception, de production et de maintenance dès les premières esquisses, afin d’optimiser le programme pour l’ensemble de sa vie. Dassault Aviation franchit ainsi une étape majeure de transformation numérique, vers laquelle tendent tous les avionneurs y compris Airbus et Boeing.
Interrogé sur l’apport de cet outil, Eric Trappier n’a pas livré de chiffres mais a déclaré : « Si nous n’avions pas la plateforme 3DExpérience, nous ferions moins bien. L’outil transforme les méthodes et fait que nous travaillons mieux. Il va nous permettre de mettre en place de réels plateaux dans lesquels les mondes du développement, de la production et du soutien vont apporter un certain nombre d’éléments en amont qui vont permettre de piloter l’ensemble du programme. Nous en rêvions depuis assez longtemps, même si ce n’est pas encore tout à fait achevé. »
Le PDG a ajouté que 3DExpérience allait permettre à Dassault Aviation de gagner en compétitivité, rappelant que c’est une obligation pour s’imposer sur le marché. « C’est un pari gagnant, et c’est une conviction à 100% », a-t-il conclu.
Un besoin de dynamique
Falcon 6X et 9X doivent donc redynamiser une gamme qui marque le pas depuis les débuts opérationnels en 2016 du Falcon 8X, version allongée du Falcon 7X entré en service en 2007. Dassault Aviation n’a ainsi vendu que 42 Falcon en 2018 et 40 en 2019, et a dû baisser ses cadences de production pour préserver son carnet de commandes. Celui-ci ne compte que 53 appareils, dont des appareils de missions destinés à des clients militaires.
Eric Trappier a donc annoncé que les livraisons de Falcon resteraient stables en 2020, à 40 exemplaires – ce qui devrait correspondre au volume de commandes espéré. Une prévision qu’il juge réaliste, même s’il rappelle que l’objectif de 45 appareils en 2019 n’a pas été atteint. Il s’est ainsi bien gardé d’afficher des certitudes quant au marché de l’aviation d’affaires, jugé toujours « très compétitif » et soumis à de nombreux aléas : tensions politiques, guerres économiques entre les Etats-Unis, la Chine et l’Europe, nouveau modèle européen suite au Brexit ou encore les prochaines élections américaines.
Reste à savoir si le segment très haut de gamme des Falcon 6X et 9X sera le plus porteur, alors qu’il s’est montré moins résilient que par le passé. La GAMA livre un indicateur positif : après cinq années de recul, la valeur moyenne des jets d’affaires est remontée en 2019 pour s’établir à 26 millions de dollars. Et cette remontée semble en partie le fait de l’arrivée de nouveaux programmes d’avions haut de gamme sur le marché : les G500 et G600 de Gulfstream – en attendant le G700 – et le Global 7500 de Bombardier. A Dassault Aviation d’en profiter, à condition de ne pas arriver pas trop tard.