Et si le marché des turbopropulseurs de petite capacité donnait lieu à un affrontement intra-européen ? Dans un segment qui semblait jusqu’ici dévolu au seul ATR 42-600 en l’absence de concurrence, un nouvel avionneur allemand est en train de prendre place. Créé par le groupe américain Sierra Nevada Corporation (SNC) et sa filiale allemande 328 Support Services (328SSG), DRA entend bien remettre le Dornier 328 sur le devant de la scène – dans sa version turbopropulsée uniquement – sous la dénomination D328NEU. Après une profonde cure de rajeunissement, l’avion allemand pourrait se positionner rapidement sur le marché des appareils régionaux de 30 à 40 sièges, qui brille par son absence de compétiteurs aujourd’hui.
Antonov An-24, ATR 42 de premières générations, BAe Jetstream 41, De Havilland Canada/Bombardier Dash 8-100/200, Dornier 328, Embraer EMB 120 Brasilia, Fokker 50, Saab 340 etc… Dans les années à venir, ce sont plusieurs centaines de turbopropulseurs de moins de 50 places qui vont être amenés à sortir du service après vingt à trente ans d’exploitation. Une situation qui va ouvrir les portes d’un marché de remplacement conséquent, sans même compter celui offert par les jets. Les prévisions varient (assez largement) entre 100 et 400 livraisons d’avions neufs sur les dix prochaines années.
Quoi qu’il en soit, les acteurs présents pour saisir ce marché devraient se compter sur les doigts d’une seule main. Après une vague d’engouement dans les années 1980 et 1990, les turbopropulseurs de 30 à 50 sièges n’ont plus fait recette au tournant du siècle. Beaucoup d’avionneurs ont fait faillite (Fokker), cessé leur production (Saab), ou se sont recentrés sur des appareils de plus grande capacité (Bombardier). L’ATR 42 est le seul appareil de cette catégorie encore en lice aujourd’hui.
Une concurrence par le bas
Plus petit, avec une cabine de 10,3 m contre 13,9 m, le Dornier 328 n’est pas pour l’instant un concurrent direct de l’ATR 42. Il affiche ainsi une capacité de 32 sièges contre 48 pour l’avion franco-italien. La situation pourrait changer avec le D328NEU, DRA étudiant a priori la possibilité d’allonger l’appareil pour le porter à 39 sièges. En effet, 328SSG détient les droits de propriété intellectuelle sur le Dornier 328, ainsi que sur sa variante à turbosoufflantes.
Même à 32 sièges, le D328NEU pourrait tout de même contrarier l’hégémonie annoncée de l’ATR 42-600. Il va ainsi offrir une alternative aux compagnies aériennes qui ne souhaitent pas passer de 30 à 50 sièges – même si la tendance reste à l’adoption de modules plus importants. Jusqu’ici, celles-ci n’avaient pas le choix pour renouveler leurs flottes du fait du manque de compétiteurs. De même, le D328NEU devrait disposer d’opportunités sur des marchés de niches : îles, pistes courtes, ouvertures de ligne, etc… Un marché que DRA estime en croissance. L’avion allemand devrait ainsi pouvoir opérer sur une longueur de piste de 1 088 m à masse maximale (MTOW et MLW), soit 80 m de moins que l’ATR 42-600. Le D328NEU devrait aussi être décliné dans des versions de transport de fret et de missions (recherche, surveillance de frontières, etc.).
Modernisation en profondeur
Il reste néanmoins du chemin à DRA avant d’arriver à prendre des parts de marché à ATR. Le constructeur allemand va devoir faire subir une profonde cure de rajeunissement à son appareil, mis en service au début des années 1990. Une démarche qui n’est pas sans rappeler celle menée par le groupe suisse RUAG avec le Dornier 228 dans les années 2000. DRA pourrait notamment s’appuyer sur le travail entrepris précédemment par TRJet, société créée en 2015 par SNC et 328SSG pour relancer, déjà, le Dornier 328 en Turquie. Cette première tentative n’a pas été couronnée de succès et a été abandonnée de fait au profit du projet actuel.
DRA pourrait ainsi intégrer de nouveaux moteurs et une nouvelle avionique. TRJet avait opté en son temps pour les PW127 de Pratt & Whitney Canada afin de remplacer les PW119, ainsi que la Pro Line Fusion de Collins Aerospace en lieu et place de la Primus 2000 fournie par Honeywell. Interrogé sur ces possibilités, DRA n’a pas souhaité répondre. Le constructeur allemand s’est contenté d’annoncer que davantage d’informations seraient dévoilées au premier trimestre 2020.