Qui aurait parié sur un tel succès lors du lancement du PC-24, il y a six ans à Ebace ? Malgré des rumeurs persistantes, l’avion polyvalent de Pilatus avait alors soulevé un certain étonnement, voire un peu de scepticisme, dans les travées du salon européen de l’aviation d’affaires (voir encadré). Un an plus tard, il ne faisait déjà plus sourire personne avec 84 exemplaires vendus en 36 heures lors d’Ebace 2014. Ce fut encore le cas lors de l’édition 2019, du 21 au 23 mai à Genève, avec la réouverture du carnet de commandes pour la première fois en cinq ans. En 24 heures, la moitié des 80 appareils mis en vente était partie. Désormais en service et en phase de montée en cadence, le PC-24 apparaît comme l’une des meilleures inspirations proposées par un constructeur depuis de longues années.
Oscar Schwenk, président de Pilatus, n’a pas hésité à parler d’une « demande phénoménale » avant le salon puis à afficher sa satisfaction devant la presse à l’issue de la première journée. Tous les voyants sont en effet au vert pour le PC-24. L’appareil confirme son succès commercial auprès des opérateurs avec ces quarante nouvelles commandes. Certes, l’exploit de 2014 n’a pas entièrement été réédité, mais la performance reste impressionnante. Les acheteurs n’ont pas été rebutés par les cinq ans d’attente, ni par les délais de livraison encore à venir – les appareils commandés actuellement ne seront disponibles que fin 2020 ou en 2021. Ils ont aussi été, semble-t-il, convaincus par la première année d’opérations du PC-24.
Autre indice de cette popularité, le cabinet d’analyses Jetnet IQ a établi que le PC-24 était actuellement l’appareil le plus plébiscité pour un futur achat, devant le Gulfstream G500, le Bombardier Challenger 350 et le Gulfstream G650ER. Ces résultats sont tirés des enquêtes menées entre le troisième trimestre 2018 et le premier trimestre 2019, auprès d’une base d’environ 500 propriétaires et opérateurs d’avions d’affaires.
Des cadences en forte accélération
Avec deux ans de production devant lui, Pilatus est confiant et prépare une montée en cadence (très) ambitieuse. Après avoir livré 18 PC-24 en 2018 (sur un total de 23 appareils produits pendant l’année), le constructeur suisse veut fournir une quarantaine d’exemplaires en 2019, et une cinquantaine l’an prochain. Il apparaît ainsi à contretemps de la plupart des constructeurs mondiaux, qui ont fini par baisser leur rythme de production ses dernières années après plusieurs exercices de surproduction. Certains ont d’ailleurs payé cher cette volonté de maintenir des cadences élevées à tout prix.
Pour y arriver, Pilatus doit encore améliorer la robustesse de son organisation logistique et industrielle. Celles-ci ont été mises à rude épreuve avec le démarrage de la production en série sur sa ligne d’assemblage final de Stans. Malgré un apprentissage rapide, à en croire le constructeur, les coûts et les besoins en personnels ont été plus élevés que prévu. Des problèmes ont aussi été rencontrés avec une chaîne d’approvisionnement non stabilisée.
Un pas en avant sera fait cet été avec l’ouverture d’un nouveau hangar d’assemblage pour les fuselages, à Stans. Très automatisé, il centralisera des tâches autrefois dispersées à travers plusieurs sites. De même, l’ouverture du centre de complétion de Broomfield (Colorado), en octobre 2018, va contribuer à cette montée en cadence. Pilatus vise l’aménagement de 30 PC-24 par an dans cette nouvelle installation, notamment pour répondre à la demande américaine. Il réfléchit aussi à une structure similaire à Adelaïde, en Australie, où le PC-24 se montre déjà très populaire.
Le PC-24 s’illustre par sa large porte cargo. © Pilatus
Un fort besoin de soutien
L’autre enjeu de l’année à venir est la construction d’un réseau de soutien efficace. La tâche s’avère prioritaire alors que la flotte de PC-24 compte désormais trente appareils en service à travers le monde, opérant dans des conditions parfois difficiles – comme ambulance aérienne au sein du Royal Flying Doctor Service of Australia (RFDS) par exemple. Et d’ici la fin de l’année, la flotte aura quasiment doublé. Pilatus veut donc être efficace rapidement, d’autant « qu’il sera très coûteux d’apporter des corrections plus tard ». De même, il veut étoffer son offre de services, construite autour du programme PC-24 CrystalCare.
En attendant, Pilatus continue de développer et d’améliorer son avion, et surtout d’accroître ses capacités opérationnelles. Après avoir obtenu la qualification pour opérer sur des terrains non-préparés en terre, le constructeur travaille désormais sur l’habilitation pour les pistes en herbe. L’avion a aussi été homologué pour les terrains avec une approche à forte pente, avec des angles jusqu’à 6,6 degrés, comme l’aéroport de London-City. Le PC-24 continue ainsi de se préparer à ce pour quoi il est fait : pouvoir opérer sur le plus grand nombre de terrains à travers le monde, que ce soit dans le luxe ou la rusticité.