Le premier semestre de l’exercice 2020-2021 aura été éprouvant pour Figeac Aéro. Débuté le 1er avril, il s’est entièrement déroulé durant la crise covid et transcrit donc ses effets dévastateurs. Le chiffre d’affaires a plongé de 57,9% à 94,4 millions d’euros, entraîné par la dégradation de l’activité aérostructures, l’Ebitda comme le résultat opérationnel sont passés dans le rouge et la perte nette s’élève à 51 millions d’euros. Un coup dur pour un industriel qui était un modèle de réussite il y a quelques mois. Cependant, Jean-Claude Maillard, son PDG, estime avoir touché le fond et voit les premiers signes d’une reprise.
« Nous avons été extrêmement touchés », constate Jean-Claude Maillard, le PDG du sous-traitant lotois, avec amertume. « Nous avons été cisaillés par la crise alors que nous étions le premier sous-traitant aéronautique européen en mars. » L’exposition de Figeac Aéro a été d’autant plus importante que le sous-traitant est très dépendant du programme A350, qui représente 32% de son chiffre d’affaires.
Revenant sur le plan de restructuration mis en place pour tenir jusqu’à la reprise, Figeac Aéro a rappelé qu’il avait profité des aides du gouvernement, notamment des mesures de chômage partiel et de report de charges, d’un prêt garanti par l’Etat de 80 millions d’euros. Au niveau des effectifs, deux « plans de sauvegarde de l’emploi » ont été initiés à Figeac et Méaulte, qui toucheront 341 postes (320 à Figeac et 21 à Méaulte) à partir de mai 2021. Pour le moment, il n’est pas envisagé de PSE sur d’autres sites. A l’étranger en revanche, les mesures ont été drastiques et 742 postes ont été supprimés.
Parmi les autres décisions prises pour résister à la baisse du volume d’activité, le sous-traitant a choisi de réinternaliser certaines activités, comme certaines prestations de maintenance et de production ou la gestion de ses matières premières, dont l’externalisation chez AMI s’est révélée trop onéreuse. L’outil de production a été adapté, certains contrats fournisseurs ont été renégociés et les investissements ont été gelés autant que possible. Figeac Aéro estime ainsi pouvoir gagner 30 millions d’euros par an sur ses coûts à partir de l’exercice 2021-2022.
De beaux succès malgré les difficultés
Malgré le contexte actuel, Figeac Aéro a remporté deux succès majeurs, l’un avec Collins Aerospace, l’autre avec Rolls-Royce. En ce qui concerne le motoriste britannique, il a renouvelé sa confiance dans le sous-traitant français en lui confiant un contrat de production sur les carters des Trent XWB pour 60 millions de dollars. Ayant un contrat se terminant fin 2022 pour ces équipements, Figeac Aéro compte sur une industrialisation d’un an pour une première pièce produite début 2022 et une cadence pleine début 2023.
Le contrat conclu avec Collins Aerospace remplit également Figeac Aéro de fierté. L’équipementier américain a en effet décidé, avant la crise, de réunir la production de plusieurs pièces externalisées chez une dizaine de fournisseurs américains et asiatiques dans un seul package et de l’attribuer au sous-traitant français. En plus d’avoir délogé des fournisseurs en place, Figeac Aéro a remporté d’entrée de jeu un contrat majeur avec le premier équipementier mondial, sans période de test préalable sur un petit volume d’affaires. Il implique en effet des recettes de 250 millions de dollars. Portant notamment sur les poutres d’inverseurs de poussée de l’Airbus A320neo motorisé par Pratt & Whitney, la production devrait démarrer mi-2021 et tourner à plein régime mi-2022.
D’autres lumières indiquent le bout du tunnel
Comme ces deux contrats, « depuis quelques semaines apparaissent des éléments positifs », se réjouit Jean-Claude Maillard. « Nous avons touché le fond donc nous allons remonter. Simplement, nous ne savons pas à quelle vitesse. » Celle-ci dépendra en effet beaucoup de l’évolution de la crise, de la distribution des vaccins etc. Et de toute façon, la production ne pourra pas reprendre du jour au lendemain, contrairement à ce qui pourrait se passer dans d’autres secteurs d’activité, l’aéronautique subira un temps de latence : il faudra attendre que le trafic reprenne, que les compagnies revolent, qu’elles assainissent leur bilan pour avoir la capacité d’acquérir des avions et que les industriels déstockent avant que les cadences de production des fournisseurs puissent reprendre pleinement. Un premier signe positif est que Figeac Aéro commence à voir le bout de cette consommation de stock.
D’autres sont venus des Etats-Unis, avec la levée de l’immobilisation du Boeing 737 MAX par la FAA. L’ANAC au Brésil a suivi et quelques appareils sont de nouveau en vol en Amérique latine, les Etats-Unis devant suivre à la fin du mois. Et surtout, la Chine a montré sa force, avec un trafic domestique revenu à ses niveaux pré-crise – ce qui conforte l’industriel dans son projet de d’installer une unité dans le pays.
Du côté des cadences de production, la reprise s’annonce très lente mais réelle. Après que les principaux programmes sur lesquels Figeac Aéro est présent (A350, A320neo, A220, Boeing 787, 777, 737 et Global 7500) soient tombés de 1 122 à 686 appareils produits par an, leur production pourrait remonter à 1 227 appareils l’année prochaine, sous l’effet artificiel du redémarrage des livraisons du 737 MAX toutefois. Selon l’industrie, hors MAX, il faudra attendre 2024 pour retrouver des niveaux à peu près équivalents à ceux de 2019. Malgré cela, le maintien d’une remontée des cadences de l’A320neo à 47 appareils par mois mi-2021 est une bonne nouvelle pour le sous-traitant. Figeac Aéro sera parfaitement en mesure de suivre les ramp-up, le taux d’utilisation de ses capacités étant tombé à 40% contre 75% avant-crise.
Il est un autre signe qui ne trompe pas : le carnet de commandes de Figeac Aéro est resté stable, avec 96% des contrats renouvelés, notamment un contrat majeur avec Stelia Aerospace. Il n’a donc pas vu la confiance de ses clients entachée par la crise. Des négociations sont toujours en cours pour de nouveaux marchés. Quant à l’EBITDA, s’il a très fortement chuté dans les premiers mois de la crise, il est redevenu « très nettement positif » depuis septembre.
Avec le plan de restructuration engagé, Figeac Aéro devrait également réussir à préserver ses liquidités pour saisir la reprise lorsqu’elle se confirmera. Et en attendant, le sous-traitant continuera de chercher des opportunités dans les marchés non aéronautiques, notamment l’énergie, et compte développer une nouvelle activité dans les services – sous forme de partenariats industriels pour accompagner les clients dans le démarrage d’activités de production dans des zones géographiques spécifiques.