Un an après avoir changé de nom, Kopter (ex- Marenco Swisshelicopter) semble désormais sur la bonne trajectoire pour voir un projet déjà vieux de douze ans se concrétiser. Passé par de multiples péripéties, dont des retards de développement ou encore le départ de Martin Stucki, ingénieur en chef et fondateur de la société en 2007, l’hélicoptériste suisse vise désormais une entrée en service de son monomoteur SH09 l’an prochain. Il a également profité du salon Heli-Expo, début mars à Atlanta (Géorgie), pour annoncer l’implantation d’une ligne d’assemblage final à Lafayette (Louisiane).
Pour l’instant, la flotte d’essais du SH09 compte trois prototypes, dont le troisième (P3) s’est envolé pour la première fois fin 2018, depuis la chaîne d’assemblage principale de Kopter à Mollis, en Suisse. Après une série d’essais locaux, il a rejoint Pozzallo en Sicile début mars. Il peut ainsi voler tous les jours, affirme-t-on chez Kopter.
Le constructeur entend ainsi mener une campagne d’essais intensive, afin d’ouvrir l’enveloppe de vol de manière significative, tester un certain nombre de procédures et de composants, et faire enfin gonfler le nombre d’heures de vol de la flotte de prototypes. Elle n’a en effet cumulé qu’une centaine d’heures de vol depuis le premier vol du P1 en 2014 (même s’il faut y ajouter plus d’un millier d’heures de tests des différents éléments dynamiques sur bancs d’essais au sol). Le P1 ne sert d’ailleurs plus, tandis que le P2 n’effectue plus que des essais au sol.
Modifications importantes
Le P3 a permis d’intégrer un certain nombre de changements assez lourds par rapport au P2. C’est notamment le cas des commandes de vol, de la boîte de transmission principale (MGB), des pales, et du stabilisateur horizontal. Les ingénieurs suisses se sont aussi astreints à réduire la masse à vide de l’appareil, qui atteint désormais 1 520 kg. L’objectif reste néanmoins de descendre à 1 460 kg pour les appareils de série (pour une masse maximale au décollage de 2 650 kg). L’appareil peut ainsi commencer à valider les performances annoncées lors de la présentation du programme, dont une vitesse de croisière de 260 km/h et une autonomie de 800 km. Et cela se passe plutôt bien pour l’instant, à en croire Kopter.
Un pas important du développement reste tout de même à franchir avec les deux appareils de pré-série (PS4 et PS5), actuellement en cours de mise au point et qui arriveront cet automne. Le PS4 partira en Sicile pour poursuivre les vols de certification et tester les missions, tandis que le PS5 ira aux États-Unis pour les essais « hot & high » (par temps chaud et à haute altitude) a priori au Colorado, ainsi que par temps froid en Alaska.
Ces deux appareils sont présentés comme représentatifs de la version de série, avec un certain nombre d’optimisations par rapport au P3. Kopter a ainsi continué à faire évoluer la tête rotor de l’appareil, et a redessiné les réservoirs de carburant. L’intérieur a aussi été revu, avec une cabine élargie. L’hélicoptériste a d’ailleurs dévoilé une nouvelle configuration haute densité avec huit passagers et un pilote (l’appareil est proposé en simple et en double commandes).
L’usine de Mollis sera le coeur de la production du SH09. © Kopter
Modèle industriel
Si ces modifications semblent aller dans le bon sens, elles ont obligé Kopter à revoir encore une fois son calendrier. La certification européenne (EASA) est désormais attendue vers le deuxième trimestre 2020, suivie rapidement par l’homologation américaine (FAA) avant la fin de l’année. Le programme accuserait alors plus de cinq ans de retard par rapport aux premières annonces. L’entrée en service en Europe est aussi prévue en 2020, avec la livraison des premiers appareils de série – S6/S7/S8 – a des clients de lancement qui vont aider à faire monter l’appareil en maturité.
En parallèle, Kopter a dû revoir sa chaîne de fournisseurs par rapport à la production des prototypes. Des choix ont été faits sur le plan technique avec les nombreuses modifications intervenues entre le P2 et le P3, notamment avec un changement de fournisseur pour un élément dynamique qui n’atteignait pas la qualité attendue. Celui-ci avait été à l’origine de plusieurs mois de retard l’an dernier. D’autres modifications sont intervenues sur le plan industriel, avec la non reconduction de certains fournisseurs du fait de doutes sur leur capacité à supporter les objectifs de montée en cadence importante dans les prochaines années. Les procédés d’approvisionnement ont aussi été retravaillés.
Objectifs de production
La montée en cadence sera progressive, avec quelques appareils livrés en 2020, puis une vingtaine de machines en 2021 et une cinquantaine en 2022. L’objectif est d’atteindre une capacité de production de 150 hélicoptères par an à l’horizon 2025. La production sera répartie entre la Suisse et les États-Unis, qui consistera essentiellement dans l’assemblage des différents éléments livrés par les fournisseurs (à l’exception des pales).
La ligne de Mollis sera naturellement la première opérationnelle. A terme, elle devrait produire jusqu’à 50 appareils par an , ainsi que des kits d’assemblage qui seront expédiés vers la Lafayette. Les possibilités d’un approvisionnement en double source seront étudiées par la suite. Le site américain devrait être dimensionné pour livrer une centaine d’appareils chaque année, mais aussi assurer une partie de la customisation, soit directement soit en collaboration avec des fournisseurs locaux. Une activité de MRO pourrait aussi être développée sur place.
Kopter était présent à Heli-Expo 2019 avec une maquette du SH09. © Kopter
Intérêts commerciaux
Sur le plan commercial, Kopter entend adresser sur plusieurs marchés avec le SH09, notamment grâce l’important volume de cabine du monomoteur. Il entend ainsi se positionner sur le transport de passager, l’utilitaire et même le parapublic, pour de missions de police ou d’évacuation sanitaire (EMS) avec son ouverture à l’arrière de l’habitacle. Le prix variera entre trois et quatre millions de dollars selon les configurations.
Le marché semble en tout cas bien réagir avec une soixante de commandes, dont des options, et des lettres d’intention (LoI) pour une centaine de machines supplémentaires. De quoi assurer quasiment les trois premières années de production, ce qui satisfait Kopter. L’hélicoptériste déclare d’ailleurs ne pas vouloir s’engager à trop long terme avant la certification, notamment au vu des retards de développement connus en 2018, et pour maintenir des délais de livraison raisonnables à ses clients. Il veut aussi assurer la montée en maturité de l’appareil avec les premiers utilisateurs, ainsi que la construction du réseau de soutien – maintenance et logistique – dont les contours sont en train d’être définis.
D’abord concentré sur les Etats-Unis, le Canada ou le Brésil – et dans une moindre mesure l’Europe du fait des contraintes réglementaires sur les monomoteurs – Kopter envisage de se tourner vers l’Asie à l’horizon 2023. Cela pourrait donner lieu à la mise en place d’une troisième ligne d’assemblage locale.