Le temps de l’arrêt pour faire face au coronavirus aura été bref pour certains, quelques jours à peine, tandis qu’il se prolonge pour d’autres. La production est repartie chez Airbus et Safran depuis le 23 mars, au début de la deuxième semaine de confinement en France, mais reste à l’arrêt chez Dassault Aviation. Dans tous les cas le redémarrage est complexe et se fait de façon très progressive, avec le besoin de concilier la mise en place des mesures sanitaires, la fourniture d’équipements de protection individuelle (EPI), les demandes des syndicats, les difficultés logistiques et la peur des salariés.
Airbus aura sans doute été le plus proactif dans ce début de crise. L’avionneur européen a annoncé le mardi 17 mars (jour du début du confinement dans l’Hexagone) qu’il fermait dès le lendemain et pour quatre jours l’ensemble de ses sites de production en France et en Espagne afin « mettre en oeuvre des conditions de santé et de sécurité strictes en termes d’hygiène, de nettoyage et de distanciation. » Cette mesure de confinement total était néanmoins exigée par le syndicat Force Ouvrière, majoritaire, dès le 16 mars.
La situation a été un peu plus heurtée au sein des groupes Safran et Dassault Aviation. Confronté à l’exercice de leur droit de retrait par plusieurs centaines salariés le 17 mars, en particulier sur le site de Safran Aircraft Engines de Villaroche, Safran a dû prendre une décision rapidement. Il a ainsi fermé ses sites dans « les pays les plus impactés par l’évolution du Covid-19 afin de renforcer les mesures d’hygiène et de nettoyage déjà existantes », à partir du 18 mars. Une situation identique a été vécue chez Dassault Aviation avec des débrayages sur plusieurs sites. La direction a donc suspendu la production le 18 mars, puis les activités tertiaires le 22.
Redémarrage progressif
Quelle que soit la situation de départ, les trois groupes ont visé une reprise de la production au lundi 23 mars, avec des fortunes diverses. L’anticipation d’Airbus a sans doute été payante. Dès le 20 mars, Guillaume Faury présentait un plan de redémarrage progressif de la production. Parmi les principaux partenaires sociaux, Force Ouvrière s’est résolue à valider le principe d’une reprise lente, tandis que la CFE-CGC a refusé de donner son avis, faute de temps pour évaluer les proposition du président exécutif d’Airbus.
Le travail a donc repris dès le 23 mars sur les sites français et espagnol, avec une validation des conditions sanitaires poste par poste. Airbus a facilité cette reprise en mettant à profit sa flotte (A330neo, A330 MRTT, A400M) pour acheminer des masques à plusieurs gouvernements européens, mais aussi à ses différents sites.
Le redémarrage reste tout de même très lent de l’aveu même de Guillaume Faury : « Au début, l’efficacité de la production sera basse, et parfois même très basse. Ce n’est pas grave, nous retrouverons l’efficacité plus tard. » Et Airbus n’est pas à l’abri d’un nouveau coup d’arrêt comme c’est le cas en Espagne, où le durcissement des mesures gouvernementales l’oblige à suspendre à nouveau la majorité de sa production, jusqu’au 9 avril cette fois.
Situations diverses
Philippe Petitcolin, directeur général de Safran, a lui attendu le 27 mars pour s’exprimer. Cela n’a pas empêché les salariés de reprendre progressivement le travail pour les activités essentielles dès le début de la semaine. De grosses disparités existent cependant entre les différentes filiales du groupe ainsi que d’un site à l’autre. Safran Helicopter Engines et Safran Landing Systems ont redémarré à partir du 23 mars, Safran Transmission Systems le 24 et Safran Aircraft Engines le 25. En revanche le site de Florange de Safran Nacelles est resté fermé jusqu’au 30 mars. Par ailleurs, 26 sites du groupe sont toujours à l’arrêt à travers le monde.
La réouverture des postes était conditionnée à la mise en place de mesures sanitaires et le directeur général du groupe a reconnu que certains secteurs n’avaient pas encore atteint le niveau nécessaire la semaine dernière. Certains d’entre eux dépendaient notamment de la fourniture de masques. Après avoir fourni les 60 000 exemplaires de son stock au gouvernement français, le groupe a eu l’autorisation d’en importer de nouveaux à partir du 22 mars.
Au 27 mars, Philippe Petitcolin annonçait pour la France que 10% des effectifs étaient sur site et 30% en télétravail. Le reste des salariés, soit 60%, était principalement au chômage partiel, ainsi qu’en garde d’enfants ou en congé. S’il a affirmé à plusieurs reprises comprendre la peur des salariés et la volonté des syndicats de les protéger, il ne désespère néanmoins pas de voir le taux d’activité sur site remonter dans les prochains jours.
Les mesures prises n’ont néanmoins pas entièrement satisfait les organisations syndicales. Le 23 mars, la CFDT appelait à une reprise différée afin que les élus du comité social et économique (CSE) du groupe puissent s’assurer de la mise en conformité des sites, mais aussi plus progressive. De son côté, la CGT continue de se positionner pour un confinement total et donc un arrêt de la production, avec la remise des EPI aux autorités sanitaires.
Reprise différée
Enfin chez Dassault Aviation, l’activité n’a toujours pas repris. Alors qu’elle espérait un redémarrage le 23 mars, la direction a dû se résoudre à prolonger l’arrêt de ses opérations de production comme tertiaires afin de poursuivre la mise en place des mesures sanitaires. Dans le même temps, le constructeur a fourni 130 000 masques aux autorités sanitaires françaises, avant de pouvoir commencer à reconstituer un stock pour ses salariés. Il annonce néanmoins poursuivre les dons aux agences régionales de santé (ARS) dont dépendent ses sites.
Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a néanmoins annoncé s’être accordé avec les élus du CSE le 26 mars sur un plan de reprise du travail, limitée à quelques activités prioritaires : soutien des flottes, assemblage et essais du premier Falcon 6X, développement du futur Falcon, finalisation de deux Rafale pour l’Inde… Ce qui devrait mobiliser un peu plus de 1 000 salariés sur neuf sites.
Ce plan doit désormais être présenté dans les prochains jours sur les différents sites de Dassault Aviation. Le retour du millier de salariés concernés, sur la base du volontariat, se fera à partir du vendredi 3 avril, après plus de deux semaines d’arrêt.