Une semaine jour pour jour après le vol inaugural de l’Airbus A350-1000 à Toulouse, le Journal de l’Aviation revient en détail sur les premiers essais en vol du deuxième membre de la famille A350 XWB ainsi que sur l’intense campagne de certification qui vient de démarrer.
C’est sous un ciel de traîne, encore un peu turbulent, que le nouveau membre de la famille A350 XWB d’Airbus s’est envolé pour la toute première fois le 24 novembre, sous les regards de nombreux membres de la direction d’Airbus et de milliers de salariés. Ce premier vol, d’une durée de 4 heures et 18 minutes, était conduit par un équipage d’essais de 6 personnes : dans le poste, les pilotes d’essai Hugues Van der Stichel (en place gauche) et Frank Chapman, accompagné du mécanicien navigant d’essais Gérard Maisonneuve et, dans la très longue cabine, Patrick du Ché, le directeur des essais en vol, Emanuele Costanzo, le directeur des essais de développement du programme A350 et Stéphane Vaux, ingénieur navigant d’essai.
Ce premier vol est, de l’avis général de l’équipage après son atterrissage, un véritable succès. Mais comme l’a témoigné Hugues Van der Stichel, le chemin sera encore long avant sa mise en service et l’intense programme d’essais programmé ne vise pas simplement à décrocher le précieux certificat de type pour cet appareil dérivé. De nombreux vols seront en effet aussi dédiés à la maturation de l’appareil en vue d’une mise en service sans histoire, notamment auprès de son client de lancement Qatar Airways, déjà première compagnie mondiale à avoir introduit l’A350-900 sur son réseau.
« Dans un an, je l’espère, nous verrons quelques A350-1000 en service », a déclaré le PDG d’Airbus Fabrice Brégier. Les délais sont donc particulièrement courts.
Photo © Le Journal de l’Aviation
Le vol inaugural a déjà permis d’explorer une bonne partie du domaine de vol
Le décollage de MSN59 s’est effectué piste 32R, quelques secondes après celui de son avion suiveur, un Falcon 20 d’AvDef (Aviation Defense Service). A noter qu’un pilote d’essais d’Airbus était aussi à bord du Falcon suiveur afin de pouvoir assister l’équipage du nouvel A350 en cas de besoin. L’appareil venait d’effectuer son dernier test RTO (Rejected Take-Off) à pleine vitesse (140 kts) quelques jours plus tôt.
L’ensemble du vol s’est déroulé entre Toulouse et la chaîne des Pyrénées. L’équipage l’a mené en trois grandes phases, si l’on exclut évidemment le passage bas au-dessus de la plateforme toulousaine avant son atterrissage vent-arrière. La première consistait en différents essais sous les 10000 pieds, d’abord en loi directe dans différentes configurations de volets puis de train, puis avec l’activation des différentes protections pour passer en loi de pilotage normale.
L’appareil a ainsi atteint sa VFE (vitesse maximale avec les volets au cran 1) et sa VMO. Les manoeuvres ont ensuite été exécutées jusqu’au niveau de vol 250, toujours dans les différentes lois de pilotage, mais en configuration lisse jusqu’à atteindre la VMO (Mach 0.80 à cette altitude). L’A350-1000 est ensuite revenu sous l’espace aérien supérieur pour mener des essais de comportement à basse vitesse, jusqu’à l’activation des alarmes de décrochage, avant d’adopter sa configuration finale pour l’atterrissage.
Franck Chapman a ainsi précisé au Journal de l’Aviation que le décollage avait été effectué à une masse très proche de sa masse maximale au décollage (MTOW) de 308 tonnes. L’équipage n’a cependant pas eu besoin d’utiliser la pleine puissance des nouveaux Trent XWB-97 (97 000 livres de poussée), les plus puissants réacteurs jamais venus propulser un programme Airbus, ce premier décollage ayant été effectué à poussée réduite (derated take-off) compte-tenu de la température en vigueur et de la longueur importante de la piste (3000 mètres).
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Franck Chapman a également comparé les caractéristiques de l’appareil avec celles de l’A350-900, un avion qu’il connaît particulièrement bien puisqu’il a largement contribué à sa certification. Selon lui, les différences de comportement qu’il a constatées sont minimes et seront facilement gommées par l’adaptation des commandes de vol. Il indique aussi que les phénomènes d’aéroélasticité liés à l’allongement du fuselage sont évidemment présents, mais sans commune mesure avec ce qu’ont connu les pilotes d’essai d’Airbus sur l’A340-600, le plus long appareil produit par Airbus à ce jour (75,4 m).
Évidemment, compte tenu de l’allongement de son fuselage de près de 7 mètres, l’A350-1000 est potentiellement plus propice aux touchers de queue au décollage et à l’atterrissage (tailstrikes). Franck Chapman nous a ainsi précisé que l’appareil disposera logiquement d’une protection en incidence particulière pour ces phases de vol, mais avec une logique dite « douce », la philosophie de l’avionneur voulant que dans certaines conditions le pilote puisse toujours prendre le dessus.
Trois avions d’essais très occupés pendant un an
Le programme d’essais en vol de l’A350-1000 comprend trois appareils, tous dédiés à des rôles bien définis. Ainsi, comme l’a expliqué Christophe Cail, le chef pilote d’essai de l’avionneur depuis l’année dernière, ils devront accumuler un total de 1600 heures d’essais en vol (600 hdv pour MSN59 et 500 hdv pour MSN65 et MSN71).
Ainsi MSN59 va explorer la totalité du domaine de vol et effectuera une grande partie des essais liés aux systèmes et à la motorisation. Par contre, contrairement à ce que pourrait laisser présager leur numéro de série, c’est MSN71 qui rejoindra en premier MSN59 avec un décollage programmé dans les toutes prochaines semaines. MSN71 se consacrera quant à lui principalement aux performances, ainsi qu’aux essais de freinage, de motorisation et du pilote automatique.
C’est aussi ce deuxième appareil qui mènera les campagnes d’essais par temps froid, par temps chaud et depuis des plateformes situées en altitude. Ces deux avions sont à cet effet équipés d’une FTI lourde (Flight test installation). Par exemple, pour MSN59, la cabine dispose de cinq consoles pour les ingénieurs d’essais en vol, trois dédiées aux systèmes de l’appareil et deux pour les nouveaux Trent.
Christophe Cail a précisé que plus de 600 000 paramètres pouvaient ainsi être surveillés en temps réel, avec la possibilité d’agir directement sur certains d’entre eux et notamment sur les logiciels liés aux commandes de vol. L’appareil est par ailleurs équipé de plus de 3300 capteurs et sondes diverses. La cabine du premier A350-1000 dispose évidemment aussi d’une installation comprenant de nombreux réservoirs remplis de 10 tonnes d’un mélange d’eau et de glycol pour pouvoir faire évoluer le centrage de l’appareil de plus ou moins 10% en seulement quatre minutes. MSN59 pourra enfin être équipé ultérieurement d’une petite cabine de 51 sièges pour transporter des ingénieurs et mécaniciens spécialisés lors des campagnes d’essai effectuées hors base.
Enfin, MSN65 sera le seul des trois avions d’essai à être équipé d’un aménagement cabine biclasse complet d’environ 350 sièges, compte tenu de la présence des différentes consoles d’essais à bord. Il effectuera en effet les différents tests des systèmes en cabine (galleys, toilettes, IFEC, éclairage…) ainsi que ceux liés au conditionnement d’air, avant de participer aux premiers vols de longue durée et d’effectuer la traditionnelle campagne de vols d’endurance et d’évaluation en ligne (Route Proving).
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