Emirates a apporté un nouveau souffle au programme A380. Quelques heures après l’annonce de la nouvelle commande de la compagnie émiratie pour vingt Super Jumbo et seize options, Didier Evrard a profité de la tribune que lui offrait l’AJPAE lors de son assemblée générale à Nantes le 18 janvier pour s’exprimer notamment sur ce contrat et ses implications. Les grands messages qu’il a fait passer sont que le contrat éloigne la nécessité de réduire de nouveau les cadences de production de l’A380 (l’objectif reste d’atteindre huit avions par an à partir de 2019) mais qu’il ne l’annihile pas ni n’évite de poursuivre la réorganisation industrielle sur le programme.
Le directeur des Programmes d’Airbus Avions commerciaux a en effet déclaré : « grâce au contrat avec Emirates, nous ne sommes pas dans une situation où nous devons réduire davantage les cadences. » Pour le moment du moins. Lorsque le protocole d’accord sera finalisé, Emirates aura une soixantaine d’appareils restant à livrer au carnet de commandes de l’avionneur européen, auxquels s’ajoutent une cinquantaine de diverses compagnies et sociétés de leasing. Malgré des incertitudes sur certaines commandes – notamment chez les lessors -, Airbus estime la production assurée pour dix ans.
Un message positif envoyé aux clients potentiels
L’A380 a connu quelques semaines difficiles récemment, qui ont connu leur apogée lorsque Emirates a renoncé avec force mise en scène à signer une commande au salon de Dubaï en novembre dernier. La petite phrase glissée par John Leahy, le directeur des Ventes d’Airbus Avions commerciaux, le 15 janvier, a elle aussi agité le monde aéronautique : « si nous ne trouvons pas d’accord avec Emirates, je pense que nous n’aurons pas d’autre choix que celui de fermer le programme. »
Après avoir fait planer une telle menace sur l’avenir de l’A380, le message délivré par le protocole d’accord paraît d’autant plus positif. Alors que les questions sur la pérennité du programme étaient très lourdes, Airbus espère qu’il fera de nouveau pencher la balance vers la confiance. « Avec cette commande, nous espérons que le frein posé par le manque de confiance sera levé », reconnaît Didier Evrard. « Nous recommençons aujourd’hui avec de nouvelles données pour bâtir le succès et le contrat devrait procurer d’autres opportunités. »
Désormais, Emirates entre dans une phase de définition de la cabine. Didier Evrard indique que la compagnie n’adoptera pas la série d’améliorations proposées par l’A380 Plus dans sa globalité dans un souci d’homogénéité avec le reste de sa flotte. Elle devrait toutefois adopter certaines d’entre elles – comme Singapore Airlines a par exemple choisi d’installer de supprimer les rangements sur les parois pour accommoder sa nouvelle classe affaires.
La réorganisation industrielle reste une priorité sur le programme
« La commande d’Emirates donne l’assurance que l’avion a du succès. Il répond simplement à une demande qui n’est pas encore formulée : on n’a pas toujours le succès qu’on veut quand on le veut », estime Didier Evrard. « La congestion n’est pas arrivée aussi vite que prévu. Elle existe, à Londres, Pékin, Shanghaï, Dubaï… Emirates a basé son développement sur l’A380 ; s’ils ne l’avaient pas eu, ils auraient eu besoin d’un plus grand aéroport. Ils ne l’ont pas et ne l’auront pas avant plusieurs années. » Mais Emirates est peut-être la seule à avoir fait ce choix. « Jusqu’à présent les compagnies ont trouvé des solutions de contournement de ce problème de saturation et ont préféré le point à point avec des avions moins capacitaires. Et tant que les limites aéroportuaires et environnementales n’auront pas été atteintes, leur stratégie restera basée sur le point à point. L’A380 ne répond pas à cette stratégie. »
En attendant qu’elle s’impose d’elle-même et déclenche des ventes, Airbus a donc adapté ses processus industriels. C’est ce qui a permis à Fabrice Brégier, président d’Airbus Avions commerciaux, de confirmer le 15 janvier que l’avionneur était capable de maintenir une ligne de production « efficace, acceptable » (mais pas nécessairement rentable) à six appareils par mois. Didier Evrard précise que l’avionneur a considérablement fait évoluer son système de production « car nous avons vite vu que les cadences étaient irréalistes ». Ainsi, les surfaces dédiées à l’A380 ont été réduites, un certain nombre de postes ont été supprimés pour éviter les duplications, et chaque centre développe maintenant des multi compétences pour limiter les équipes.
« Cette commande montre que le programme a un avenir. » Une vision que l’avionneur espère désormais faire passer auprès des autres compagnies, notamment en Chine.