L’industrie aéronautique a encore deux ans à tenir, selon le GIFAS. A l’occasion de la présentation du bilan de ses sociétés membres, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales a fait le point sur l’évolution du chiffre d’affaires et de l’emploi dans la filière. Mais il a surtout exposé les problématiques qui vont se poser dans les deux années à venir, qui verront la transition entre une période de crise profonde et la reprise.
Comme il s’y attendait, le GIFAS a indiqué que les sociétés aéronautiques et spatiales membres ont enregistré une chute de 28% de leur chiffre d’affaires à périmètre constant, à 50,9 milliards d’euros. La baisse la plus importante concerne, sans surprise, l’aviation civile (-36% à 34,4 milliards d’euros). Le secteur spatial a lui aussi connu des difficultés et perd 25% de CA (3,2 milliards d’euros). Au contraire, les sociétés liées à l’industrie de défense se maintiennent et le chiffre d’affaires reste relativement stable avec une baisse de 3%, ceci grâce à la loi de programmation militaire, les ventes de Rafale à l’exportation et le maintien des livraisons d’hélicoptères. Les prises de commandes ont davantage pâti de la crise, avec un bilan global à 28,2 milliards d’euros, en chute de 53%.
En termes d’emploi, 2020 a été moins catastrophique que redouté, grâce au soutien fort et rapide de l’Etat. La mise en place du chômage partiel puis de l’activité partielle longue durée a permis de sauver 10% des emplois de la filière, selon le GIFAS. La mise en oeuvre de plans sociaux n’ayant pas pu être évitée, il estime tout de même que la filière a perdu environ 8 000 emplois en 2020, repassant sous la barre symbolique des 200 000, à 194 000 postes. « Pour la première fois depuis bien longtemps, il y a une baisse de notre activité et de nos effectifs », a regretté Eric Trappier, le président du GIFAS. Il détaille que les suppressions de postes ont été plus importantes au sein des PME (-12%) et des ETI (-7%) que dans les grands groupes (-2,7%).
Bien entendu, les recrutements ont été très limités en 2020, même si 6 700 ont pu être concrétisés (-65%). En revanche, « nous avons essayé de préserver l’alternance », souligne Eric Trappier, et 7 300 alternants ont été accueillis au sein des sociétés du secteur. Même si ce chiffre est en baisse de 21%, le GIFAS estime qu’il montre qu’un effort a été fait dans ce domaine. « Il est important que les jeunes puissent avoir leur chance dans le domaine aéronautique, où nous aurons besoin d’eux pour le futur. » La tendance au frein sur les embauches mais au maintien de l’apprentissage parmi les priorités demeurera la même en 2021.
Gérer la transition
Alors que les soutiens à la formation se maintiennent, que le cap vers l’aviation décarbonée a été défini et que des systèmes d’aide importants sont en place, le GIFAS se prépare à la période de transition qui s’annonce. Pour le moment, l’heure n’est pas au redressement. « La crise va se poursuivre. La supply chain a tenu le choc, les grands groupes aussi, mais il va encore falloir se battre pour rester stabilisés en 2021 et 2022 dans cette baisse d’activité et repartir en 2023. » C’est à cette date en effet que le GIFAS anticipe une forte reprise dans le secteur de la production de monocouloirs.
D’ici là, la filière va devoir continuer à faire le dos rond mais se préparer en même temps à raugmenter ses cadences de production avec des budgets fragilisés. « Il va falloir qu’on gère cette période de transition, pendant laquelle nos sociétés vont devoir commencer à rembourser les prêts garantis par l’Etat et poursuivre leurs investissements dans le cadre des modernisations qui avaient été lancées avant la crise et qui ont été renforcées pendant la crise avec les fonds mis en place. Tout cela va créer beaucoup de charges. Au moment de la reprise et la ré-augmentation des cadences, les besoins en fonds propres vont à nouveau se faire sentir », explique Eric Trappier. C’est à ce moment-là que les soutiens bancaires et les fonds mis en place dans le cadre du soutien à la filière aéronautique, notamment de fonds d’investissement d’un milliard d’euros (déjà opérationnel et doté de 750 millions d’euros), prendront tout leur sens.
La task force mise en place par Thales, Safran, Dassault et Airbus pour identifier les faiblesses de la chaîne d’approvisionnement a pour le moment identifié entre dix et quinze sociétés à risque. Mais pour le moment, les faiblesses sont partiellement camouflées par les aides d’Etat et la situation devrait devenir plus compliquée pour certaines dans les mois qui viennent, lorsqu’elles commenceront à se tarir. « Je crains plus les défaillances à venir que les défaillances passées, limitées grâce au soutien de l’Etat. Il faut bien prévoir cette période de transition avec l’Etat et comment nous allons petit à petit programmer la déconnexion [des aides, ndlr]. C’est un peu tôt car nous sommes encore dans le gros de la crise mais il faudra y travailler d’ici l’été », conclut Eric Trappier. Pour la suite, il estime que le soutien à la chaîne d’approvisionnement pourrait s’appuyer davantage « sur le fonds que nous avons mis en place et peut-être d’autres fonds qui se mettront en place » pour « éviter au maximum la disparition de certaines sociétés qui nous fragiliserait […] et soutenir la restructuration, voire regrouper un certain nombre de sociétés qui sont dans les mêmes domaines et les rendre plus fortes. »