Le 6 novembre à 14h35, le prototype de l’A330-800 se posait à Toulouse après un premier vol réussi. Si l’heure était donc à la fête dans les rangs d’Airbus, d’aucuns n’auront pas manqué de remarquer que le carnet de commandes de l’appareil n’est pas très garni. Une situation que le constructeur européen compte bien faire évoluer à la faveur du renouvellement des A330ceo.
Le décompte est rapide à faire. L’A330-800 compte une seule commande, passée mi-octobre par Kuwait Airways pour huit appareils. La compagnie nationale koweïtienne devrait ainsi être le client de lancement de l’appareil, avec une entrée en service prévue au second semestre 2019. Mis à part cela, l’avion ne compte qu’un protocole d’accord pour deux exemplaires auprès d’Uganda Airways, signé en juillet. En comparaison, l’A330-900 tout juste certifié compte 224 commandes fermes auprès de 14 clients.
Pourtant, selon Crawford Hamilton, directeur du marketing de l’A330, l’avion possède de nombreux avantages. Lors de la présentation qu’il a tenue à l’occasion de ce premier vol, il n’a pas hésité à vanter ses mérites. Pour lui, l’A330neo – et par extension l’A330-800 – combine les avancées technologiques de l’A350 avec la fiabilité et la maturité de l’A330ceo. De même, il note les 99 % de communalité entre l’A330-800 et l’A330-900. Il voit donc dans le nouvel appareil l’entrée de gamme idéale pour le marché des gros porteurs, à même de faire la liaison entre l’A321LR et les appareils plus grands et d’assurer des profits rapides aux compagnies.
Un marché de renouvellement
Pour remédier à cette situation, le directeur du marketing compte principalement sur le marché de remplacement des A330-200, livrés à un peu plus de 630 exemplaires et dont une trentaine reste à produire. Celui-ci devrait commencer à s’ouvrir dans les prochaines années, les premiers appareils étant entrés en service il y a tout juste vingt ans. Le mouvement devrait néanmoins rester progressif, la montée en cadence de l’A330 n’étant intervenue qu’au milieu des années 2000.
Reste à convaincre les opérateurs de faire la bascule, d’autant que l’A330-800 est estimé à 260 millions de dollars par appareil (prix catalogue), soit vingt de plus que l’A330-200. Crawford Hamilton ne manque pas d’arguments pour cela : nouveaux moteurs Trent 7000, nouvelle cabine Airspace by Airbus, nouvelle aérodynamique, etc. Autant d’avantages qui permettent au nouvel appareil d’emporter 10 passagers supplémentaires, sur 1 500 km de plus (dans la version qui sera dotée d’une masse maximale au décollage de 251 tonnes), pour une consommation par siège réduite de 25 % par rapport à son aîné. Et la communalité entre A330ceo et A330neo devrait faciliter la transition.
Dans le même ordre d’idée, l’A330-800 pourrait intéresser certains opérateurs de Boeing 767-300ER (produit à près de 600 exemplaires) souhaitant passer à la gamme supérieure. Un mouvement qui répondrait à la tendance générale actuelle. Ou à l’inverse, il pourrait séduire des compagnies qui exploitent les différentes versions du 777-200 (un peu moins de 600 appareils livrés) et voulant un avion un peu plus petit, notamment pour l’ouverture de nouvelles routes.
Kuwait Airways est l’unique client ferme de l’A330-800 à ce jour. © Airbus
La concurrence du 787
Pour conquérir ce marché, l’A330-800 va devoir rivaliser avec le Boeing 787-8, son plus proche compétiteur. Là encore, Crawford Hamilton n’est pas à court d’arguments. Il estime que l’A330-800 emporte entre 13 et 27 passagers de plus (en fonction de la configuration à huit ou neuf sièges de front) sur trois classes, sur 1 400 km de plus, avec une consommation par siège inférieure de 8 % et des coûts opérationnels par siège inférieurs de 6 % (sur un vol de l’ordre de 7 400 km).
Malgré cet argumentaire, le 787-8 possède des avantages certains. Lancé une quinzaine d’années après l’A330, il bénéficie d’une conception plus récente et plus légère. Crawford Hamilton le reconnaît lui-même, bien qu’il estime que cela soit largement compensé par les améliorations intégrées sur l’A330neo.
Paradoxalement, l’appareil de Boeing bénéficie aussi d’un effet inverse. Entré en service en 2011, le 787-8 a certes connu des débuts chaotiques, mais il est désormais bien installé sur le marché avec 443 appareils commandés et 357 déjà en service. Il est considéré comme un avion mature, ce qui n’est pas (encore) le cas de l’A330-800. Il affiche enfin un prix catalogue moins élevé, à 239 millions de dollars, même si celui-ci reste indicatif.
Encore un peu de patience
Comme beaucoup de nouveaux avions, l’A330-800 aura besoin de temps pour convaincre entièrement les clients potentiels – même si les délais sont généralement plus courts pour les appareils remotorisés. La campagne d’essais en vol qui s’ouvre pourrait leur offrir quelques certitudes sur les performances et la fiabilité de l’appareil. La certification obtenue en septembre et les débuts opérationnels imminents de l’A330-900 pourraient aussi jouer en sa faveur.
Son succès dépendra aussi de la capacité de Rolls-Royce à réussir la montée en cadence du Trent 7000, qui connaît actuellement des ratés avec des retards de livraisons.
Pour rappel, l’A330ceo avait ainsi dû attendre 1997, soit trois ans après l’entrée en service de l’A330-300, pour voir ses commandes commencer à décoller.