Pilatus est désormais officiellement un constructeur de jet. L’avionneur suisse a annoncé la double certification de type (TC) de son PC-24, le 7 décembre. Le précieux sésame a été attribué simultanément par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) et par l’Administration fédérale américaine de l’aviation (FAA). Le PC-24 se prépare désormais à entrer en service dès les prochaines semaines. Avec lui, Pilatus dispose désormais du premier appareil à réaction conçu en Suisse, mais aussi d’un produit atypique dans l’aviation d’affaires : un jet aussi bien destiné au transport de passagers qu’à celui du cargo.
Pilatus a commencé à travailler sur le projet dès le milieu des années 2000, mais les premiers échos sur le PC-24 ne datent que de 2011. Le constructeur a alors laissé progressivement filtrer des informations jusqu’au lancement officiel en 2013, lors du salon européen de l’aviation d’affaires EBACE. Si les observateurs sont alors au courant que l’avion sera le premier jet du constructeur suisse, celui-ci surprend par ses caractéristiques autant atypiques qu’éclectiques.
Un avion pas comme les autres
Comme tout avion d’affaires, il met en avant sa cabine (1,69 x 1,55 m) capable d’accueillir six à dix fauteuils, son avionique ACE de nouvelle génération ou encore la faible consommation de ses moteurs Williams FJ44-4A (qui datent néanmoins des années 1980). A côté de cela, il présente un train court et robuste pour des atterrissages sur des terrains sommaires, une porte-cargo (1,25 × 1,30 m) assez large pour charger une palette, un grand compartiment bagage et surtout la possibilité d’adopter une configuration de cabine entièrement dédiée au transport de fret.
Les performances du PC-24 vont de pair. Il présente une autonomie de 2 035 nm (3 770 km) et une vitesse de 440 noeuds (815 km/h) peu ou prou équivalentes à celles du Phenom 300 d’Embraer ou du Learjet 70 de bombardier, qui figurent parmi les références sur le marché des jets d’affaires légers. En revanche, le PC-24 revendique une vitesse de décrochage indiquée particulièrement basse de 81 noeuds (149 km/h). Il est ainsi capable de décoller en 856 m et de se poser en 718 m. Sur ces points, il ne souffre d’aucune comparaison même si le Phenom 300 n’est pas loin de rivaliser.
Une capacité multi-missions
Présenté comme un avion d’affaires, le PC-24 s’apparente ainsi davantage à un avion de services et de missions. Un secteur qui était jusque-là l’apanage des turbopropulseurs comme son cousin le PC-12. S’il peut faire du transport de passagers dans un environnement luxueux, il est optimisé pour desservir des lieux isolés pour du fret ou des missions de type « flying doctor » et EVASAN. Il est par ailleurs certifié pour des opérations avec un seul pilote. Pour le président de l’avionneur suisse : « C’est du pur Pilatus, et typique des qualités qui nous distinguent. »
Ce nouveau marché du jet créé par Pilatus a visiblement séduit. Le PC-24 a rapidement connu des succès commerciaux avec 84 commandes annoncées dès mai 2014. Parmi les clients, on peut noter l’opérateur émirati Falcon Aviation Services, la société australienne Royal Flying Doctor Service ou Peter Brabeck, président du directoire de Nestlé. Ce chiffre de 84 n’a à priori pas bougé depuis, mais cette double certification pourrait débloquer le compteur.
Le PC-24 se distingue par son train trapu et sa large porte-cargo. © Pilatus
Un chantier lourd pour Pilatus
Les caractéristiques spécifiques de l’avion et l’inexpérience de Pilatus ont nécessité un important travail en vue de la certification, comme le précise Oscar J. Schwenk : « Naturellement, les exigences associées à l’obtention de la certification pour ce type d’aéronef sont extrêmement rigoureuses, et je n’ai guère besoin de mentionner que nous avons dû relever de grands défis. »
Si le premier prototype est sorti d’usine (« rollout ») dès août 2014, le premier vol n’a eu lieu qu’en mai 2015. Deux autres appareils ont rejoint progressivement les essais, pour un total de 2 205 heures de vol réalisées. Le constructeur affirme avoir poussé l’avion dans ses retranchements pour garantir sa sécurité et sa fiabilité dans des conditions d’opérations extrêmement contraintes ou difficiles.
Prêt pour le service
Malgré l’ampleur de la tâche, Pilatus a à peu près maîtrisé son calendrier. Lors du lancement du PC-24, la certification était prévue pour début 2017. Cet échéancier a néanmoins été révisé dès le rollout, avec l’annonce d’une homologation au cours de l’année 2017, avec des livraisons immédiatement après.
Le premier avion sera remis avant la fin de l’année à la société de propriété partagée américaine PlaneSense. L’événement se déroulera au siège de Pilatus à Stans, en Suisse. L’avion s’envolera ensuite pour les Etats-Unis en janvier 2018, où se déroulera la livraison officielle. D’autres devraient suivre rapidement, 23 avions devant être réceptionnés par des clients en 2018.
Pour l’instant, huit appareils sont en cours d’assemblage à Stans. La mise en place des moyens de production du PC-24 a demandé un effort conséquent. Pilatus a ainsi investi près de 130 MEUR pour les bâtiments, l’outillage et les machines de sa nouvelle ligne d’assemblage. Il faut y ajouter le financement d’un nouveau centre de complétion et de soutien aux Etats-Unis. Ces coûts viennent s’ajouter aux 427 MEUR d’investissements déjà consentis pour le développement du programme.