Au cours de la présentation de son bilan annuel en termes de commandes et de livraisons, Airbus a dépeint un avenir plutôt sombre à l’A380. Bien que l’avionneur reste convaincu que l’A380 est voué à devenir indispensable dans les plus grands hubs mondiaux en raison de la saturation actuelle ou à venir des capacités aéroportuaires, l’absence de commande commence à sérieusement remettre en question la pérennité du programme. Fabrice Brégier, le président d’Airbus Avions commerciaux, a de nouveau confirmé la réduction des cadences du programme mais John Leahy, le directeur des Ventes, a été plus direct : « sans commande, nous serons obligés d’abandonner le programme ». Une mise en garde dirigée vers Emirates.
Car si cette phrase semble une évidence, elle sonne plus terriblement lorsqu’elle est remise dans son contexte : « très honnêtement, ils sont certainement les seuls sur le marché à être capables de mettre en service au moins six avions par an sur une période de huit à dix ans. Et nous pouvons vendre quelques avions en plus. Mais si nous ne trouvons pas d’accord avec Emirates, je pense que nous n’aurons pas d’autre choix que celui de fermer le programme. » Airbus reconnaît ainsi que le cheikh Ahmed bin Saeed Al Maktoum, président du groupe, tient l’avenir du programme entre ses mains.
Fabrice Brégier et John Leahy ont toutefois tenu à rassurer : les négociations sont toujours en cours avec la compagnie émiratie et ils sont confiants en la capacité des deux parties de parvenir à un accord.
En attendant, les cadences vont continuer de baisser. Après quinze A380 livrés en 2017, le nombre de livraisons devrait tomber à douze en 2018 puis neuf en 2019. « Nous avons préparé la baisse de cadences et je peux confirmer aujourd’hui que nous avons un processus industriel robuste nous permettant de descendre la production à six avions par an » sans peser trop lourdement sur la rentabilité de l’avionneur, a indiqué Fabrice Brégier. L’objectif est d’étendre la durée de vie du programme afin non seulement de répondre aux demandes d’Emirates – qui demande une preuve de pérennité avant de s’engager – mais aussi de tenir jusqu’à la vague de remplacement des A380. En 2017, le carnet de commande de l’appareil s’est allégé de dix-sept appareils – les quinze livraisons et deux annulations.
Quant à un potentiel partenariat industriel avec la Chine sur le programme, Fabrice Brégier le juge « prématuré ». Les Chinois « savent que nous sommes ouverts à une coopération industrielle, par exemple sur l’A380, mais notre challenge est plutôt commercial. Nous devons convaincre les compagnies qu’elles peuvent augmenter leurs parts de marché et leur image en achetant l’A380 et en l’opérant depuis les grands hubs chinois. Le marché chinois sera le plus gros au monde et je crois que le plus gros marché mérite le plus gros avion », a-t-il conclu.