Les attentes étaient nombreuses autour du rapport préliminaire d’enquête sur l’accident du Boeing 737 MAX d’Ethiopian Airlines. Sa publication le 4 avril par le Bureau d’enquête sur les accidents d’avion (AIB) éthiopien a permis de retracer le déroulé du 10 mars et d’avancer de premières constatations. La plus significative semble être le respect par l’équipage de la procédure édictée par Boeing en cas d’emballement du stabilisateur, l’avion ayant subi quatre actions à piquer automatiques dans un contexte de décalage important entre les données d’angle d’attaque (AOA) fournies par les deux sondes d’incidences.
Après avoir établi que l’appareil possédait un certificat de navigabilité valide et que l’équipage détenait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, le rapport indique que le décollage s’est déroulé dans des conditions apparemment normales et que les valeurs des sondes d’incidences étaient alors cohérentes.
Le décalage entre les informations fournies par chacune d’elles est apparu moins d’une minute après. La valeur de la sonde gauche a diminué à 11,1° avant d’augmenter à 35,7°, tandis que la valeur de la sonde droite indiquait 14,94°. L’écart s’est ensuite accentué, avec 74,5° à gauche contre 15,3° à droite. Cette incohérence a entraîné le déclenchement du « vibreur » de manche, qui alerte les pilotes d’un risque de décrochage. Celui-ci est resté actif jusqu’à la fin.
Le pilote automatique a été engagé un peu plus d’une minute après le décollage, à une altitude de 1 000 pieds (300 m), bien que deux alarmes aient été enregistrées par les boîtes noires. Le rapport indique qu’il y a alors eu des oscillations de roulis de faible amplitude accompagnées d’une accélération latérale, d’oscillations de la gouverne de direction et de légers changements de cap. Une vingtaine de secondes après, l’équipage a aussi enclenché la rentrée complète des volets.
Actions automatiques
Les oscillations se sont poursuivies après le désengagement du pilote automatique au bout de 33 secondes de fonctionnement. C’est à partir de ce moment que l’enregistreur de données de vol numérique (DFDR) a enregistré par quatre fois une commande automatique de compensation à piquer (aircraft nose down – AND) sans intervention des pilotes, ce qui a entraîné trois actionnements du stabilisateur. Elles se sont déroulées en un peu plus de trois minutes, entraînant l’arrêt de la phase de montée, puis la descente de l’appareil.
Ces quatre commandes sont a priori dues à l’activation du système MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) au centre des attentions depuis le début de l’enquête, comme l’a lui-même signifié Dennis Muilenburg, PDG de Boeing : « Aujourd’hui, avec la publication du rapport d’enquête préliminaire concernant l’accident du vol 302 d’Ethiopian Airlines, il apparaît de façon évidente que dans les deux vols (avec vol du Lion Air 610, NDLR), le système de contrôle automatisé de l’assiette MCAS s’est activé en réponse aux informations erronées transmises par les sondes d’incidence. »
L’enregistreur de vol indique que l’équipage a tenté de les contrer à l’aide des commandes de compensateur manuelles et électriques. Surtout le rapport établit que les pilotes ont a appliqué la checklist en cas d’emballement du stabilisateur, avec la mise en position de déconnexion des interrupteurs du compensateur de stabilisateur et la confirmation que les actions manuelles sur le compensateur ne fonctionnaient pas (où tout du moins que la force exercée par l’équipage sur les roues du trim n’était pas suffisante).
Correctif à venir
Boeing a d’ailleurs rappelé qu’il travaillait actuellement à ce que l’activation involontaire du MCAS ne se reproduise plus, avec une mise à jour logicielle qui doit aussi garantir que les pilotes aient toujours la possibilité de neutraliser le système et de reprendre manuellement le contrôle de l’avion. Le constructeur indique aussi qu’un programme d’instruction complet et une formation supplémentaire seraient mis en place pour les pilotes de 737 MAX.
Ces modifications du système devront être approuvées par l’Administration fédérale américaine de l’aviation (FAA) – qui a déjà rejeté un correctif intermédiaire – avant de pouvoir être appliquées opérationnellement. En attendant, la flotte de 737 MAX devrait rester clouée au sol, avec tout ce que cela implique pour Boeing et les compagnies aériennes concernées.