Avec toute la famille A320neo dans les deux motorisations – à une exception près – les deux versions de l’A350, les deux de l’A330neo ou encore le BelugaXL, les équipes de développement d’Airbus ont eu du pain sur la planche depuis 2013. Alors que l’A330-900 entre en service, les avions encore à certifier se comptent sur les doigts d’une main et aucun nouveau programme n’est prévu à court terme, si ce n’est des évolutions d’avions existants. Cette situation n’inquiète pourtant pas outre-mesure Patrick du Ché, directeur des essais en vol d’Airbus, dont l’activité est pourtant étroitement liée au développement de nouveaux avions.
Premiers vols
Patrick du Ché signale avant tout la prouesse d’avoir réussi trois premiers vols en moins d’un an : l’A321LR en janvier, le BelugaXL en juillet et l’A330-800 en novembre. On peut aussi y ajouter l’A330-900 en octobre 2017. Si les A330-900 et A321LR sont désormais certifiés, le BelugaXL est au milieu de son programme d’essais, qui prévoyait 600 heures de vol sur dix mois, et l’A330-900 entame à peine le sien (300 heures d’ici mi-2019). Il reste donc du travail aux équipes d’essais en vol.
Et le directeur des essais rappelle qu’il reste encore un avion à faire voler l’an prochain. L’A319neo motorisé par le PW1100G de Pratt & Whitney, dernier modèle de la famille A320neo, doit en effet prendre son envol en 2019. Initialement programmé pour décoller avant la version LEAP (qui a pris les airs en mars 2017), il a été retardé par les problèmes rencontrés par le motoriste américain. De manière plus générale, les deux variantes de l’A319neo ont souffert du peu d’intérêt des compagnies aériennes, avec seulement 53 commandes. D’où de nombreux glissements au niveau du calendrier et aucune certification obtenue à ce jour. La fin du développement de programmes jugés prioritaires devrait permettre à Airbus de réaffecter des ressources à ces deux avions.
Après cela, le prochain développement en vue pourrait être celui d’une nouvelle variante de l’A321neo, à savoir l’A321XLR. Cette version « ultra long range » pourrait être lancée l’an prochain si Boeing concrétise enfin son projet NMA, l’objectif étant de couper l’herbe sous le pied du constructeur américain. Airbus réfléchit aussi à un A350neo et à un nouvel appareil monocouloir. Il faudrait néanmoins attendre encore plusieurs années avant de voir ces avions voler, probablement à l’horizon 2025.
L’A319neo équipé de moteurs LEAP a volé en mars 2017, mais reste à certifier, tandis que la version PW1100G attend toujours de s’envoler. © Airbus
Amélioration continue
Même après la fin de la série de développements en cours, Patrick du Ché estime que le niveau d’activité des équipes d’essais en vol va rester élevé : « Nous sommes en permanence en train d’améliorer les produits ». Il insiste ainsi sur les efforts continus faits par Airbus pour gagner du poids, optimiser les commandes de vols ou d’explorer les pistes d’amélioration avec les motoristes.
Qu’elles soient logicielles, avec de nouvelles capacités avioniques, ou matérielles, avec la possibilité d’intégrer des freins électriques sur certains modèles, ces évolutions vont nécessiter des essais en vol pour être validées. Patrick du Ché rappelle d’ailleurs qu’Airbus avait cumulé plus de 200 heures d’essais en vol sur A320 avant même le lancement de la version neo.
De même, il estime que les progrès faits avec les nouveaux modèles pourraient être exportés vers des appareils plus anciens. Il cite ainsi la possibilité d’adapter les nouvelles commandes de vol développées pour l’A330neo à l’A330ceo. De l’autre côté du spectre, il promeut aussi la participation à des activités de recherche amont pour développer des innovations de rupture, comme c’est le cas avec le démonstrateur A340 BLADE (Breakthrough Laminar Aircraft Demonstrator in Europe).
Nouveaux outils
Le directeur des essais en vol explique aussi qu’une partie de l’activité jusqu’ici dédiée au développement pourra être reportée vers la production, notamment à l’aune de la transformation digitale actuelle : « Notre monde évolue et nous devons nous adapter. C’est hyper intéressant ». A commencer par l’utilisation des données de maintenance pour trouver des pistes d’amélioration de la fiabilité des avions en service : « L’objectif est de tendre vers une disponibilité opérationnelle de 100% ». Une partie de ces recherches pourraient là-aussi demander des validations en vol.
Patrick du Ché conclue donc : « Nous aurons toujours besoin des essais en vol. Guillaume Faury en est convaincu. Nous avons encore plein de choses à faire ». Quoi qu’il en soit, des adaptations seront peut-être nécessaires pour adapter la capacité des équipes d’essais en vol dans une période qui sera tout de même un peu plus creuse que les dernières années, sans pour autant hypothéquer une future remontée en puissance.