L’équilibre des forces sur lequel repose la dissuasion nucléaire se fissure peu à peu. L’Agence américaine de défense antimissile (MDA) vient de réussir pour la première fois l’interception et la destruction d’un missile balistique intercontinental, lors d’un essai réalisé le 30 mai. Elle a été réalisée par le système Ground-based midcourse defense (GMD). Jusqu’ici, la MDA n’avait réussi à intercepter que des engins balistiques de moindre portée.
Le vice-amiral Jim Syring, directeur de la MDA, s’est félicité de ce premier succès : « Ce système est vital pour la défense de notre pays, et ce test démontre que nous avons un moyen de dissuasion capable et crédible contre une menace très réelle. » En effet, un missile balistique intercontinental représente typiquement le genre de menaces que des pays comme la Corée du Nord ou l’Iran cherchent à développer, selon la MDA.
Lors de ce test, répertorié comme Flight Test Ground-Based Interceptor-15 (FTG-15), la menace était constituée par un missile intercontinental tiré depuis le site d’essais Reagan, situé dans les Îles Marshall à 7 500 km des côtes américaines. La détection et le suivi de la cible ont été assurés par le système Command and control, battle management, and communications (C2BMC). Il s’est notamment appuyé sur plusieurs capteurs, dont les radars de surveillance AN/TPY-2 de l’équipementier américain Raytheon, lors de la phase de lancement puis d’ascension du missile.
Le relais a ensuite été pris par l’impressionnant radar Sea-based X-band, plus gros radar en bande X du monde installé sur une plateforme flottante. Développé par Raytheon avec Boeing (maître d’oeuvre de l’ensemble du système GMD), cet ensemble de 76 m de haut et déplaçant plus de 50 000 tonnes, avait été positionné dans l’océan Pacifique pour cet essai. La MDA n’a pas précisé si elle avait utilisé des moyens satellitaires, à savoir la constellation de deux satellites Space tracking and surveillance system-Demonstrators (STSS-D).
L’EKV est en charge de l’interception du missile balistique intercontinental © Raytheon
Interception spatiale
A partir de ces données, le GMD fire control (GFC) a programmé le tir d’un missile Ground-based interceptor pour neutraliser la menace. Celui-ci a été lancé depuis la base de l’US Air Force de Vandenberg en Californie (l’autre site de lancement se trouve à Fort Greely en Alaska). Ce missile est constitué d’un corps multiétages à propergol solide, baptisé Orbital Boost Vehicle (qui volait pour la première fois dans sa version C2) et développé par Orbital Sciences Corporation. Il a pour but de placer sa charge utile, l’Exoatmospheric kill vehicle (EKV), à un point précis de l’exosphère (au-delà de 500 km d’altitude).
C’est ensuite à l’EKV d’assurer l’interception. Développé par Raytheon, il s’agit d’un véhicule propulsé qui va venir se placer directement sur la trajectoire du missile balistique. Il est pour cela guidé par les informations envoyées depuis le sol par le GFC ainsi que par ses propres capteurs. L’EKV ne dispose pas de charge explosive. La destruction se fera donc par collision avec le missile, alors que celui-ci se trouve encore en phase de croisière.
De nouvelles générations de l’EKV sont actuellement en développement, notamment avec une capacité d’interceptions multiples. Le futur Multi-object kill vehicle (MOKV) devra ainsi pouvoir détruire jusqu’à quatre missiles différents.
Malgré plusieurs échecs lors de précédentes tentatives, la réussite du FTG-15 conforte la MDA dans sa volonté d’accroître le déploiement du système GMD. Norm Tew, vice-président et directeur du programme GMD chez Boeing, annonce ainsi que : « cet essai concluant maintient les Etats-Unis sur la bonne voie pour une augmentation significative de leur inventaire à 44 intercepteurs en 2017. » La MDA en dispose aujourd’hui de 36.