Tout commença avec une hélice. Une hélice développée à titre privé pour améliorer le rendement de l’avion d’observation militaire Caudron G3. Une hélice qui affichera de telles performances que l’armée française y aura recours durant la Première guerre mondiale pour développer son aviation.
Marcel Bloch a 21 ans en 1913 lorsqu’il ressort de l’école supérieure d’aéronautique et de construction mécanique (la future Supaéro) avec un diplôme d’ingénieur en poche et est incorporé dans un régiment d’aviation du Génie. Détaché au laboratoire de recherches aéronautiques de Chalais-Meudon en 1914, il est chargé de coordonner les plans du Caudron G.3 après que la guerre éclate. Il y apporte des modifications, notamment en écoutant les retours des pilotes, une attitude qu’il conservera tout le reste de sa carrière.
En parallèle, il constate que le rendement de l’hélice de l’avion de reconnaissance est insatisfaisant et décide de l’améliorer. Il conçoit sa propre hélice dans l’atelier d’un fabricant de meubles du faubourg Saint-Antoine, Hirch Minckès, le père d’un ami et son futur beau-père, et supervise personnellement sa fabrication : « je fis le dessin de mon hélice, je traçai les différentes sections, ce qui permit à l’ouvrier de réaliser des gabarits. Je restai à côté de lui pendant qu’il rabotait son hélice, de façon à conduire sa main vers des lignes harmonieuses. »
L’hélice, en bois de noyer, est reconnue supérieure à toutes les autres lorsqu’elle est présentée au centre d’essais du service technique de l’aéronautique à Villacoublay. Elle est commandée à 50 exemplaires par l’armée française en novembre 1915 et baptisée « Eclair ».
La bataille de Verdun, première bataille de l’histoire pour la supériorité aérienne
Quelques semaines avant son offensive terrestre à Verdun, l’armée allemande a recours à son aviation pour des missions de reconnaissance et d’observation, destinées à s’assurer que l’armée française ne se doutait pas de ce qui se préparait. Au lancement de la bataille, le camp allemand aligne près de 280 appareils face aux quelque 70 avions français. L’aviation française est débordée (avions et ballons d’observation) et ses terrains d’atterrissage sont bombardés, la mettant hors jeu et laissant l’infanterie dépourvue d’informations.
Le Général Pétain, conscient de son impuissance, donne carte blanche au commandant Tricornot de Rose pour redresser la situation : « Rose, balayez-moi le ciel ! Je suis aveugle ! », lui lance-t-il en février 2016. Celui-ci réussit à regrouper six escadrilles de chasse opérationnelles en deux semaines.
Derrière le front, ce recours nouveau à l’aviation a des conséquences pour l’hélice Eclair puisque les commandes d’avions se multiplient. Avec le soutien de son ami Henry Potez, Marcel Bloch augmente sa production et le faubourg Saint-Antoine voit se multiplier les ateliers de fabrication de l’hélice, qui équipe donc le Caudron G.3 mais aussi le Nieuport 12 (avec l’hélice Eclair de type 2), le Caudron G.4 (type 3), le Farman 40 (type 5), les Sopwith britanniques et surtout le chasseur SPAD VII, notamment utilisé par Georges Guynemer.
Ainsi, plus de 4 000 exemplaires de l’hélice Eclair sont commandés en 1916. La marque, elle, est déposée le 19 juin de cette même année. En 1917, Marcel Bloch est le quatrième producteur d’hélices lorsque l’Etat décide de réorganiser la production en France et de ne plus laisser le choix qu’entre trois types par appareil. L’hélice Eclair, disponible en 155 séries d’une longueur de 2,35 à 3.02 mètres, est sélectionnée sur une dizaine de types d’avions.
Georges Guynemer devant un Spad VII équipé d’une hélice Éclair © Service Historique de la Défense