Le couperet est tombé dans le conflit qui oppose Boeing à Airbus depuis quinze ans. Le 2 octobre, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a donné son blanc-seing aux États-Unis pour taxer les importations de biens européens à hauteur de 7,5 milliards de dollars par an. Une arme dont pourrait se servir allégrement l’administration Trump, qui n’hésite pas à utiliser le protectionnisme pour servir sa politique commerciale. Pour autant, l’OMC pourrait bientôt autoriser l’Union européenne à faire de même. Airbus appelle à la détente et Boeing n’a pas encore réagi.
Cette décision fait suite à une action menée par les États-Unis auprès de l’OMC en 2004, pour dénoncer des aides au lancement et des subventions accordées par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne à Airbus pour les programmes A380, puis A350. L’OMC a jugé que cela avait entraîné une distorsion de concurrence avec « cinq pertes de ventes ainsi qu’une entrave sur six marchés géographiques » entre 2011 et 2013 pour Boeing.
C’est donc à l’issue d’une longue procédure, avec plusieurs arbitrages et deux tentatives de mise en conformité, que l’OMC a accordé la possibilité aux États-Unis d’établir des « contre-mesures proportionnelles » au préjudice subi à l’encontre de l’Union européenne et de certains de ses États-Membres. A ce titre, les États-Unis pourront s’affranchir de certaines obligations issues de précédents accords, dont l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT de 1994) et l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), et mettre en place des tarifs douaniers – possiblement prohibitifs – sur certains produits importés d’Europe. Le montant total de ces contre-mesures est limité à 7,496 milliards de dollars par an, alors que les États-Unis avaient demandé d’aller jusqu’à 11,2 milliards de dollars.
Les produits aéronautiques, cibles prioritaires
Le Bureau du représentant américain au commerce (USTR) a publié dès avril dernier une liste préliminaire des biens qui pourraient être touchés par ces mesures. Cela concerne plusieurs produits de grande consommation, mais aussi aéronautiques. La liste mentionne les appareils commerciaux neufs (hélicoptères avec une masse à vide comprise entre 1 et 2 tonnes, avions de plus de 15 tonnes), mais aussi certains sous-ensembles (fuselages, voilures, etc.), ce qui pourrait directement pénaliser la chaîne d’assemblage final (FAL) d’A320neo d’Airbus à Mobile, en Alabama. Ces droits de douane pourraient aller jusqu’à 100% de la valeur du bien importé.
Il reste néanmoins une carte à l’Europe pour retrouver un certain équilibre face aux États-Unis. L’Union européenne a également porté plainte auprès de l’OMC pour dénoncer des subventions fédérales et locales américaines au profit de Boeing, notamment pour les programmes 787 et 777X. Elle pourrait donc se voir elle aussi autorisée à taxer les produits américains à titre de compensation d’ici quelques mois. Reste à savoir à quelle hauteur, et donc si cela suffira à rétablir l’équilibre et à ouvrir la voie à un règlement du conflit ou alors à renforcer la guerre commerciale naissante. La balle est désormais dans le camp des gouvernants.