Il ne faut pas se le cacher, l’aviation d’affaires ne brille plus par son dynamisme depuis quelques années. Largement échaudé en 2008 et en 2011, le secteur est balloté depuis entre fragilité économique et prudence renforcée. Cette faiblesse se traduit par un manque criant de nouveaux programmes, d’où une certaine morosité lors des salons dédiés à l’aviation d’affaires – NBAA et Ebace en tête. L’ouverture de la convention américaine 2019 de la NBAA, le 22 octobre à Las Vegas, pourrait néanmoins apporter un léger vent de fraîcheur. Certains constructeurs semblent en effet prêts à enfin sortir de leur coquille, en particulier sur le segment haut de gamme avec Gulfstream et peut-être Dassault Aviation.
Après des années de gestation, Gulfstream est donc bien décidé à créer la sensation à Las Vegas, avant même l’ouverture du salon. Le constructeur américain a en effet convié la presse le 21 octobre sur l’aéroport exécutif d’Henderson, où se situe l’exposition statique de la convention, pour « la plus grosse annonce dans l’aviation d’affaires » avec comme slogan « L’Histoire est faite par ceux qui osent ». Il n’en faut pas plus aux observateurs pour y voir le lancement du nouveau G700, nouvel appareil très haut de gamme à large cabine et longue endurance. D’autant qu’avec les entrées en service des G500 et G600, Gulfstream n’a plus de programme officiellement en cours de développement.
Comme son nom l’indique – si celui-ci est confirmé dans quelques heures – ce nouvel appareil devrait se positionner au-dessus des G650 et G650ER dans la gamme de Gulfstream, qui ont dominé les cieux pendant plusieurs années grâce à leur allonge, leur vitesse et leur confort. Il constituerait ainsi la réponse du constructeur de Savannah (Géorgie) au Global 7500 de Bombardier, entré en service en fin d’année dernière. L’avion canadien est en effet venu déloger les G650 et G650ER de leur piédestal avec son rayon d’action de 7 700 nm (14 260 km) et sa cabine de 16,6 m de long. Il y a donc fort à parier que le G700 tente de mettre la barre encore plus haut.
Bombardier veut faire du Global 7500 la nouvelle référence du très haut de gamme. © Bombardier
Contre-attaque française
Un duel au sommet auquel entend bien se mêler rapidement Dassault Aviation. Depuis la NBAA 2017, Eric Trappier, PDG de l’avionneur français, déclare régulièrement que ses bureaux d’études planchent sur un « Falcon Futur », sans pour autant livrer plus d’informations. Il n’a ainsi laissé filtré que deux éléments : l’avion s’inscrit totalement dans la stratégie de transformation numérique de sa société et il affichera un nouveau type d’autonomie.
Dans les faits, le Falcon Futur sera bâti autour d’une maquette numérique unique qui intègre tous les aspects de la vie du futur programme – économiques, industriels, technologiques, etc. – depuis la conception jusqu’à la maintenance. Une performance rendue possible par la mise en place de la plateforme 3DExperience de Dassault Systèmes dans toutes les divisions du constructeur, achevée cet été, en attendant son déploiement chez une trentaine de sous-traitants.
En termes de performances, le Falcon Futur devrait donc aller bien au-delà des 6 450 nm du Falcon 8X, la référence actuelle chez Dassault Aviation. Le constructeur devrait aussi s’appuyer sur les progrès réalisés avec la cabine des Falcon 5X et 6X, dont la hauteur et la largeur dépassent les standards établis par Gulfstream et Bombardier. Reste à en connaître la longueur, mais selon nos informations le Falcon Futur dépasserait les 13 m du Falcon 8X pour se porter à hauteur de ses concurrents nord-américains. Dassault Aviation va attendre 2020 pour dévoiler son jeu – à Ebace en mai ou la NBAA en octobre – afin d’avancer en priorité sur le développement du Falcon 6X (premier vol en 2021), mais il est plus que probable qu’il joue alors la carte « Falcon 9X ».
Le Falcon Futur ira plus loin que l’actuel Falcon 8X. © Dassault Aviation / A. Pecchi
Point trop n’en faut
Le salon devrait être plus calme sur les segments inférieurs. La principale attente vient de Cessna (groupe Textron Aviation). L’avionneur américain, qui a mené jusqu’à cinq programmes en parallèle il y a quelques années, n’a plus d’avion en développement depuis la suspension de l’Hemisphere en juillet et la certification du Longitude en septembre. Il est peut-être encore un peu tôt, mais un nouveau Citation ne devrait pas tarder à être lancé. Enfin, Embraer pourra toujours créer la surprise avec un appareil pour combler le trou dans sa gamme entre le Lineage 1000 et les Legacy 600/650, ou pour remplacer ces derniers, mais cela ressemble à une chimère depuis quelques années déjà.
Tous ces projets, aussi ambitieux qu’ils soient, restent soumis à la réalité du marché. Le secteur a certes regagné quelques couleurs, mais semble près à vaciller au moindre ralentissement de l’économie mondiale – dont les signes avant-coureurs ne manquent pas actuellement (tensions commerciales entre les Etats-Unis, l’Europe et la Chine, prévisions de croissance revues à la baisse par le FMI, Brexit, etc.). De quoi inciter les constructeurs à garder certains programmes au chaud pour quelques temps encore.