Quelques jours après Boeing, c’était au tour d’Airbus de présenter ses résultats de commandes et de livraisons 2017, le 15 janvier. Après avoir souhaité une bonne année à tout le monde et rappelé combien l’an passé avait été un « challenge » sur plusieurs programmes, Fabrice Brégier, directeur général délégué d’Airbus et président d’Airbus Avions commerciaux, a déclaré que « seul le résultat compt[ait] ». Et sur ce point, Airbus peut se réjouir avec un nouveau record de production. Le constructeur européen a signé un record de livraisons avec 718 avions en 2017. Le résultat est moins flamboyant sur le plan des ventes, mais avec 1 109 commandes nettes il est plus qu’honorable. Dans la guerre commerciale que se livrent Airbus et Boeing, les lauriers sont donc partagés : Boeing conserve la première place en termes de livraisons, mais Airbus le supplante dans les commandes.
Match nul avec Boeing
Avec 718 avions livrés à 88 clients, Airbus signe une augmentation de 4 % de sa production par rapport à 2016 (688 appareils). Fabrice Brégier qualifie cette performance de « très bon résultat » et fait remarquer qu’il s’agit de la 15e année de hausse consécutive. Il précise aussi qu’en 2012, Airbus ne livrait que 588 avions, soit une hausse de 22 % au cours des cinq derniers exercices. Pour sa dernière présentation, John Leahy, directeur des ventes du constructeur européen, fait aussi remarquer que cette progression est constante chaque année, loin des « hauts et des bas » de Boeing. Cela ne suffit néanmoins pas pour déloger le constructeur américain de la première place mondiale avec ses 763 livraisons en 2017 (+2 %). L’écart tend néanmoins à se réduire, comme le fait remarquer John Leahy.
Sur les commandes, les résultats détaillés font état de 1 229 ventes brutes à 44 clients, pour un montant de 154 milliards de dollars selon les prix catalogue. C’est près de 30 % de plus qu’en 2016. Il faut en retrancher 120 annulations pour obtenir le total de 1 109 commandes nettes sur l’année, pour un montant de 137,7 milliards de dollars. Airbus est donc loin de ses années les plus fastes et de son record de 2014 (près de 1 800 commandes brutes), mais signe une belle année. Surtout, il est loin devant les 912 commandes nettes de Boeing. L’avionneur américain est ainsi battu pour la cinquième année consécutive. Il a néanmoins vendu plus d’avions long-courrier et la différence en termes de revenus potentiels (calculés selon les prix catalogue) n’est que de trois milliards de dollars.
Enfin, Airbus affiche une réserve de commandes (« backlog ») record. Il s’est accru de 6 % par rapport à fin 2016, pour atteindre 7 265 appareils au 31 décembre 2017. En termes financiers, il représente un chiffre d’affaires potentiel de plus de 1 000 milliards de dollars. Il bénéficie notamment d’un ratio commandes nettes/livraisons moyen de 1,5, « énorme » comme le qualifie John Leahy. En face, Boeing doit se contenter d’un backlog de 4 688 appareils.
Airbus doit beaucoup à l’A320
Dans le détail, les monocouloirs restent le fer de lance des avions commerciaux. Fabrice Brégier déclare ainsi que l’ambition a été revue à la hausse au cours de l’année pour atteindre 558 livraisons. La famille A320ceo reste le principal artisan de ce record, avec 407 exemplaires produits. Le patron des Avions commerciaux a d’ailleurs salué sa performance, qui a permis de livrer treize appareils de plus qu’en 2016. L’objectif est d’atteindre les 60 appareils (neo et ceo) produits par mois d’ici mi-2019.
Les A320/321neo montent tout de même en puissance, avec 181 livraisons, malgré des difficultés ressenties jusqu’en novembre. Sur ce total, 108 étaient équipés du LEAP-1A de CFM International et 73 du PW110G-JM de Pratt & Whitney. Airbus triple ainsi quasiment sa production d’A320/321neo par rapport à 2016 (68 avions), mais manque son objectif de 200 livraisons, défini début 2017. Fabrice Brégier note ainsi les difficultés des motoristes à suivre le rythme imposé par Airbus. S’il déclare les comprendre au vu du nombre de nouvelles technologies des PW1100G-JM et des LEAP-1A, cela ne l’empêche pas d’ajouter que « nous affrontons la réalité, notamment avec Pratt & Whitney. Nous avons des clients mécontents du manque de moteurs de rechange, et nous avons donc volontairement diminué la production de neo. »
Pour les ventes, la famille A320ceo continue de se vendre avec 161 commandes brutes (128 nettes), mais le neo est loin devant. Le moyen-courrier remotorisé a manqué d’une unité la barre des 1 000 ventes brutes. Si l’on retranche les annulations, il atteint les 926 commandes nettes. Airbus s’adjuge ainsi 59 % du marché des moyens-courriers, devant les 745 commandes nettes (865 commandes brutes et donc 120 annulations) du 737 de Boeing.
Année compliquée pour le long-courrier
L’A350 a réalisé sa deuxième année de montée en cadence. Après avoir manqué d’un exemplaire l’objectif de 50 livraisons en 2016 – notamment en raison de la mauvaise qualité des équipements de cabine, n’a pas manqué de rappeler Fabrice Brégier -, Airbus a augmenté la production de son long-courrier de 60 %. Pas moins de 78 exemplaires sont sortis des chaînes en 2017. Pour le patron des Avions commerciaux, l’objectif était de structurer industriellement cette montée en charge et il considère qu’il a été atteint. Pour lui, le programme est donc « bien dans les temps pour atteindre les 10 exemplaires par mois à la fin de 2018 ». Il n’a pas hésité à qualifier l’A350 de « meilleure montée en cadence jamais réalisée dans l’industrie ».
L’A350 passe ainsi devant le Boeing 777, livré à seulement 74 exemplaires l’an passé. Il faut rappeler que celui qui fut longtemps le best-seller des avions à double couloir connaît actuellement une phase de transition, qui doit déboucher sur l’arrivée du 777X à partir de 2020. De la même façon, il prend le pas sur l’A330, livré 67 exemplaires en 2017. Tout comme pour le 777, l’avion conçu au début des années 1990, devrait retrouver un peu de vigueur avec l’A330neo. Celui-ci a accusé un peu de retard à cause de ses moteurs Rolls-Royce Trent 7000, mais cumule désormais 230 heures de vol et doit être certifié cet été. La première livraison est prévue dans la foulée à TAP Portugal.
L’objectif pour l’A350 est donc désormais de se hisser au niveau du 787 et ses 136 livraisons en 2017. D’autant que Boeing a déjà prévu de faire passer la cadence de 12 à 14 avions produits par mois en 2019.
Pour atteindre ce niveau, il faudra encore convaincre quelques clients. L’A350 n’a engrangé que 44 ventes pour huit annulations en 2017. Son carnet de commandes n’est donc que de 854 appareils, dont 142 ont déjà été livrés. Le bilan est le même pour l’A330. Paradoxalement, l’A330ceo s’est mieux vendu avec quinze commandes et aucune annulation, tandis que l’A330neo a été commandé à seulement dix exemplaires et a subi quatre annulations.
Dans le même temps les 767, 777 et 787 ont engrangé, respectivement, 15, 60 et 94 commandes nettes. Le 777 a ainsi connu une belle embellie après une année 2016 catastrophique (dix-sept commandes nettes). Airbus n’obtient ainsi que 25 % des parts de marché sur les long-courriers, contre 75 % à Boeing. John Leahy affirme néanmoins que ses positions sur ce marché restent solides et « qu’une année ne fait pas une tendance ».
Nouvelles baisses de cadences en préparation pour l’A380
L’A380 reste très compliqué. Aucune commande et deux annulations : le bilan de l’année est négatif. C’est la première fois que le très gros porteur signe un tel résultat – par ailleurs identique à celui du 747. La non-commande d’Emirates au salon de Dubaï en novembre est donc d’autant plus dure à encaisser pour le programme. Malgré cela, 15 appareils ont été livrés. Ce chiffre va néanmoins se réduire : Airbus est en train de passer à 12 exemplaires cette année et huit en 2019. Fabrice Brégier a confirmé qu’un plan industriel était prêt pour descendre à six appareils d’ici quelques années. C’est une nécessité au vu du backlog de 95 appareils.