Selon Guillaume Faury, l’année 2023 a été une vraie année de redémarrage qui a permis à la filière aéronautique de s’engager clairement dans la remontée en cadences et la reprise des recrutements. L’année 2024 s’annonce « dans la même veine » que les dernières en termes de complexité, selon le président du GIFAS, mais « avec les bons problèmes de la croissance ». L’un d’eux, le maintien de la qualité, a été mis au premier plan dès les premiers jours de l’année avec deux accidents : la collision d’un Airbus A350 de Japan Airlines avec un appareil des garde-côtes japonais à Tokyo et la perte d’une issue de secours désactivée sur un Boeing 737-9 d’Alaska Airlines à Portland. Ces deux événements n’ont pas manqué de susciter une question cruciale : la rapide montée en cadences ne se fait-elle pas au détriment de la qualité ?
Pour Guillaume Faury, la réponse est non. Rappelant que les statistiques de sécurité dans le transport aérien ne cessent de s’améliorer, il affirme que le niveau d’exigence en termes de qualité et de sécurité reste maximal. Les industriels sont d’autant plus attentifs qu’ils savent qu’une période de remontée en cadences est un moment critique, qui demande beaucoup d’attention aussi bien en termes de qualité que de formation. « Nous n’imposons pas une montée en cadences à un niveau plus élevé que ce que la chaîne d’approvisionnement est capable d’assurer en toute qualité et en toute sécurité », assure-t-il, rejoint par Didier Kayat, le président du GEAD, qui ajoute « nous ne ferons jamais de la production au détriment de la sécurité. »
Guillaume Faury explique que la question a été prise très au sérieux dès le redémarrage de l’industrie, avec la perspective d’un départ d’un point de production et d’effectifs bas. Dans cette optique, des dispositifs spécifiques ont été mis en place, qui n’existaient pas avant la crise, pour éviter toute défaillance dans la chaîne d’approvisionnement. La « task force », créée par les grands donneurs d’ordre au sein du GIFAS pour soutenir les entreprises les plus fragiles au moment de la crise, a été maintenue jusqu’à aujourd’hui pour gérer les risques financiers, non plus liés au manque d’activité mais désormais liés au ramp-up. Et c’est dans ce cadre que le fonds Tikehau 2 a été lancée il y a quelques semaines. « La montée en cadences crée des zones de fragilité et des besoins de financement, de restructuration, de recapitalisation, d’autant plus qu’elle est associée au remboursement des PGE [Prêts garantis par l’Etat] et à la nécessité de préparer les capacités futures et les technologies de demain. Ce sont de bons problèmes mais cela crée des tensions. »
Il rappelle également que la remontée en cadences se fait à un rythme mesuré : « nous ne sommes pas encore revenus au niveau de production d’avant crise ». Airbus a annoncé avoir livré 735 appareils en 2023, contre 863 en 2019. S’il s’est avéré que la marche d’augmentation de la production que l’avionneur s’était fixée pour 2022 était un petit peu trop haute, il est confiant que les prochaines sont réalistes et cohérentes avec « la compréhension très fine que nous avons acquis de la situation de la chaîne d’approvisionnement » et avec l’exigence de qualité. « Mais c’est une situation vivante », ajoute-t-il, « il y a des événements extérieurs qu’il faut prendre en compte pour nous assurer de garder un niveau d’ambition le plus élevé possible qui reste compatible avec les capacités de la supply chain, la qualité des embauches, la sécurité et la capacité d’investissement ».
Les accidents comme ceux survenus la première semaine de janvier sont « un rappel que rien n’est acquis, qu’il faut en permanence travailler le sujet de la sécurité et que notre métier est d’éliminer les risques le plus possible pour arriver à un niveau 0 accident », conclut Guillaume Faury. Le système qualité, une exigence de chaque OEM envers lui-même, est par ailleurs contrôlé par les régulateurs, qui ne relâchent pas non plus leur vigilance selon lui : « je peux témoigner que notre autorité de régulation a un niveau d’exigence très élevé, qui n’a, je pense, jamais été aussi élevé que ce qu’il est aujourd’hui. »