Entre la publication du rapport sur les exportations d’armement de la France et le début du salon du Bourget 2019, le moment semblait tout indiqué. Le 11 juin, à Paris, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) et le Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF) se sont associés pour dévoiler leur « Guide des compensations industrielles ». Ce fascicule dense, d’environ 200 pages, se présente comme un ouvrage « pratico-pratique » à destination des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des petites et moyennes entreprises et industries (PME-PMI) pour se saisir du sujet des fameux « offsets ». Largement construit autour des exemples de la filière aéronautique, avec une forte coloration militaire, il se veut aussi pertinent pour le maritime et le nucléaire.
« Les offsets sont un sujet très particulier, toujours vu comme un contrainte », concède Eric Trappier en ouverture de la présentation. Le président du Gifas estime ainsi que ce guide montre « comment transformer une contrainte en un certain nombre d’opportunités ». De même, Joël Barre, délégué général pour l’armement, a salué « une excellente initiative » à laquelle ses équipes ont d’ailleurs participé.
Etape par étape
L’approche y est très pragmatique, avec premier chapitre qui définit ce qu’est que les compensations industrielles , un deuxième consacré à la réalisation d’un contrat de compensations, un troisième qui détaille les mécanismes d’assurances et de financement et un quatrième qui liste les acteurs industriels, institutionnels et étatiques sur lesquels les ETI et les PME-PMI peuvent s’appuyer pour s’inscrire dans une telle démarche.
Il faut y ajouter un cinquième volet, qui comprend des fiches sur les principaux pays importateurs d’équipements français : l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les Emirats Arabes Unis, l’Inde, la Malaisie et la Turquie. Au vu des nombreux témoignages sur la difficulté – certains parlant même de pénibilité – de s’implanter en Inde, avec ou sans coentreprise, cette dernière partie ne semble pas superflue.
Ensemble de clefs
Au-delà des fiches pratiques, Eric Trappier explique qu’il y avait une volonté d’illustrer le propos du guide avec de nombreux exemples de compensations rencontrées par les grands groupes français dans les différents secteurs industriels.
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances, estime ainsi que le guide explique un certain nombre de règles, de non-dits, mais aussi de bonnes pratiques, pour permettre aux ETI et aux PME-PMI de maîtriser les enjeux de l’ouverture à l’international, à commencer par la protection de leur propriété intellectuelle. Nicolas Ribollet, associé du groupe d’audit Mazars et conseiller du commerce extérieur, la rejoint en exprimant la nécessité pour les sociétés françaises d’avoir le contrôle direct des domaines financiers et fiscaux de leurs implantations locales.
Ambition politique
Au-delà du guide, Agnès Pannier-Runacher a assuré l’assistance de la volonté du gouvernement à faire en sorte que tous les services de l’Etat et les institutions se mobilisent pour aider les sociétés de taille modeste à s’implanter à l’étranger. La secrétaire d’Etat a été appuyée par Gabriel Cumenge, sous-directeur du Financement international des entreprises à Bercy. Il a rappelé que le Premier ministre, Edouard Philippe, avait remis à plat l’aide à l’export l’an dernier avec le lancement de la Team France Export afin de créer enfin une vraie dynamique.
Des propos qui ont été fraîchement accueillis par la salle. Un chef d’entreprise s’est ainsi empressé de rappeler en ouverture d’une séance de questions-réponses que « ce n’était pas les fonctionnaires qui ramenaient les commandes » et que les mêmes discours se répétaient depuis vingt ans.
Une union qui reste à sacraliser
Si Agnès Pannier-Runacher a martelé la nécessité de « chasser en meute » pour décupler la puissance commerciale des ETI et des PME-PMI à l’export, il semble donc qu’il reste encore du chemin avant de créer une véritable cohésion entre les différents acteurs industriels, institutionnels et étatiques. Si tous les intervenants décrivent ainsi un gros contrat comme le Rafale en Inde comme un catalyseur, voire un déclencheur pour une implantation à l’étranger, les entreprises françaises avancent encore en ordre dispersé.
Le Gifas devrait d’ailleurs faire un pas vers une meilleure coordination entre les grands groupes et les sociétés plus petites. Selon Michel Paskoff, président du groupe de travail Compensations industrielles, une réflexion a été engagée sur la création d’un guichet unique pour impliquer les ETI et les PME-PMI en amont de ces grands contrats. Certains diront qu’il ne manque plus qu’un nouveau grand contrat export pour tester son efficacité.