On a tendance à l’oublier, mais Peugeot ne fait pas que dans l’automobile. On a tendance à l’ignorer, mais le Peugeot Design Lab fait tout sauf de l’automobile (ou presque). Cette agence de design industriel a été créée en 2012 par le constructeur français pour s’occuper de la conception de ses cycles et de ses produits dérivés (Art Toys Léo’z, Peugeot Legend, etc.), ou encore des moulins de Peugeot Saveurs produits sous licence. Le Peugeot Design Lab mène également des projets pour des clients extérieurs, dont de grands noms de l’aéronautique mondiale : Airbus Helicopters, Air France, Bombardier, Expliseat, ou encore Dassault Aviation.
Approche globale de l’expérience de marque
Basé sur le site de Vélizy-Villacoublay (Yvelines) – un nom qui parle dans l’aéronautique – le Peugeot Design Lab emploie une quinzaine de personnes à temps plein sous la responsabilité de Cathal Loughnane. Il se positionne comme un studio de global brand design, à même de définir, développer et livrer l’ensemble de l’expérience proposée par une marque. C’est-à-dire définir la stratégie de la marque et donc la promesse faite à ses clients, puis de développer les concepts et le design des produits pour construire cette promesse, et enfin préparer la partie industrielle qui sera en charge de livrer ladite promesse.
Pour Cathal Loughnane, cette construction de l’expérience de marque est essentielle, notamment pour les industries contraintes dans la conception de leurs produits qui doivent trouver des moyens de se différencier. C’est le cas dans l’automobile « où l’on doit reconnaître s’il s’agit d’une Fiat ou d’une Ferrari, même si le logo n’apparaît pas. Si vous dessinez la plus belle voiture du monde, mais qu’elle ressemble à une autre marque, le message est mauvais et cela ne sert à rien. » Il poursuit avec l’exemple des montres, puis des compagnies aériennes : « Chaque compagnie achète le même tube blanc à Airbus ou Boeing, qui va d’un aéroport à un autre, avec presque les mêmes coûts de carburant. C’est le story telling qui va leur permettre de se différencier. »
De même, le Peugeot Design Lab entend se distinguer de ses concurrents par cette maîtrise de l’ensemble de la chaîne. Il veut ainsi offrir une offre clef en main avec une continuité entre les différentes étapes, là où il faudrait engager une équipe de branding, une autre de design et une dernière de consulting stratégique. « Un client nous a déjà demandé de faire la transition entre une agence de branding et un designer, car nous savons traduire un projet d’un langage à l’autre. De même entre les designers et les ingénieurs. » Pour le responsable du studio, seuls BMW Designworks (également habitué de l’aéronautique) et Porsche Design sont capables de faire de même.
Le Peugeot Design Lab a participé à la conception du TiSeat E2 d’Expliseat. © Expliseat
Une entité pleinement intégrée
Le Peugeot Design Lab peut surtout compter sur la puissance et les effets d’échelle offerts par son entière intégration au sein du groupe PSA. Rien que sur le site de Vélizy-Villacoublay, Cathal Loughnane peut faire appel aux compétences de 300 designers et de 2 400 ingénieurs habituellement dédiés à l’automobile. D’autres corps de métiers sont également présents sur place avec des artisans, comme un sellier par exemple, des experts en couleurs et matériaux, des ergonomes. Cette proximité, qui contribue aussi à renforcer la culture d’entreprise, a été voulue dès le lancement du projet. Toujours selon le patron du studio, seul BMW Designworks présente un niveau d’intégration comparable.
Cathal Loughnane a également accès à des moyens d’essais dont ne pourrait pas disposer un bureau de design classique. Il présente ainsi le centre de réalité virtuelle Cave, ensemble composé de 5 écrans (5 x 2 m) en définition 4K et d’un système de lunettes qui permet de visualiser les projets volumineux en trois dimensions. Sa configuration en cube permet de s’immerger entièrement dans le concept testé, qu’il s’agisse du pont d’un bateau ou de la cabine d’un avion d’affaires. Le Design Lab a ainsi récemment positionné un siège dans le Cave pour tester la visibilité à l’intérieur d’un cockpit d’hélicoptère.
Collaboration aéronautique
Aucun détail n’a filtré sur ce dernier travail, mais d’autres sont connus. Le Peugeot Design Lab a ainsi remporté un concours pour participer à la conception extérieure du H160, dernier-né d’Airbus Helicopters, lorsqu’il n’était encore que le projet X4. Les lignes dessinées par l’équipe de Cathal Loughnane ont ensuite été reprises et intégrées par les équipes de l’hélicoptériste pour donner l’aspect actuel de l’appareil. Celui-ci présente notamment des lignes assez effilées, relativement inédites dans le monde des voilures tournantes, tout en reprenant à son compte le nez caractéristique du Dauphin qu’il va remplacer.
Les intérieurs sont un autre domaine où le Peugeot Design Lab entend bien faire jouer son expertise. Cathal Loughnane met en avant l’expérience du groupe PSA qui produit 15 millions de sièges par an. « Nous sommes mieux équipés que les professionnels du secteur des sièges, affirme-t-il. Nous bénéficions des ergonomes de Peugeot, ce qu’aucun cabinet de design ne peut offrir. Le siège automobile est l’un des plus complexes, plus qu’un fauteuil full flat en business où le passager peut bouger librement. Seul un siège de pilote est plus compliqué. »
Il y ajoute la problématique de l’industrialisation à grande échelle, la construction des processus de fabrication représentant plus de 50 % du travail sur un projet automobile : « Il y a plus de voitures qui sortent des chaînes PSA en une matinée que d’avions en une année chez tous les grands constructeurs réunis. Nous produisons une voiture toutes les minutes, avec des opérateurs qui ont 17 secondes pour effectuer leur tâche, pas une de plus. Il ne peut y avoir d’ajustement au contraire de l’aéronautique. Cette complexité affecte le design, qui doit prendre en compte le niveau de répétabilité et de précision, mais aussi la robustesse. Un automobiliste n’a pas une équipe de maintenance tous les soirs pour sa voiture. Cela permet de nous distinguer de nos concurrents. »
Cela a en tout cas convaincu Expliseat. Le constructeur français de sièges ultralégers a fait appel au Peugeot Design Lab pour concevoir son nouveau modèle TiSeat E2, présenté en avril 2016. Il ainsi pu bénéficier de l’apport des ergonomes et des selliers du constructeur, combiné à sa propre expérience, pour réaliser un prototype puis un modèle industrialisable.
L’atelier de design s’est fendu d’un concept plane, le HX1. © Copyright
Fertilisation croisée
A l’inverse Cathal Loughnane n’hésite pas à mettre en avant les apports des autres industries à la conception automobile. Pour l’aéronautique, il met en avant le travail fait sur l’interface homme-machine qui est désormais au coeur de la stratégie de Peugeot. Son i-Cockpit reprend ainsi des concepts tels que l’affichage tête haute. Plus anecdotique, mais tout de même parlant, il prend aussi l’exemple de revêtement en « feuille de pierre », découvert grâce à une collaboration aéronautique.
Dans un style complètement différent, le studio a également sorti un projet de concept plane sur le principe d’un concept car, le HX1. Il met en oeuvre des éléments de design extérieur distinctifs, avec des canards et un empennage vertical papillon (en V), ainsi qu’un intérieur modulaire de 8 à 14 places. Le projet ne devrait néanmoins jamais quitter la planche à dessin au contraire des concept cars.
D’autres travaux ont été menés ou sont en cours dans le monde de l’aéronautique, avec des exemples aussi inattendus que la résistance des laquages à l’exposition aux rayons UV. Une partie d’entre eux restent confidentiels, sans que le studio puisse détailler la nature du projet ou le détail de sa participation. On pourra néanmoins rappeler qu’il cite des noms tels qu’Air France ou Dassault Aviation parmi ses clients.