Y aura-t-il encore des programmes de recherche purement aéronautiques dans le prochain budget européen ? La question se pose alors que la Commission, le Parlement et le Conseil viennent de conclure un accord provisoire sur Horizon Europe, le futur programme de recherche et d’innovation de l’Union européenne qui doit succéder à l’actuel Horizon 2020. S’il doit encore être officiellement ratifié par le Parlement et le Conseil – de même que le futur Cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 dans lequel il s’inscrit – des interrogations se posent d’ores et déjà sur la place de
l’aéronautique.
Ce questionnement est notamment porté par Bruno Sainjon, PDG de l’Onera : « La tendance à la Commission aujourd’hui est de ne plus retenir de thématiques aéronautiques pour la structuration des programmes de recherche futurs, ce qui est inquiétant. La part aéronautique dans Horizon Europe pourrait être diluée avec d’autres secteurs. De la même manière, la question semble se poser dans le spatial. » Il confirme ainsi la possibilité qu’il n’y ait pas de Clean Sky 3 ou de Sesar 3, mais des briques technologiques réparties dans des programmes transverses.
Une inquiétude en partie partagée par Florian Guillermet directeur exécutif de l’Entreprise commune Sesar. Interrogé sur la possibilité qu’il n’y ait pas d’après Sesar 2020, il répond : « Le risque qui pèse aujourd’hui au niveau européen se situe dans l’attribution des budgets et des priorités. Nous sommes dans un contexte avec une très forte demande entre les différents budgets, ainsi qu’entre les différents axes stratégiques au sein même de ces budgets. Et il y a aussi une incertitude sur l’enveloppe globale qui sera dédiée à la recherche. Rien n’est écrit à l’avance, les politiques auront à se prononcer sur des vrais choix stratégiques. »
Réponse à l’automne
Le PDG de l’Onera n’entend néanmoins pas mettre la charrue avant les boeufs, et rappelle que « aujourd’hui tout est ouvert, sachant que cela sera décidé par une Commission et un Parlement qui ne sont pas encore là ». En effet, les instances européennes vont être renouvelées fin mai et le vote du CFP 2021-2027 ne devrait pas intervenir avant cet automne. Les négociations pour finaliser le budget d’Horizon Europe pourraient alors se poursuivre jusqu’en 2020. L’objectif est que tout soit prêt pour son lancement au 1er janvier 2021.
En attendant, les acteurs aéronautiques européens entendent bien faire entendre leurs voix. C’est le cas des industriels, notamment lors de l’EU Aeronautics Conference, organisée à Bruxelles en décembre 2018 par l’intergroupe Ciel & Espace du Parlement et l’Association des industries aérospatiales et de défense d’Europe (ASD).
C’est aussi le cas de Florian Guillermet : « Nous sommes aujourd’hui dans les discussions institutionnelles pour la définition du futur cadre budgétaire de l’Union, et l’avenir de Sesar est clairement dépendant de ces discussions. Il y a une nécessité de poursuivre les actions de recherche, et pour cela nous avons de très bons arguments à faire valoir du côté de Sesar et de Clean Sky avec des éléments sur l’importance de l’échelle européenne, sur les bénéfices environnementaux et sociétaux, etc. »
Schéma général
A l’heure actuelle, les instances européennes se sont accordées sur la proposition de la Commission. Ce sont donc 98 milliards d’euros qui devraient être crédités pour Horizon Europe, avec des investissements dans trois piliers. Des chiffres qui devront évidemment être confirmés lors de la prochaine législature européenne.
Le premier pilier, baptisé « Science ouverte », recevra 26 milliards d’euros pour appuyer la recherche exploratoire, à travers le Conseil européen de la recherche, les actions Marie Skłodowska-Curie et le développement des infrastructures.
Conformément à sa volonté d’accélérer le développement de technologies de rupture, la Commission a aussi demandé l’attribution de 14 milliards d’euros pour le pilier « Innovation ouverte ». Il doit financer le nouveau Conseil européen de l’innovation, développer les écosystèmes européens d’innovation et renforcer l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT).
Reste le pilier « Problématiques mondiales et compétitivité industrielle », qui sera le mieux doté avec 53 milliards d’euros. Destiné à renforcer les capacités technologiques et industrielles et améliorer leur apport au sein de l’Union, il s’articulera entre cinq champs d’application : Santé – Société inclusive et sûre – Numérique et industrie – Climat, énergie et mobilité – Alimentation et ressources naturelles.
L’aéronautique peut donc s’inscrire aussi bien dans l’axe « Numérique et industrie » que dans l’axe « Climat, énergie et mobilité ». L’enjeu est donc de savoir si le secteur y sera dilué à travers des problématiques transverses, qui peuvent apporter des avantages comme la fertilisation croisée, ou bien s’il disposera de programmes propres et plus agiles pour répondre aux enjeux de la prochaine décennie.