Si l’absence de nouveaux grands programmes va commencer à se faire sentir, l’industrie aéronautique civile est restée riche en actualités en 2017. Cette « année Bourget » a tout de même vu le lancement du 737 MAX 10, le premier vol de l’A330neo, le dévoilement de l’Aneto ou encore l’abandon du Falcon 5X. Elle a aussi été marquée par la crise de gouvernance chez Airbus ou encore l’offre de rachat de Zodiac Aerospace par Safran.
L’affrontement entre Airbus et Boeing toujours au coeur du jeu
Premiers vols et certifications se sont ainsi multipliés chez Airbus et Boeing au cours de l’année. Les deux avionneurs se sont rendus coup pour coup tout au long de l’année : Airbus a obtenu la double certification européenne et américaine pour son A321neo motorisé par le LEAP-1A de CFM International en mars, une semaine avant que Boeing ne fasse de même avec son 737 MAX 8. Toujours en mars, le premier A319neo faisait son vol inaugural, suivi en avril par le 737 MAX 9.
Quelques jours plus tard, l’A321neo est entré en service chez Virgin America. Il était motorisé avec des LEAP-1A bien que la version avec les PW1100G de Pratt & Whitney ait été certifiée avant (décembre 2016). L’évènement principal est néanmoins venu de chez Boeing, avec la livraison du tout premier 737 MAX – un MAX 8 – chez Malindo Air en mai.
Heureusement, d’autres acteurs se sont illustrés. Comac a réalisé le vol inaugural du C919, concurrent chinois des A320neo et 737 MAX, le 5 mai. A la fin du mois, c’était au tour du constructeur russe Irkut de passer à l’action avec le premier décollage du MC-21.
Le C919 a décollé pour la première fois en mai. © COMAC
Le Bourget, point d’orgue de l’année
En juin, Airbus a lancé le salon du Bourget avec la présentation de l’A380plus, avec une aérodynamique retravaillée, de nouveaux winglets et un intérieur optimisé. Pour autant, aucune nouvelle commande n’est arrivée malgré des négociations avec Emirates et des perspectives sérieuses en Chine. Au contraire, l’avionneur européen a encore diminué les cadences et pourrait récidiver au cours des prochaines années.
Toujours pendant le Bourget, Boeing a riposté avec la présentation de son 737 MAX 10, plus grande version de la famille de moyens-courriers remotorisés. Par contre, pas de trace du MOM, le fameux « Middle of market » censé remplacer le 757 et surtout contrer l’A321neo, qui s’impose comme la nouvelle référence du marché.
L’été a été plus calme. Il a fallu attendre l’automne pour voir Boeing lancer la production de son 777X. La fin de l’année a néanmoins été dominée par Airbus, avec le premier vol de l’A330neo en octobre, puis la double certification européenne et américaine de l’A350-1000 en novembre. Ce dernier ne devrait cependant pas être livré à Qatar Airways, client de lancement, avant début 2018.
Airbus en pleine réorganisation
Cela n’a pas suffit à faire oublier les troubles qui ont marqué l’année d’Airbus. Outre l’achèvement de la réorganisation du groupe en juillet, et la fusion avec sa branche aviation commerciale, il a dû affronter divers affaires de corruption.
Ces péripéties ont largement désorganisé la gouvernance d’Airbus, avec une guerre des chefs. Elle devrait s’achever avec le départ surprise de Fabrice Brégier début 2018 – remplacé par Guillaume Faury – et le non-renouvellement du mandat de Tom Enders en 2019. Sans compter que le groupe devra désormais faire sans John Leahy, son supervendeur, remplacé par Eric Schulz, jusque-là président des moteurs d’avions civils de Rolls-Royce.
Tom Enders comme Fabrice Brégier vont quitter Airbus. © Airbus
Un secteur toujours en consolidation
Dans la lignée des dernières années, l’industrie a été marquée par un mouvement de consolidation, particulièrement chez les grands équipementiers. L’acquisition de Zodiac Aerospace par Safran aura ainsi rythmé l’année de bout en bout. Annoncé en janvier et révisé en mai (avec un prix revu à 25 EUR par action en raison des difficultés industrielles récurrentes de Zodiac), le processus de rachat est actuellement en cours de finalisation. L’OPA amicale doit avoir lieu entre le 27 décembre et le 31 janvier.
Les Américains ne sont pas en reste avec le mariage entre Rockwell Collins et United Technologies Corporation (UTC). Déjà en 2016, Rockwell Collins avait fait l’acquisition de son compatriote B/E Aerospace. Avec cette nouvelle fusion, UTC prend ainsi un poids considérable dans les négociations commerciales avec les avionneurs, qui auront du mal à ne pas faire appel à lui. Le nouveau géant devient d’ailleurs le premier fournisseur d’équipements pour Boeing.
La réaction des constructeurs
Pour contrer l’émergence de ces équipementiers « nose-to-tail » dans la chaîne de sous-traitance, Airbus comme Boeing semblent décidés à retourner sur le terrain de l’intégration verticale avec l’internalisation de certaines activités. L’avionneur européen a ainsi lancé sa filiale Airbus Interiors Services (AIS) en mai dernier, lors du salon Aircraft Interiors. Son concurrent américain a lui créé Boeing Global Services (BGS) pour renforcer sa position sur le soutien et les services en juin, ainsi qu’une division avionique en juillet.
La consolidation se joue aussi entre avionneurs. Mi-octobre, Airbus a annoncé le rachat du CSeries de Bombardier, avec la création d’une société commune baptisée CSeries Aircraft Limited Partnership (CSALP). Détenue à 50,01 % par l’avionneur européen, à 31 % par le canadien et à 19 % par le fonds Investissement Québec, elle sera entièrement dédiée à la production et à la commercialisation des monocouloirs CS100 et CS300. La finalisation de la transaction est attendue pour le second semestre 2018. Airbus va ainsi apporter une aide financière et industrielle au moyen-courrier, qui en a bien besoin pour assurer sa montée en cadence. Cela va notamment passer par l’assemblage des CSeries destinés au marché américain dans l’usine Airbus de Mobile (Alabama).
Face à ce renversement de situation – Airbus ayant jusqu’ici opposé une concurrence féroce au CSeries – Boeing et Embraer ont déclaré fin décembre qu’ils « confirment aujourd’hui être en discussions sur un rapprochement de leurs opérations ». Pour autant, le tenant de cette négociation n’a pas été précisé et son issue reste très incertaine.
Après avoir perdu confiance dans le moteur Silvercrest, Dassault Aviation a annulé le Falcon 5X. © Dassault Aviation
L’aviation d’affaires française dans la difficulté
Si Airbus connaît des temps troubles, Dassault Aviation et Safran Aircraft Engines connaissent également des déboires. L’actualité de l’aviation d’affaires a ainsi été marquée par le premier vol du Falcon 5X en juillet, l’annonce de nouveaux retards pour son moteur Silvercrest en octobre, et finalement l’abandon du programme en décembre. Echaudé par les retards successifs rencontrés par Safran, Dassault a donc préféré lancer un nouveau programme de Falcon, a priori plus grand, qui sera motorisé par le PW800 de Pratt & Whitney. Ce futur avion sera a priori différent de celui déjà annoncé – mais pas officiellement lancé – par Dassault.
La bonne nouvelle est plutôt venue de Suisse avec la double certification, européenne et américaine, du PC-24 début décembre. Cet avion ouvre un nouveau segment de marché avec ses capacités cargo et d’atterrissage sur des pistes sommaires.
Pour le reste, le secteur de l’aviation d’affaires s’est montré assez calme. Le Phenom 300 d’Embraer continue d’évoluer, les G500 et G600 de Gulfstream ou encore le Citation Longitude de Cessna avancent vers la certification, mais aucun nouveau programme n’a fait son apparition.
Du mouvement dans les hélicoptères
Malgré la crise, le monde de l’hélicoptère s’est montré plus actif. Pour la première fois depuis cinq ans, les ventes d’appareils neufs ont cessé de chuter et commencent doucement à remonter. Cette embellie, encore légère, pourrait être portée par de nouvelles machines.
Le Bell 505 Jet Ranger X est entré en service au début de l’année, et a reçu depuis sa certification de la part des autorités américaines, puis européennes. Le H160 d’Airbus Helicopters continue de progresser avec un troisième prototype en vol depuis octobre et une entrée en service prévue en 2019. Côté russe, le Mi-171A2 a été certifié par les autorités locales en août.
Airbus Helicopters a aussi dévoilé le Racer (Rapid and cost-effective rotorcraft) au salon du Bourget. Il s’agit d’un démonstrateur technologique destiné à prouver la compatibilité entre le concept d’hélicoptère rapide et des coûts d’opérations raisonnables. Le constructeur poursuit ainsi le mouvement lancé avec le X3. Le Racer doit voler en 2020. Par ailleurs, il travaille aussi sur son projet d’aéronef autonome Airbus City, destiné à la mobilité urbaine, qui doit voler en fin d’année prochaine.
Safran Helicopter Engines a levé le voile sur l’Aneto. © Leonardo
Les motoristes sont aussi actifs
La surprise est venue de Safran Helicopter Engines, avec la présentation de l’Aneto début octobre. Il s’agit du premier moteur à forte puissance entièrement réalisé par le motoriste français. Il doit couvrir le spectre des turbines de 2 000 à 3 000 chevaux sur arbre (SHP), et au-delà. L’Aneto motorise notamment l’AW189K de Leonardo. Les deux volaient ensemble dans le plus grand secret depuis mars 2017. Ils feront leurs débuts opérationnels en 2018. En attendant, Safran Aircraft Engines a obtenu la certification de l’Ardiden 3G en juin.
Les autres motoristes n’ont pas été en reste en 2017. En septembre, le consortium russe United Engine Corporation (UEC, membre de Rostec) et le motoriste chinois AECC Commercial Aircraft Engine (AECC CAE) se sont entendus pour les moteurs du futur avion long-courrier CR929 de China-Russia Commercial Aircraft International (Craic). Safran Aircraft Engines a présenté officiellement son démonstrateur d’Open Rotor en octobre. Et le Trent 1000 TEN de Rolls-Royce est entré en service simultanément sur Boeing 787-8 et 787-9, en novembre.