L’avenir n’a jamais été très rose pour l’A380 mais la crise du covid-19 l’a considérablement noirci. La décision d’Air France de ne pas remettre sa flotte de Super Jumbos d’Airbus n’est que la dernière d’une série de mauvaises nouvelles pour le programme, qui va voir la flotte mondiale se réduire plus rapidement que prévu.
Air France a en effet annoncé la semaine dernière qu’elle renonçait dès maintenant à remettre en service ses neuf A380 restants – le dixième avait déjà quitté la flotte en janvier et le retrait de la totalité des appareils était prévu pour la fin de l’année 2022. Pour elle, l’A380 a toujours été une contrainte plus qu’un avantage, le nombre de destinations sur lequel il pouvait être efficace étant restreint et son unicité pesant lourd sur la flexibilité des opérations – donc sur leur rentabilité.
Cette décision a suivi de près celle de Lufthansa de ne plus compliquer ses opérations avec deux bases A380 : celle de Francfort ne sera donc pas rétablie à la fin de la crise, entrainant le retrait de sept appareils de sa flotte, qui sera ainsi réduite de moitié (elle avait toutefois déjà prévu depuis plusieurs mois de retirer six appareils en 2022 et 2023, qui devaient être vendus à Airbus). Pour le moment, la compagnie envisage de ne laisser subsister que la base A380 de Munich, avec les sept autres appareils, mais le projet est en réflexion.
Etihad et Emirates pourraient être à l’origine des prochaines annonces. Selon Reuters, Etihad, déjà en grandes difficultés avant la crise, pourrait elle aussi renoncer à sa flotte de dix A380 (ainsi qu’à ses cinq A350-1000, tous produits, dont elle n’a jamais pris livraison). Les appareils sont pourtant jeunes (le plus ancien n’a pas encore six ans de service). Toujours selon l’agence, Emirates serait également en négociations avec Airbus au sujet du reste de sa commande d’A380 et pourrait réduire durablement le nombre d’avions en exploitation (115, aujourd’hui cloués au sol), notamment en jouant sur ses contrats de leasing.
D’autres mauvais signaux avaient également été envoyés par Qatar Airways et Qantas. La première a indiqué que ses A380 pourraient rester immobilisés au moins un an, jetant des doutes sur l’avenir d’une flotte destinée à être progressivement retirée à partir de 2024. Quant à Qantas, elle a suspendu le programme de réaménagement de ses cabines et a lancé une révision de sa flotte internationale.
Il ne reste aujourd’hui que neuf A380 à livrer dans le carnet de commandes d’Airbus. Huit sont destinés à Emirates, le dernier est le troisième exemplaire commandé par ANA pour ses vols vers Hawaii, dont la livraison a été retardée par la crise sanitaire. La fin du programme est actée pour 2021 et surviendra dans un marché sinistré.
Plébiscité par les passagers, l’A380 n’aura jamais réussi à convaincre les compagnies aériennes – hormis Emirates -, qui l’ont régulièrement et ouvertement jugé trop cher, pas assez fiable, pas suffisamment flexible…, surtout face aux biréacteurs, plus efficaces et plus économes en carburant. Sa fin s’annonçait déjà difficile, elle le sera encore plus. Mais le secteur s’y attendait déjà et, plus généralement, la profondeur de la crise sanitaire risque d’être fatale aux quadriréacteurs, trop capacitaires et trop coûteux à exploiter pour être viables face à une demande qui risque de rester déprimée plusieurs années.