Le Journal de l’Aviation s’est rendu dans les installations de Thales Italia à Vergiate, dans la banlieue de Milan, à proximité immédiate de la division hélicoptères du groupe Leonardo. Thales y exposait ses dernières innovations en matière de solutions avioniques pour voilures tournantes civiles, des solutions qui feront d’ailleurs l’actualité du salon Heli-Expo qui ouvre ses portes le 7 mars à Dallas (Texas). Ces innovations privilégient très largement le concept « crew centric » pour les pilotes, destiné en priorité à réduire leur charge de travail afin qu’ils se concentrent davantage sur les spécificités de leur mission, tout en étant indépendant des contraintes de l’architecture des systèmes de l’avionique. Nous revenons ainsi sur Avionics 2020, la suite avionique entièrement tactile de Thales, mais aussi sur une nouvelle solution de pilote automatique compacte et sur une future innovation « Eyes Out » particulièrement prometteuse.
Avionics 2020 devient une réalité grâce aux hélicoptères
C’est incontestablement une très grande avancée pour Avionics 2020, l’avenir de la planche de bord imaginée par Thales. Déclinée aussi pour l’aviation commerciale et pour l’aviation d’affaires, c’est d’abord sur un programme d’hélicoptère que la nouvelle suite avionique entièrement tactile prendra les airs. Eloi Leonhardt, Helicopter Avionics, Business Development & Sales Director chez Thales Avionics révèle que la suite avionique complète viendra équiper un hélicoptère dans le cadre d’essais en vol en 2018, avec une certification et une mise en service prévue pour 2020. Si l’annonce n’est pas encore officielle, il semble désormais acquis que Thales a remporté un premier client pour Avionics 2020, ce que confirme d’ailleurs à demi-mot Eloi Leonhardt.
Le démonstrateur de poste de pilotage entièrement tactile décliné dans sa version pour hélicoptères avait été dévoilé lors de l’édition 2014 d’Heli-Expo à Anaheim (Californie). Il rappelle d’ailleurs qu’une multitude d’essais ont déjà été entrepris au sol sur un banc vibrant sur 6 axes afin de tester les interactions de différents pilotes, civils et militaires. Les « cobayes » ont ainsi été exposés à des niveaux de vibrations croissants dans des situations dynamiques, jusqu’à des situations extrêmes. « Nous avons pu démontrer que l’utilisation des simples gants de pilotage standards était parfaitement compatible avec cette technologie » précise Eloi Leonhardt qui rappelle aussi que Thales a commencé à travailler sur les interfaces de pilotage tactiles 5 à 6 ans avant la concurrence. Thales a également testé une première brique d’Avionics 2020 en vol à bord de l’un des hélicoptères d’un client en 2015, l’instrument venant se superposer à un équipement déjà présent à bord. « En moins d’une dizaine de minutes, les pilotes l’utilisaient comme si celui-ci avait été présent à bord depuis des années », explique Eloi Leonhardt.
Mais en plus de la facilité déconcertante et intuitive de ce type d’interface dite « crew centric », un autre avantage majeur repose aussi directement sur son architecture qui combine à la fois modularité et ouverture vis à vis d’applications logicielles tierces. Toutes les fonctionnalités de la suite avionique sont en effet intégrées à chaque écran, quelle que soit son utilisation. Il en résulte évidemment une très forte évolutivité (ex : 3 écrans sur les hélicoptères, 5 unités sur un avion commercial) alors que tout repose finalement sur un seul et même « part number ». Tous les logiciels peuvent ainsi fonctionner de façon indépendante sous chacune des dalles de la suite avionique, offrant compacité, gain de masse, redondance et coût réduit par rapport à une architecture classique (distributive).
Comme l’explique Eloi Leonhardt, le monde des hélicoptères subit aussi l’arrivée de nombreuses fonctionnalités issues du monde ouvert (applications pour EFB par exemple), avec en plus des besoins en connectivité croissants. La multiplication des technologies disponibles et les besoins des opérateurs pour de nouvelles fonctionnalités sont en train de complètement transformer le monde de l’avionique des hélicoptères, apportant son lot de nouveaux challenges : multiplications des informations à afficher aux pilotes, environnement toujours plus contraignant en termes de certification, sans parler des impératifs économiques dans un secteur de plus en plus concurrentiel.
Thales lance une solution de pilote automatique compacte pour hélicoptères légers
Thales va par ailleurs profiter du grand salon américain dédié aux hélicoptères pour lancer « Compact Autopilot Flight Control System », une nouvelle génération de système de pilotage automatique destiné à simplifier la vie des pilotes sur des machines qui n’en sont pas pourvu. L’avantage de ce pilote automatique compact est qu’il ne nécessite pas de modification importante sur l’hélicoptère, l’architecture du système reposant sur deux ensembles de trois actionneurs qui fournissent un pilote automatique double redondant (SAS + ATT), disponible en configuration 3 ou 4 axes.
L’essentiel de l’équipement vient se loger à l’intérieur d’un boîtier sur le manche cyclique (et dans le collectif si configuration à 4 axes), s’affranchissant ainsi d’un véritable ordinateur de commandes de vol. Le système ne nécessite ainsi que 3 part numbers au maximum, en y ajoutant évidemment le panneau de contrôle des différents modes (activation, ATT, Altitude Hold, Heading Hold, modes Hover et Departure optionnels). Nous avons pu tester le nouveau pilote automatique dans un simulateur et l’effet d’activation du système est impressionnant, ne serait-ce que par la facilité de pilotage apportée par le simple système d’augmentation de la stabilité (SAS).
Eloi Leonhardt rappelle que Thales est déjà présent sur de nombreux programmes civils et militaires au niveau du pilote automatique et notamment sur le Tigre, le Bell 206, l’A109 ou encore le S-76D pour les hélicoptères. Mais ces solutions sont généralement très coûteuses pour des hélicoptères légers, eux-mêmes souvent victimes de nombreux accidents, notamment dans le cadre de missions EMS aux États-Unis (pilotes avec un faible nombre d’heures dans un contexte extrêmement concurrentiel). Il annonce aussi que le « Compact Autopilot Flight Control System » sera disponible aussi bien en line-fit qu’en retrofit. Son coût est annoncé comparable à une solution à deux axes proposée sur le marché.
Une application « Eyes Out » très prometteuse pour le marché civil
Mais ce qui a particulièrement attiré notre attention est une innovation très prometteuse pour le marché des hélicoptères civils. Comme nous l’a expliqué Pascal Point, le directeur Business Development et Marketing pour les viseurs et casques chez Thales, il s’agit ici d’abord d’une fonctionnalité plus que d’un produit. Cet ancien pilote de Tigre et de NH90 rappelle que 80% des vols d’hélicoptères se déroulent en condition VFR. Le domaine de l’ « Eyes Out » est déjà une réalité dans le domaine militaire chez Thales mais pour Pascal Point, le marché civil va devenir une nouvelle cible, à l’instar de ce qui s’est passé avec l’utilisation grandissante des jumelles de vision nocturne.
Venant ainsi répondre à une demande croissante, Thales a ainsi modifié un casque Scorpion de sa filiale Visionix afin de lui apporter des fonctions simples destinées à partager des informations conformes entre pilotes, entre les pilotes et un observateur à bord ou entre l’équipage et le sol. La localisation d’un objet peut ainsi être partagée en un clic, se retrouvant alors sur la visière du pilote.
« Imaginons par exemple une mission de surveillance maritime, le navigateur trouve un navire et plote sa position qui est alors immédiatement partagée dans les casques des pilotes, sans prononcer une phrase, c’est juste incroyable » poursuit Pascal Point. « Pouvoir apporter aux opérateurs des solutions qui améliorent la sécurité, augmentent la perception de l’environnement et simplifient la vie des pilotes, pour moi l’HMSD (Helmet Mounted Sight and Display) est tout simplement l’interface homme-machine des hélicos des 20 prochaines années », conclut Pascal Point.