La fabrication additive passe à la vitesse industrielle chez Thales. L’équipementier français a inauguré, le 7 septembre, son premier centre de compétences industriel dédié à l’impression 3D métallique, dans la zone franche du Midparc de Casablanca (Maroc). Il sera chargé d’assurer le prototypage puis la fabrication de pièces pour l’ensemble des entités du groupe au niveau mondial. A terme, il doit aussi s’ouvrir à des clients extérieurs.
« Dans tous les pays, nous sommes au balbutiement du démarrage d’une nouvelle ère. Nous devons nous positionner sur cette nouvelle génération. » Cette phrase sur la révolution numérique de Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique – qui participait à l’inauguration de Thales 3D Maroc – correspond bien à la stratégie de Thales avec le lancement de ce nouveau centre de haute technologie. Le groupe pose ainsi la première pierre d’une stratégie amenée à se développer.
Deux premières machines ALM ont été acquises, huit autres pourraient suivre. © Léo Barnier / Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
De la Belgique au Maroc
Le projet a été lancé en 2015. Il a démarré avec l’achat de deux machines ALM (Additive layer manufacturing) à fusion laser sur lit de poudre métallique à 3D Systems et leur installation en Belgique. Cinq ingénieurs marocains ont été sélectionnés et envoyés sur place pendant un an, d’abord pour être formés puis pour développer leur expertise avec cinq premiers prototypages de pièces. Ces machines sont ensuite retournées en Auvergne chez leur constructeur, Phénix (filiale de l’Américain 3D Systems), pour être remises en conditions opérationnelles.
Ce n’est que cet été qu’elles sont arrivées à Casablanca dans l’usine de 1 000 m2 construite spécialement par Thales en coopération avec Midparc. Elles ont été installées dans l’une des trois salles prévues à cet effet, avec une ambiance contrôlée pour la température, l’hydrométrie ainsi que pour le renouvellement d’air pour prévenir une éventuelle fuite de poudre. L’usine est dimensionnée pour pouvoir accueillir huit machines supplémentaires dans les cinq prochaines années. Les deux premières machines traiteront des alliages de titane (TA6V) et d’aluminium (AS7G06), pour des pièces de 250 x 250 x 300 mm. Pour les machines suivantes, Thales envisage également des poudres inox (316L) et nickel (Inconel 718) et des dimensions plus importantes.
Jean-Claude Derbes, le directeur de l’usine, explique que l’usine est organisée selon le principe du Lean, avec une architecture en « U » qui permet un circuit de production linéaire. Il commence par la salle de conception des pièces en collaboration avec les clients (voir encadré). Une fois le design et les spécifications arrêtés, l’ordre de production est envoyé dans l’une des trois salles suivantes qui accueillent les imprimantes 3D.
Après sa fabrication, son détensionnement et son découpage, la pièce sort de l’usine pour rejoindre un des sous-traitants locaux de Thales – quatre ou cinq ont été spécialement sélectionnés dans un rayon de 15 km et intégrés à un écosystème collaboratif – pour assurer la finition de l’usinage, le traitement de surface ou thermique nécessaires pour les standards aéronautiques et spatiaux. La pièce revient enfin chez Thales pour un contrôle qualité avant son expédition chez le client.
Grâce à l’expérience acquise en Belgique, Jean-Claude Derbes estime être aujourd’hui capable de produire des pièces avec zéro défaut. L’objectif pour les six prochains mois est désormais de respecter à 100 % les délais de livraison. La tâche pourrait néanmoins se compliquer avec le temps. Même si Thales 3DM a déjà été sollicité pour une trentaine de pièces, il ne s’agit encore aujourd’hui que de prototypage. A plus long terme, l’usine devra être performante sur la production de petites séries reproductibles. Il faudra alors augmenter les cadences sans compromettre la qualité des pièces. Pour y arriver, le directeur de l’usine compte bien s’appuyer sur les nouveaux outils de pilotage connectés que Thales commence à déployer (voir encadré).
L’activité débute avec du protoypage au profit des branches du groupe Thales. © Léo Barnier / Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Investissements locaux
En tout, ce projet représente 15 à 20 millions d’euros d’investissements. Sept emplois d’ingénieurs et de techniciens ont été créés à Casablanca, mais ce chiffre pourra se situer entre 20 et 25 en fonction des futurs développements. La future croissance doit aussi se répercuter sur les sous-traitants locaux sélectionnés, avec la mobilisation d’une centaine de personnes. Une nouvelle entreprise pourrait aussi intégrer le pool si les cycles de production sont trop longs. Jean-Claude Derbes prévient qu’il est difficile d’intégrer trop d’entreprises dans l’écosystème collaboratif de Thales 3DM.
Cette ouverture de Thales 3DM constitue aussi le dernier volet de l’accord stratégique signé avec le Maroc en 2011. Celui-ci prévoyait un développement des achats et des partenariats industriels, mais aussi une coopération avec le monde académique – trois thésards ont d’ailleurs été recrutés à Fez, Meknès et Tanger pour travailler sur la technologie ALM – et l’ouverture d’un centre de compétence. Pour Pierre Prigent, directeur de Thales au Maroc, le groupe accroit ainsi sa présence dans le royaume, mais aussi en Afrique à travers lui au vu de sa volonté de rayonnement régional.
Le Maroc présentait aussi l’avantage d’offrir des procédures simplifiées, notamment à l’exportation, grâce à sa zone franche, ainsi que des personnels qualifiés. Enfin, l’important pôle aérospatial marocain devrait offrir des opportunités de collaborations internationales à Thales 3DM. On peut ainsi penser à Boeing, qui va s’installer à Tanger avec un écosystème de 120 sous-traitants, pour un objectif d’un milliard de dollars d’exportations annuelles.
Des outils de CAO connectés permettent la coconception des pièces en impression 3D. © Léo Barnier / Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés