Si la flotte mondiale d’avions commerciaux ne cesse de grossir, il en va évidemment de même pour la flotte opérée sous contrats de leasing. Plus de 10000 appareils font désormais partie des portefeuilles des sociétés de crédit-bail alors qu’il n’y en avait que 4000 il y a une dizaine d’années et la tendance s’est clairement accélérée, notamment en Asie.
Le nombre de « redelivery » va nécessairement continuer à croître et l’influence des lessors sur les acteurs de la maintenance ne cesse de se renforcer. Une conférence-débat regroupant GECAS (GE Capital Aviation Services), BOC Aviation et différents opérateurs et acteurs de la maintenance était organisée sur le sujet à Singapour le mois dernier en marge de l’événement Commercial Aviation Services Asia-Pacific. Il faut d’ailleurs rappeler que Singapour est progressivement devenue la plaque tournante du crédit-bail en Asie-Pacifique en raison de son centre financier, de son expertise technique en matière de MRO et de son environnement fiscal.
Comme l’explique Liam Creaven, Senior VP Technical de GECAS pour la région Asie & Grande Chine, de très nombreux facteurs influencent la valeur résiduelle d’un avion commercial, à commencer par la documentation de l’appareil, « et il n’y a pas qu’en fin de période contractuelle que c’est important » rappelle-t-il, notant d’ailleurs au passage que les grands loueurs mondiaux se sont regroupés au sein d’une association comprenant aussi les avionneurs et les motoristes, l’AWG (Aviation Working Group) afin d’influencer les différentes autorités compétentes, par exemple en soutenant le développement de la digitalisation des données de maintenance avion comme l’initiative l’ATA e-Business Program. Les loueurs rêvent même d’un véritable statut reconnu par l’OACI, avec par exemple une normalisation des pratiques lors des opérations de transfert d’appareil. Liam Creaven relate évidemment les freins de certains pays à accepter les documentations sous format numérique, mais selon lui les réticences de ces autorités disparaîtront dans les prochaines années.
Chris Gruener, EVP Head of Technical chez BOC Aviation a rappelé pour sa part qu’à la différence des compagnies aériennes, les loueurs devaient en règle générale prendre en compte toute la durée de vie de l’avion et bien évidemment garder leurs appareils dans des conditions les plus standardisées possible pour qu’ils puissent changer d’opérateur facilement. « Généralement, nous n’aimons pas les modifications sur nos avions » annonce-t-il, citant par exemple les pièces détachées de type PMA ou les interversions de moteurs entre appareils. Il rappelle d’ailleurs que des modifications relativement communes comme l’ajout d’un radôme pour disposer d’une connectivité satellitaire sont des modifications « importantes » et « intrusives ».
Chris Gruener appuie aussi sur le fait que les appareils doivent évidemment être en conformité avec les standards EASA/FAA lors de la période de transition, quelle que soit la nationalité de l’opérateur. Il note aussi que le suivi documentaire est un important challenge en Chine alors que beaucoup d’appareils vont bientôt être amenés à quitter l’Empire du Milieu, avec des difficultés liées à la langue ou encore au suivi des avions après de multiples fusions de compagnies aériennes chinoises.
Liam Creaven et Chris Gruener s’accordent d’ailleurs tous les deux sur le fait que si les opérateurs sont tenus de se référer à leur contrat de location avant toute modification, certaines clauses doivent aussi être davantage partagés avec les départements techniques des opérateurs et les sociétés MRO pour éviter toute surprise à la fin du bail.
Le directeur technique de BOC Aviation est également revenu sur des problématiques qui se sont développées avec l’arrivée d’appareils de nouvelle génération comme les 737 MAX, A320neo et 787, des avions qui sont désormais couverts (à 70%) par des contrats de type FHA (Flight Hours Agreement) et qui peuvent poser des difficultés aux opérateurs en fin de période de location. Il explique aussi que les étalements des intervalles de maintenance proposés par les avionneurs peuvent également avoir un impact important sur le calendrier des lessors.
Mais le principal défi pour les opérateurs et les sociétés de maintenance reste évidemment le processus de fin de bail. Liam Creaven est très clair sur le sujet : « GECAS demande à ses clients d’anticiper 18 mois avant la fin de la période contractuelle, cela permet aux opérateurs de gagner de l’argent et d’éviter les surprises » explique-t-il. Il mentionne notamment le fait que certains équipements de cabine, pourtant très peu chers et fabriqués en plastique, peuvent avoir des lead-time très importants (parfois jusqu’à 6 mois), ce qui peut grandement impacter le processus de redelivery.
Il liste aussi la sous-estimation du temps de remise en conformité par la société MRO, le manque de capacité des installations, des problèmes d’agréments, d’expérience… « À vouloir optimiser ses rentrées d’argent en faisant voler ses avions un peu plus longtemps, on s’expose finalement au risque de devoir payer des pénalités et des semaines de location en plus…C’est un très mauvais calcul » a-t-il signalé.