Le groupe américain AAR est le plus important acteur MRO indépendant des Amériques, avec pratiquement 19 hectares de hangars répartis sur cinq sites principaux aux États-Unis (Indianapolis, Miami, Oklahoma City, Duluth et Rockford). La société de maintenance a par ailleurs commencé à s’implanter à l’international depuis deux ans avec le rachat de deux sites au Canada, à Trois-Rivières (Québec) et à Windsor (Ontario), ajoutant pratiquement 27 000 m2 de hangars supplémentaires.
L’appétit d’AAR dans les activités de maintenance d’avions commerciaux ne s’arrête d’ailleurs pas au continent américain, au regard de la création du futur centre MRO indien qui doit ouvrir ses portes cette année à Nagpur, en coopération avec Indamer. Le Journal de l’Aviation a rencontré Brian Sartain, Senior Vice President Repair and Engineering Services chez AAR, l’occasion de revenir sur l’ensemble des activités de maintenance civile du groupe.
Une croissance freinée par la problématique de la main d’oeuvre
Les besoins croissants en maintenance permettraient bien sûr à AAR de se développer davantage, mais la société MRO connaît, comme beaucoup d’autres acteurs du secteur, des problèmes de main d’oeuvre importants aux États-Unis. Pour Brian Sartain, la problématique concerne d’ailleurs particulièrement les mécaniciens expérimentés. « Une partie significative de nos effectifs a aujourd’hui entre 55 et 60 ans et ils commencent à partir en retraite », nous explique-t-il. Il cite aussi le fait que les jeunes mécaniciens sont quant à eux davantage attirés aujourd’hui par des emplois du secteur manufacturier. « Par exemple pour nos activités d’Indianapolis, GE a construit une toute nouvelle usine pour la production de ses LEAP à seulement une centaine de kilomètres de nos hangars et désormais, de nombreux diplômés se dirigent d’abord vers le motoriste, car les salaires y sont sensiblement plus élevés, portés par le très important backlog de moteurs ».
Mais bien heureusement, ce n’est pas vrai partout et AAR continue par exemple à croître significativement à Miami, car il existe une importante quantité de main-d’oeuvre qualifiée en Floride.
Des mécaniciens d’AAR utilisant l’outil numérique StAAR. Image © AAR
Quoi qu’il en soit, Brian Sartain se veut aussi positif et ne voit pas ce problème durer très longtemps, car AAR a évidemment su l’anticiper et a d’ailleurs investi significativement dans des programmes de formation ou d’accompagnement. C’est le cas par exemple de l’initiative « Eagle Pathway » qui permet de rembourser la formation des mécaniciens en échange d’un engagement de travail pour une période déterminée, par exemple pour deux ou trois ans. AAR a également tissé des liens avec de nombreuses universités locales pour créer des canaux de sourcing qui permettent de toucher des candidats dès le lycée (high school). Ils seront ensuite dirigés vers une formation d’AMT (Aviation Maintenance Technician) et pourront rejoindre AAR en tant qu’apprentis, avec une licence validée par AAR.
« Le problème de main d’oeuvre sera réglé dans les 18 à 36 prochains mois, mais la difficulté c’est que nous avons aussi des besoins aujourd’hui, ce qui nous oblige à payer de fortes sommes pour attirer des talents, par exemple par le biais d’agences de recrutement, et ainsi continuer à croître. »
Priorité à la maintenance lourde
Les trois grandes compagnies aériennes américaines se sont lancées dans de très importants programmes de modernisation des cabines de leurs appareils depuis deux ans et bien évidemment AAR possède un savoir-faire en la matière. Mais pour Brian Sartain, cette activité n’est pas celle qui permet à AAR de toucher directement le client car la société est vraiment spécialisée dans la maintenance lourde. « Nous avons de très beaux et de très solides clients ; Southwest Airlines, Air Canada, Alaska Airlines, Delta, United. Quand ces clients ont des programmes de modification cabine et que ceux-ci coïncident avec leurs grandes visites alors oui, nous leur proposons une offre packagée ».
Il rappelle aussi que les lignes de modification cabine sont des activités à moindre intensité de main-d’oeuvre que les lignes de maintenance lourde. « Quand nous réfléchissons à nos surfaces hangar, et à quel point cela nous est précieux en termes d’heures de travail, alors clairement une ligne de modification n’est pas une activité très efficace », souligne-t-il. « En revanche, si un client vient pour une grande visite et que je peux modifier la cabine en même temps ou juste après, alors il économise de l’argent et nous aussi ».
Mais pour Brian Sartain, la cerise sur le gâteau, c’est quand AAR peut aussi produire des kits de modification en composites grâce à son centre spécialisé implanté en Floride. « Nous proposons alors une solution complète et c’est vers ce type d’offres que nous souhaitons davantage nous orienter ».
Brian Sartain est par ailleurs revenu sur les activités canadiennes d’AAR qui font suite au rachat des deux centres de Premier Aviation, « deux centres qui commencent à bien se remplir grâce à notre relation forte avec Air Canada ». Il précise que ces installations sont bien entendu disponibles pour d’autres opérateurs, mais que le volume d’activité vient principalement répondre aux besoins de la grande compagnie canadienne qui a souhaité continuer à assurer la maintenance de ses appareils dans ses frontières ». Évidemment, elles ont récemment été impactées par l’immobilisation mondiale des Boeing 737 MAX, mais logiquement leur activité « reprendra de plus belle dès que les appareils seront autorisés à voler ».
Un 737NG en visite à Indianapolis. Image © AAR
À la question de savoir si l’arrivée de monocouloirs tout cargo de nouvelle génération comme le Boeing 737-800F, bientôt en service aux Etats-Unis, pouvait être un axe de développent, Brian Sartain rappelle que la société MRO ne réalise pas de conversion d’appareils, mais que ses hangars accueillent régulièrement des avions cargo en maintenance lourde. Il ne voit cependant pas cette activité devenir un accélérateur de croissance, car cela représente un relativement faible pourcentage des grandes visites. « Nous dédions déjà aujourd’hui dix à onze lignes de maintenance simultanées pour Southwest, six pour Alaska Airlines et nous n’avons tout simplement pas de capacité supplémentaire pour le moment, mais s’il existe des opportunités, alors bien sûr nous les saisirons. »
AAR fait par ailleurs partie des six partenaires initiaux de l’Airbus MRO Alliance (AMA) dévoilée en juin 2017, même si Brian Sartain concède que les règles d’engagement dans l’alliance n’ont pas encore été réellement établies. « D’une façon générale, nous voyons cette alliance comme un moyen de partager nos meilleures pratiques et c’est une opportunité qui pourra finalement faciliter la vie de nos clients. »
Les données de maintenance au service des clients
La société de maintenance américaine s’est évidemment lancée dans la création d’outils numériques et en particulier dans le domaine de la gestion des réparations, à l’instar d’Airvolution pour les composants ou encore de StAAR pour la gestion des « job cards » ou des actions de maintenance. Ce dernier outil a d’ailleurs été commercialisé auprès d’autres acteurs du secteur. AAR s’est aussi lancé dans le prototypage de solutions de type « remote mechanic », l’usage de drone pour l’inspection des cellules ou encore la réalité augmentée pour former ou faciliter le travail des mécaniciens. Et comme tous les autres grands acteurs, AAR s’intéresse évidemment aussi à l’analyse de ses données.
« Nous sommes la plus importante société MRO en Amérique du Nord et nous touchons plus d’un millier d’avions chaque année. Toutes les données que nous récoltons, que ce soit lors du retrait et du remplacement de pièces spécifiques, et les coûts associés, nous permettent d’avoir une approche big data et cela va créer des propositions d’ajout de valeur pour nos clients », nous explique Brian Sartain.
« Pour nous, c’est la prochaine grande étape, et c’est d’ailleurs aussi ce que veulent nos clients. »