Le ciel du sud parisien est loin d’avoir l’éclat du ciel antillais mais ce 22 juin reste une belle journée pour Air Caraïbes. La compagnie a en effet réceptionné son deuxième Airbus A350-1000. L’appareil, immatriculé F-HTOO (MSN 482), a atterri à l’aéroport d’Orly après avoir quitté les installations bordelaises de Sabena technics, qui était chargé de l’aménagement de la cabine.
« Il arrive à un moment qui nous est, je l’espère, favorable », a commenté Marc Rochet, président du groupe Dubreuil Aéro, qui rassemble Air Caraïbes et French bee. Bon nombre de signaux sont au vert : la France sort de confinement, les ventes sont revenues à leur niveau de 2019, voire les dépassent (sans toutefois les compenser l’absence de recettes entre février et avril), l’activité fret ne faiblit pas… « La pointe d’activité arrive, nous réengageons tous nos avions. Nous croyons en l’avenir et sommes assez optimistes. Cela va être difficile mais nous avons appris à nous battre et nous allons continuer à nous battre. »
Ce qui est difficile est l’environnement de la reprise. Air Caraïbes ayant abordé la crise avec une bonne santé financière, elle n’a pas profité du même soutien que ses concurrentes. En plus de l’activité partielle et des reports de taxes, Air Caraïbes a obtenu du gouvernement une aide fiscale à l’investissement pour boucler le financement de cet A350-1000. Mais elle considère qu’il reste un manque criant d’équité et poursuit en ce moment ses discussions avec l’Etat pour essayer de la rétablir. « Il ne faudrait pas que tous les efforts que notre division aérienne a développés depuis une vingtaine d’années soient consommés par l’impact financier de cette pandémie », s’inquiète Jean-Paul Dubreuil, président du Groupe Dubreuil.
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Surcapacité et saturation des aéroports
L’été sera sans doute positif, estime Marc Rochet, et Air Caraïbes devrait essayer de compenser partiellement son premier semestre avec le second – sans toutefois parvenir à un résultat bénéficiaire à la fin de l’année, prévient Jean-Paul Dubreuil. Mais deux grandes menaces pèsent sur la pointe de juillet-août. La première est représentée par Air France, qui augmente de 60% son offre sur les Antilles par rapport à l’été 2019, qui était déjà une très bonne année. « Il n’y a pas de raison logique pour faire cela, c’est parce qu’on est dans un autre environnement et nous le regrettons », commente Marc Rochet, rejoignant l’analyse de Pascal de Izaguirre, le président de Corsair, qui avait affirmé la veille au Paris Air Forum que l’offre d’Air France était complètement décorrélée de la réalité du marché.
Même si les Antilles font partie des rares destinations où il est possible de voyager, la persistance de restrictions de voyage, qui démotivent les passagers et complexifient les déplacements, ne devrait pas même permettre un retour au niveau de 2019. La situation de surcapacité engendrée par cette offre accrue devrait entraîner une baisse mécanique du prix des billets. « Que les prix soient très bas dans les creux pour pousser les gens à voyager, c’est bien. Quand on brade dans les hyper-pointes, cela se retrouve dans l’économie donc il y a forcément quelqu’un qui va payer », prédit Marc Rochet.
En ce qui concerne Air Caraïbes, le remplissage s’annonce plutôt bon (avec un bémol sur le sens Antilles – métropole) et le fret devrait soutenir l’activité. Mais « en termes de rentabilité, nous ne serons pas au niveau de 2018 ou 2019. »
L’autre inquiétude concerne la situation en aéroport. L’ajout des mesures et contrôles sanitaires à ceux déjà en vigueur pour la sécurité et la sûreté risque d’entraîner une saturation des plateformes. Augustin de Romanet, le président du groupe ADP, a déjà mis en garde contre « une apocalypse » annoncée, et Marc Rochet le rejoint en pensant que la situation sera pire qu’en 2017. « Tout ce qui s’additionne en matière sanitaire va compliquer les choses et les voyageurs n’ont pas forcément tout compris parce que c’est très compliqué. » L’inquiétude est particulièrement forte pour les plateformes de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France qui vont faire cohabiter vols régionaux et vols long-courrier, au risque d’entraîner une congestion.
Malgré cet environnement difficile, Air Caraïbes garde le cap qu’elle s’est fixé depuis le début de la crise et reste focalisée sur ses engagements : maintenir ses effectifs et ses investissements. A ce dernier sujet, elle se prépare désormais à recevoir son troisième Airbus A350-1000 à la fin de l’année.