La livraison du premier A350 d’Air Mauritius le 20 octobre n’est pas seulement le symbole de la modernisation de la compagnie. Elle est également la première étape d’un plan d’expansion plus vaste qui va se caractériser par une optimisation de sa flotte, une croissance de ses capacités aussi bien long-courrier que court-courrier – une commande d’A320neo ou de 737 MAX est à l’étude -, avec une ambition : faire de l’île Maurice le hub privilégié des flux de passagers entre l’Afrique et l’Asie.
Depuis quelques jours, la partie la plus flamboyante du plan de développement d’Air Mauritius est le remplacement de la flotte d’A340 par six A350 et deux A330-900. La livraison des deux premiers A350 en octobre et novembre 2017 (acquis en leasing auprès d’AerCap) va permettre le retrait de deux des plus anciens A340-300 en mars 2018. Par la suite, deux A330-900 (acquis en leasing auprès d’ALC) seront livrés à la fin de l’année 2018, qui permettront le retrait de deux autres A340 début 2019. Lorsque les deux A350 suivants intègreront la flotte en 2019 en revanche, aucun appareil ne sera retiré. Les deux derniers A340, qui lui appartiennent, seront conservés jusqu’à l’arrivée des deux derniers A350, c’est-à-dire jusqu’en 2023.
Somas Appavou, le CEO d’Air Mauritius, explique que la compagnie étudie les options qui s’offrent à elle en termes d’utilisation et de rétrofit de ces quadriréacteurs. Tout dépendra de l’utilisation des appareils, s’ils ont une vocation d’expansion du réseau ou de lancement d’une activité charter. En parallèle, la flotte de deux A330-200 devrait être conservée. Elle sera chargée de tester de nouveaux marchés.
Air Mauritius s’appuie sur la complémentarité des A350 et A330neo
François Obé, directeur marketing pour le programme A350 d’Airbus, souligne que le choix d’Air Mauritius de se doter de l’A350 et de l’A330neo va lui permettre de réduire ses coûts en s’appuyant sur la communalité des deux familles. L’avionneur a en effet développé l’A350 en décidant de conserver la logique de l’A330 dans le cockpit puis a transféré certaines technologies sur l’A330neo, créant une grande similarité entre les deux appareils.
« Nous avons fait cela non par conservatisme », explique François Obé, « mais parce que l’un des leviers principaux pour une compagnie désireuse de réduire ses coûts opérationnels est de réduire les coûts de formation et le nombre de pools de pilotes. » Un pilote A330 peut se qualifier sur A330neo avec une demi-journée de formation et un pilote A330 ou A330neo n’a besoin que de huit jours de formation pour se qualifier sur A350 (et inversement). Tous peuvent donc avoir la double qualification. Un atout dont va profiter Air Mauritius : « ce sont les mêmes pilotes dans le cockpit, les mêmes ingénieurs et nous savons opérer la famille A330 », résume Somas Appavou. Les coûts de transition sont donc limités.
« Cela réduit le nombre d’équipages de réserve nécessaires, le besoin de formation et le nombre de pilotes pour une petite compagnie », ajoute François Obé. Un atout qui a dû parler à Air Mauritius. La compagnie traverse en effet une crise importante avec son PNT, en état de stress et de fatigue. Les congés maladie se sont multipliés ces dernières semaines, entraînant retards et annulations, et trois pilotes ont été licenciés. L’un d’entre eux a toutefois été réintégré, le sort des deux autres doit encore être décidé. Mais ces événements ont révélé au grand jour à quel point les effectifs de pilotes étaient tendus.
© Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Commande imminente de monocouloirs de nouvelle génération
Mais Air Mauritius ne veut pas suspendre sa croissance. Et elle ne s’intéresse pas uniquement à sa flotte long-courrier. Au contraire, elle est actuellement en plein processus d’évaluation des familles A320neo et 737 MAX pour sa flotte moyen-courrier. « Le trafic augmente de 5% par an. Si vous voulez croître et conserver vos parts de marché, vous devez augmenter votre flotte », constate le CEO de la compagnie mauricienne.
Les premiers monocouloirs seront destinés à remplacer les deux A319 actuellement en service. Mais, capables de réaliser des vols pouvant aller jusqu’à six heures, ils permettront d’étendre cette partie de la flotte et d’augmenter les fréquences sur les destinations déjà desservies, par exemple Nairobi, Luanda, Le Cap, Dubaï ou Singapour. Une décision devrait être prise au début de l’année prochaine et la commande devrait concerner au moins quatre appareils, voire six. L’A321LR fait partie des avions qu’elle regarde, même si le passage à une flotte Boeing lui poserait moins de problème sur ce segment de flotte que sur le long-courrier.
© Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Maurice, hub de l’Océan Indien
Cette augmentation prévue de la flotte s’inscrit dans une ambition plus globale, celle de faire de l’île Maurice un hub de l’Océan Indien, point de passage privilégié entre l’Afrique subsaharienne et l’Asie. « Une liaison Luanda – Dubaï – Hong-Kong a du sens, mais Luanda – Maurice – Hong-Kong aussi. Et plus encore sur une liaison du type Afrique du Sud – Australie. Nous ne voulons pas entrer en concurrence avec Emirates, ce sont des partenaires, nous proposons juste une autre façon de voyager. »
C’est dans cette optique que les efforts de la compagnie se sont concentrés ces dernières années à développer le réseau vers l’Inde, la Chine et Singapour. Ce développement a culminé en 2015 avec l’établissement d’un « Air Corridor », sorte de navette entre Maurice et Singapour, qui permet aux passagers de ce vol de connecter sur le reste de l’Asie via la ville-état.
« Le marché européen est très important pour nous mais nous ne voulons pas dépendre d’un seul marché. Nous avons traditionnellement des touristes qui viennent de l’Europe mais nous en avons aussi qui viennent de Chine, d’Inde », explique Somas Appavou. Et avec les efforts réalisés dans cette direction par Air Mauritius, les flux de trafic se sont équilibrés : 30% du trafic étranger vient d’Europe, 30% de Chine, 30% d’Inde et 10% de Singapour. Il lui reste à développer l’Afrique, par elle-même ou par des partenariats.
Malgré cela et malgré la très forte concurrence qui règne sur cette partie du réseau, c’est l’Europe qui a connu les dernières évolutions. La desserte de Londres a été renforcée, une nouvelle ligne a été ouverte sur Amsterdam en collaboration avec Air France-KLM et un vol saisonnier vers Genève décollera en novembre. C’est également l’Europe qui profitera la première des capacités long-courrier de l’A350 puisqu’il sera affecté à la desserte de Paris à partir du mois de décembre puis pourrait également officier sur Londres.
© Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés