Il ne faudrait « jamais gaspiller une bonne crise ». Cela semble être le principe qu’airbaltic a décidé d’adopter avec celle, sans précédent, que le transport aérien traverse actuellement. Dans un entretien accordé à Bloomberg, Martin Gauss, le président de la compagnie lettone, a indiqué qu’il avait ouvert des discussions avec Airbus pour accélérer la livraison de ses A220 en commande, afin d’atteindre une flotte de 50 appareils en 2023 plutôt que 2025, comme initialement prévu. Un objectif qui s’est matérialisé dans le plan Destination 2025 CLEAN, présenté le 23 avril.
Martin Gauss va plutôt à contre-courant de la tendance générale qui voit davantage les compagnies se tourner vers les avionneurs et les lessors pour reporter voire annuler les livraisons ou vendre des appareils, afin de protéger au maximum leur trésorerie. Airbaltic, elle, préfère regarder vers l’avenir et s’attache surtout à se préparer à prendre la vague de la reprise au moment où elle se présentera, afin de gagner très rapidement des parts de marché.
Au mois de février, airbaltic exploitait 22 A220-300, douze Q400 et trois Boeing 737-300. La crise du covid-19 a décidé la compagnie à ne pas remettre les deux derniers modèles en service. Ils étaient déjà sur le départ puisque le retrait des 737 était déjà quasiment achevé (il devait initialement se terminer durant l’automne 2019) et les Q400 avaient vocation à être remplacés par les A220 en commande à l’expiration de leurs contrats de leasing (généralement en 2021). Leur sortie a donc été accélérée dans le plan Destination 2025 CLEAN.
« Never waste a good crisis »
A l’occasion d’une conférence sur la gestion de crise organisée début avril par Cirium, Christoph Müller avait expliqué que, selon lui, « si on choisit l’attrition, on se bloque dans la crise ». L’ancien PDG de Sabena, à l’origine de la création de Brussels Airlines, qui compte à son actif le redressement d’Aer Lingus et a dirigé Malaysia Airlines, estime qu’une crise doit être accueillie comme une opportunité d’assainir son bilan financier mais que, même si cela semble contre-intuitif, il ne faut pas tout miser sur la réduction des coûts – notamment ceux liés aux services à bord : « si vous rognez sur le catering ou les couvertures, le gain est insignifiant et cela énerve les passagers qui ne reviendront pas ».
Tony Tyler, ancien PDG de Cathay Pacific, et Montie Brewer, ancien directeur de la planification chez United et ancien CEO d’Air Canada, avaient alors abondé dans son sens, ajoutant qu’il fallait prendre des décisions fortes et très vite. C’est l’exemple que semble suivre désormais Martin Gauss avec sa flotte, même si dans cette crise particulière la reprise s’annonce très lente.
La production d’A220 en suspens chez Airbus
Airbaltic va cependant devoir composer avec les aléas de la production de l’A220. Airbus souhaitait initialement augmenter la cadence – ce qui a participé à précipiter la sortie de Bombardier de son programme – mais la crise du covid-19 a remis ses projets en question. Elle les a en tout cas reportés d’un an puisque la production est actuellement suspendue à Mirabel (depuis le 24 mars et jusqu’au 4 mai) et Mobile (le premier A220 assemblé aux Etats-Unis doit être livré au troisième trimestre). En février, quatre A220 étaient produits chaque mois au Canada mais l’objectif était d’atteindre un rythme de dix appareils par mois autour de 2025.
Quant à airbaltic, elle attendait quatre appareils cette année.