L’une des priorités des compagnies aériennes dans un avion long-courrier est d’occuper ses passagers. Un passager qui s’ennuie est un passager non satisfait et potentiellement perdu. D’où le travail constant réalisé sur les systèmes de divertissement en vol : augmentation de la taille et de la résolution des écrans, mise à jour et enrichissement du contenu, apparition de nouveaux systèmes de divertissement comme les lunettes de Skylights qui permettent une immersion totale dans les films… Mais l’une des principales occupations et préoccupations reste le sommeil pour les deux tiers des voyageurs. « En classe affaires, vous passez la nuit la plus chère de votre vie mais vous achetez également une meilleure performance le lendemain, une meilleure productivité. Les implications vont bien au-delà du vol », explique John Tighe, de JPA Design.
Or dormir dans un avion est une gageure : l’environnement est souvent trop chaud, sec, bruyant et, surtout en classe économique, le passager manque d’intimité et encore plus de confort. Ainsi, selon une étude réalisée par JPA Design, 40% des voyageurs n’arrivent pas à dormir et 15% prennent des médicaments pour y parvenir. Avec les nouvelles générations d’avions, les avionneurs ont déjà travaillé sur l’amélioration du confort de la cabine en général, en réduisant son altitude, en améliorant son taux d’humidité, en travaillant l’éclairage ou en installant un système réducteur de turbulences. Qu’en est-il au niveau du siège ?
Le choix du siège
La société de design britannique JPA, régulièrement sollicitée par les compagnies pour dessiner leurs cabines, s’est penchée plus sérieusement sur ce sujet et s’est mise à la place du passager pour identifier les inconvénients des fauteuils de classe affaires, une fois déployés en lits. « Comment choisir un siège sans dormir dedans ? », s’est-elle interrogée. C’est donc ce qu’elle a fait, « ressentir l’inconfort pour trouver des idées ».
Plusieurs points sensibles ont été identifiés. L’un d’eux est le contact avec la paroi du siège, qui rend le passager conscient qu’il n’est pas dans un lit. Cette constatation implique un choix de la part des compagnies entre confort et intimité : installer une porte au siège mange nécessairement une partie de l’espace dévolu au voyageur – d’environ trois pouces selon Safran Seats, qui a travaillé sur un concept de porte flexible pour atténuer cet impact de moitié. Par ailleurs, 41% des personnes dormant en position foetale, il faut veiller à la place au niveau des genoux.
Extrait de la présentation de JPA Design sur ses recherches en matière de sommeil dans les fauteuils actuels de classe affaires
Quelles technologies pour plus de confort ?
Le contact étant inévitable étant donné le coût de l’espace en avion, il est également pertinent de travailler sur les revêtements de siège, notamment au niveau de la tête et du dos, et de choisir des matériaux et des couleurs qui peuvent donner des sensations de confort et d’espace. Dans un environnement cabine souvent trop chaud pour favoriser un sommeil réparateur (14 à 18°C), le recours à des technologies de réglage de la température du siège est également de plus en plus souvent envisagé par les équipementiers. Safran Seats, tout comme Recaro, présentait à Aircraft Interiors un système de chauffage/refroidissement (par aspiration de l’air) sur Optima, qui peut également être installé sur Versa ou SkyLounge Core. L’équipementier français a également tapissé l’intérieur de la coque de ses fauteuils d’un matériau conçu pour le confort acoustique, « sound transparent », et travaille sur des mousses ouvertes qui absorbent les ondes.
Certains fournisseurs travaillent aussi sur des systèmes de réduction du bruit intégrés à la coque des fauteuils. Recaro faisait tester le sien au salon, sur son démonstrateur de CL6710NG. Panasonic Avionics a également travaillé dans ce domaine pour sa solution Wellness, avec son système Active Noise Control qui réduit le bourdonnement de l’avion sans avoir recours à un casque. La société américaine a également lancé deux nouvelles applications au salon, Calm et myNoise, qui proposent différents sons naturels ou musiques de relaxation. Dans le cas de myNoise, la bande son est adaptée au temps de vol écoulé et à un programme personnalisé d’atténuation du jet lag.
Le choix effectué par certaines compagnies de fournir des oreillers ergonomiques et des matelas spécifiques pour dormir participe également à améliorer la qualité du sommeil.
Le travail sur la lumière
L’éclairage cabine joue également un rôle essentiel. Airbus et Boeing ont déjà travaillé sur ce sujet et proposent du mood lighting sur tous leurs nouveaux appareils depuis plusieurs années, proposant des scénarios d’éclairage qui induisent le sommeil. Mais la lumière peut également être adaptée au niveau de chaque fauteuil pour s’adapter aux besoins individuels. C’est également l’une des solutions de Wellness et son Premium seat lighting qui permet de programmer la luminosité des cycles de sommeil et de réveil de façon individuelle.
C’est la même philosophie qui a poussé Recaro à s’associer à jetlite pour proposer un programme lumineux personnalisé en classe affaires afin d’aider les 60% de voyageurs qui reconnaissent souffrir du jet lag. Le système, déjà en service sur les A350 de Lufthansa à l’échelle de la cabine, descend au niveau du siège. Le passager remplit un questionnaire avant le vol destiné à déterminer son chronotype (rythme de son horloge biologique, cycle de sommeil) et son objectif de sommeil durant le vol. Ces données sont combinées aux variables que sont la route de l’appareil, sa direction, le nombre de fuseaux traversés. L’algorithme de jetlite établit alors le programme lumineux individuel en réglant et modifiant au moment opportun la couleur, l’intensité, l’orientation de la lumière, grâce à des lampes LED disposées autour et dans le siège. La solution n’en est qu’à un stade préliminaire de développement et Recaro ne prévoit pas sa mise en oeuvre avant deux ou trois ans, selon les retours des compagnies.
Recaro et jetlite veulent introduire le mood-lighting à l’échelle du siège et non plus de la cabine. Chouettes ou alouettes pourraient adapter l’éclairage de leur fauteuil en fonction de leur rythme biologique et de la configuration du vol. Le partenariat a été présenté à Aircraft Interiors pour évaluer sa pertinence auprès des clients © Recaro
Et en classe économique ?
Evidemment, tous ces développements profiteront aux passagers de classe affaires. Les passagers de classe économique ne sont pour autant complètement délaissés. Les améliorations en mood lighting les concernent aussi et les équipementiers se sont penchés sur des innovations pour améliorer le confort, allant au-delà du travail constant sur les mousses.
La solution « Sleeping Comfort » de Recaro a été récompensée d’un Crystal Cabin Award pour ses trois innovations. Elle compte tout d’abord un repose-jambes allongé pour un meilleur soutien, ainsi qu’un coussin supplémentaire au niveau du dos, réversible, pouvant être utilisé en position basse comme soutien lombaire ou relevée pour modifier ce soutien. L’autre innovation est l’appuie-tête Abrazo, qui garde la grande amplitude de réglage caractéristique de Recaro mais dont les côtés pivotent pour soutenir la tête du passager du dessous, lui évitant de glisser lorsqu’il dort.
Sur le siège du milieu, les trois nouveautés de Recaro sont installées : repose-jambes allongé, coussin réversible et appuie-tête aux côtés pivotants © Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Un système similaire était présenté par Safran Seats sur son nouveau Z400 – qui sera lancé sur les A330neo de Corsair.
La version Safran Seats de l’appuie-tête pivotant, sur Z400 © Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Des pistes plus universelles, qui s’extirpent de la segmentation en classes, sont également explorées au travers d’applications. Similaires aux conseils proposés par les compagnies aériennes dans leurs IFE, elles vont plus loin, allant jusqu’à recourir à l’intelligence artificielle pour lutter contre le jet lag. En recueillant des données sur le passager et son parcours, en combinant ses données biologiques et l’analyse de données, elles peuvent lui donner des conseils sur le meilleur moment où prendre son repas, boire ou dormir. « Le sommeil dépend de plusieurs facteurs et la technologie peut régler nombre de problèmes. Il faut l’utiliser car elle est disponible », conclut Jacques Durand, directeur Innovation d’AeroHealth, qui propose une telle application. Et cela est encours : Etihad vient tout juste de s’engager sur une application similaire développée par Detalytics et faisant partie de Wellness de Panasonic Avionics.
Airbus et Safran Seats ont remporté un Crystal Cabin Award pour leur idée de modules passagers en soute, offrant un espace aux voyageurs pour dormir (entre autres, les modules pouvant également être aménagés pour des réunions par exemple) © Airbus