A l’issue d’une réunion de concertation entre les professionnels du transport aérien et la Convention citoyenne pour le climat (CCC), les acteurs du secteur ont montré leur opposition unanime aux propositions formulées. La Fnam, l’UAF, la Confédération des PME, les syndicats… tous ont dénoncé des mesures qui n’auraient pour effet qu’une décroissance du transport aérien et une perte de connectivité en France et qui n’apporterait surtout aucun bénéfice sur le plan environnemental, même si tous reconnaissent également l’urgence climatique et la nécessité d’accélérer la transition vers un transport plus durable.
Pour rappel, la CCC propose notamment d’interdire l’avion sur les lignes pouvant être desservies en 4h avec le train et de proscrire tout agrandissement d’un aéroport ou toute construction d’une nouvelle plateforme. Mais surtout, elle défend une nouvelle augmentation, cette fois massive, de l’éco-contribution kilométrique, qui serait multipliée par vingt voire plus (passant de 1,5 à 30 euros pour un vol court-courrier en classe économique par exemple, ou de 18 à 400 euros pour un long-courrier en classe affaires).
La Fnam (Fédération nationale de l’aviation marchande) estime que « les propositions ignorent les enjeux de connectivité du pays et les impacts sur l’économie française ». Elle tente donc de les évaluer : leur application coûterait 4,2 milliards d’euros au secteur et 6 milliards d’euros de PIB à la France en 2021, entraînerait une chute du trafic de 19% et surtout la perte de 150 000 emplois. Alain Battisti, le président de l’association, rappelle que le secteur est déjà en train de jouer sa survie avec la crise de la covid.
L’UAF (Union des aéroports français) s’inquiète quant à elle de la « ruine » de la connectivité de la France et des régions, donc de leur attractivité. Selon elle, l’écocontribution affectera la mobilité des Français – en rendant le billet plus cher -, le désenclavement des territoires, la continuité territoriale, les transversales…
Tous plaident pour transition écologique accélérée, accompagnée des pouvoirs publics et passant par des investissements en R&D et des dispositifs incitatifs plutôt que par une nouvelle hausse de la fiscalité, qui au mieux empêcherait les sociétés de l’aérien d’investir pour l’amélioration de leur empreinte écologique voire achèverait un secteur déjà sinistré – il pourrait perdre entre 10 000 et 15 000 emplois d’ici la fin de l’année (selon Force Ouvrière). Le SNPL France propose une mesure similaire à celle annoncée par l’Autriche, qui instaurerait un prix plancher pour les billets, afin de prendre « en compte la réalité de sa valeur, et d’éviter par là même le dumping environnemental et social ».
Avant la crise, le secteur s’appuyait sur plusieurs leviers pour réduire son impact : le renouvellement des flottes (avec une baisse des émissions de CO2 et des nuisances sonores), le recours aux carburants durables d’aviation (bien que peu disponibles encore), l’optimisation des opérations en vol (approches lissées, optimisation des performances à chaque phase du vol, choix de trajectoires les plus directes possibles, adaptation de la vitesse, allègement des appareils…), l’adhésion à voire la mise en place de systèmes de compensation, l’optimisation des opérations au sol. D’autres efforts sont sans aucun doute nécessaires et des recherches sont sans cesse en cours. Mais il faut pour cela conserver une capacité d’investissement.
Les membres du gouvernement ne regardent eux-mêmes pas d’un très bon oeil toutes les propositions de la CCC dans l’aérien. Interrogé par le quotidien Les Echos, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, a exclu toute nouvelle taxe : « Ce serait ubuesque de reprendre d’une main au secteur du transport aérien ce que nous lui donnons de l’autre », explique-t-il. Lors d’une intervention sur Europe 1 le 14 septembre, Jean-Baptiste Djebbari, le ministre des Transports, avait également rejeté l’interdiction des vols sur des liaisons où une alternative de 4 heures existe au nom des besoins d’aménagement du territoire et s’était inquiété d’une écotaxe qui ne rendrait l’avion accessible qu’aux plus riches.
La CCC a été mise en place en octobre 2019 et a défini une série de 149 mesures pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, avec l’objectif de réduire d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990). Maintenant que ces propositions ont été présentées, elles sont censées être soumises « sans filtre soit à référendum, soit au vote du parlement, soit à application réglementaire directe ». Au vu des déclarations du gouvernement et du président de la République, un filtre pourrait malgré tout s’appliquer. Mais rien n’est joué.